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Portrait culturel de Malakoff

Par 9 mars 2023mars 16th, 2023Aucun commentaire

Jean-Michel Poullé, maire-adjoint délégué aux politiques culturelles et sportives

Ville de Petite Couronne parisienne de 30 000 habitants, Malakoff a pour particularité de réunir un très grand nombre de ressources et d’équipements et culturels sur un très petit territoire, dans une ville qui aujourd’hui bénéficie de la mutualisation de moyen du Territoire Vallée Sud Grand Paris. La longue tradition d’engagement culturel des municipalités successives se traduit notamment par une équipe municipale réunissant quatre délégations culturelles – culture scientifique, lecture publique, mémoire et le patrimoine et éducation populaire – orchestrées par la délégation aux politiques culturelles et sportives. Description par son élu, Jean-Michel Poullé, d’une orientation qui fait de la transversalité des enjeux culturels le fer de lance de son action.

Quelles motivations vous ont-elles conduit à l’engagement politique ?

Pour des raisons professionnelles liées à ma participation à un label de musique associatif à Malakoff, j’ai cessé de militer politiquement pendant plusieurs années. Pour autant, et précisément parce qu’elle souhaitait associer à son équipe des personnes issues de la “société civile”, la maire m’a sollicité lors des dernières élections municipales. Un choix que je ne regrette pas – bien au contraire. Si en tant qu’acteur culturel on travaille concrètement sur des projets, comme élu on est amené à se concentrer davantage sur les orientations politiques que sur la mise en œuvre opérationnelle. Cette position de recul, que j’ai découverte, me convient pleinement.

Votre délégation est double, sport et culture…

La délégation au sport est venue dans un deuxième temps. Quand on me l’a proposée, j’ai vu qu’il y avait un lien très intéressant à créer entre le sport et la culture. L’une des erreurs que font parfois les élus consiste à trop vouloir s’engager sur la réalisation technique des projets. Pour le sport, ce sont alors des questions d’équipement qui s’imposent – donc bien loin de la culture – et pour la culture des problématiques liées aux différentes filières culturelles (théâtre, bibliothèques…). Cela étant, et même si on peut certes créer des passerelles sur certains projets, cette approche concrète ne relève pas directement de la responsabilité politique. En revanche, si l’on se pose la question du sens, de ce à quoi sert une politique publique, quelle que soit la réponse donnée – le lien social, l’émancipation, le respect des droits culturels… –, on s’aperçoit que la culture et le sport portent politiquement la même finalité. D’où la possibilité de contribuer au même objectif en travaillant les deux.

Théâtre 71, scène nationale – Thomas de Pourquery, Supersonic © Alexandre Lacombe

Un autre avantage n’est-il pas d’élargir les publics du sport à ceux de la culture, et inversement ?

Précisément. On a schématiquement tendance, par exemple, à associer le théâtre aux intellectuels, aux classes privilégiées, et le sport aux milieux plus populaires. Envisager les deux ensemble suppose de dépasser ce clivage, caricatural mais tenace ; de fait, les publics sont souvent les mêmes. Autre cliché : associer le sport aux milliards dépensés pour la pratique de haut niveau en considérant que la culture serait moins tributaire d’enjeux de profit ; pourtant, avec par exemple les entreprises culturelles du type de Live Nation, on voit que la culture aussi est aux prises avec des problématiques de rentabilité commerciale. Le sport ne se résume pas à l’argent et la culture à l’intérêt général, notamment au niveau des politiques locales.

 

Quelle est votre enjeu culturel central ?

Conservatoire intercommunal ©Toufik Oulmi

La Ville de Malakoff a toujours été très active en matière de culture. Une chance mais aussi une pression. Avec pour conséquence la présence de très nombreux acteurs culturels sur le territoire : beaucoup d’associations et énormément d’artistes, notamment dans le domaine des arts plastiques, attirés par les nombreux avantages, comme des logements-ateliers, proposés par la Ville.

Culturellement, la ville est dense, avec une scène nationale – équipement rare pour une ville de 30 000 habitants –, un conservatoire intercommunal ainsi qu’une médiathèque et un centre d’art contemporain. Le tout sur 2km² ! A quoi il faut ajouter d’autres lieux plus modestes : trois librairies et autant de tiers-lieux. La ville bouillonne de culture. Il n’y a pas de problème d’accès à la culture et aux pratiques. Dès lors, la municipalité ne s’engage pas directement de la mise en œuvre de la pratique artistique ou dans l’organisation d’une saison culturelle, car il n’y aurait aucun intérêt de venir concurrencer les acteurs culturels et les artistes présents.

Quelles sont les évolutions démographiques à Malakoff ?

Comme toutes les banlieues franciliennes, la ville compte des populations d’origines très diverses. Autre particularité, liée la proximité de Paris : un phénomène important de gentrification. Du point de vue démographique, il faut préciser que la Métropole du Grand Paris oblige certes les communes à se densifier, mais selon plusieurs options : soit de manière radicale, soit plus modérément, soit encore, pour reprendre leur formule, “au fil de l’eau”. Contrairement à d’autres communes voisines, nous avons choisi cette troisième modalité. D’où un urbanisme encore caractérisé par beaucoup de petites maisons et pas de quartier “Politique de la ville”. Sur la place de mairie, il y a des cafés, un grand marché, la scène nationale et, à côté, la médiathèque – une véritable ambiance de place de village. En conséquence, le coût de l’immobilier, élevé dans l’ancien mais que la municipalité limite pour le neuf via l’imposition d’une charte des promoteurs limitant le prix du m², concentre la demande, croissante, sur des gens assez aisés.

Quels principes guident votre action : le respect des droits culturels et la participation citoyenne ? le développement de l’offre culturelle ? la démocratisation culturelle ? l’éducation artistique et culturelle ?

Nous travaillons sur l’ensemble de ces principes et plus particulièrement sur l’EAC. Pour ce qui est des droits culturels, nous avons lancé depuis le début de ce mandat un processus de Rencontres de la culture qui débutera en 2023 et se prolongera sur 2024. L’objectif politique, au-delà du rôle de chef d’orchestre de la municipalité et d’un fonctionnement de travail transversal entre les services amorcé depuis le début du mandat, est d’écouter davantage les habitants. Avec un enjeu fort : comment partager les objectifs d’une politique culturelle et, une fois cette vision commune identifiée, comment les mettre en œuvre ?

De mon point de vue, de tels objectifs ne peuvent se résumer à l’accès à la culture. J’aimerais faire comprendre que la dimension artistique et culturelle participe à toutes les dimensions de la vie collective, quelle peut aider à résoudre les questions sociales, écologiques, économiques… Donc expliquer que la mise en œuvre d’une politique culturelle résonne avec l’ensemble des enjeux de société. Le jour tous en seront convaincus sera un jour magnifique !

Dans cet esprit, nous avons initié, en préambule à ces Rencontres culturelles, un cycle sur ce que nous avons appelé « l’écologie culturelle », qui mobilise l’ensemble des services de la mairie. En 2023, les enjeux environnementaux seront le fil conducteur de tous les événements culturels de la ville. Par exemple, on réalisera la prochaine exposition de la Maison des arts sans “fluides”, en échos aux récents problèmes énergétiques. Même chose pour le salon du livre ou pour la programmation de la scène nationale. Ce cycle constituera un premier test sur la pertinence d’aborder la culture de manière transversale.

« Lisez l’été » – Lecture Publique ©Séverine Fernandes

On pourrait dire que le périmètre de la culture est quasiment égal à la somme de toutes les politiques locales…

En effet. De ce point de vue, la place que l’on veut occuper en tant qu’élu à la culture est décisive. Surtout ne pas se transformer en programmateur ou en critique d’art, ne pas se retrouver dans une situation de décideur ou de censeur par rapport aux acteurs culturels et aux artistes. C’est là un mode de relation que j’ai tout de suite mis à distance, d’autant plus que je suis un professionnel de la culture. Mon rôle n’est ni de juger ni de programmer.

J’aimerais faire comprendre que la dimension artistique et culturelle participe à toutes les dimensions de la vie collective, quelle peut aider à résoudre les questions sociales, écologiques, économiques… Donc expliquer que la mise en œuvre d’une politique culturelle résonne avec l’ensemble des enjeux de société. Le jour tous en seront convaincus sera un jour magnifique !

Les ressources culturelles à Malakoff sont très nombreuses. Y a-t-il un manque ?

Nous sommes assez pauvres en lieux de musiques actuelles. Pas de Smac, juste une maison de quartier avec une salle équipée. Sans doute est-ce dû à un manque de foncier, car une part importante des 2km² de notre territoire est occupée par un fort militaire. Par la force des choses, on essaie donc de développer autant que possible les manifestations dans l’espace public. En revanche, il existe beaucoup de petits lieux, des bars, des tiers-lieux, qui proposent des temps de musique, ainsi que deux festivals “Beat and beer” au début de l’été et “De maison en maison” avec des concerts chez les gens pendant un week-end.

La place de la culture « populaire » et de la vie festive ?

La Fête de la ville (trois jours fin juin), pilotée par la direction culturelle, répond aussi au manque de grande salle municipale. D’autres fêtes sont également des moments importants : le Noël solidaire, le 14 juillet, “Livres en plein air” ou encore les vœux de la maire. Pour tous ces temps festifs, les seuls pour lesquels la mairie engage une véritable action de programmation, nous faisons appel aux associations pour mettre en valeur leurs spectacles et leurs activités. Ce sont des sortes de mini Fête de l’Huma, avec des petits stands pour chaque association.

Malakoff fait partie du Grand Paris. Que vous apporte cette “intercommunalité” particulière ?

Nous faisons partie de ce regroupement de onze villes Vallée Sud Grand Paris. L’apport est ici comptable et considérable. L’intercommunalité représente un important outil de mutualisation et d’économie d’échelle, apportant des capacités d’autofinancement notables. Le bâtiment de la scène nationale, par exemple, est géré par le Territoire. On a également transféré l’équipement – bâtiment et ressources humaines – de la médiathèque et du conservatoire, mais non la politique culturelle. Le but du Territoire, heureusement, n’est pas d’imposer une même politique culturelle à toutes ses villes.

Malakoff a également transféré la piscine, en cours de réaménagement grâce à l’intercommunalité. Le coût total des travaux s’élève en effet 40M€ alors que le total du budget d’investissement annuel de la Ville est de 11M€… Si l’équipement nous appartenait, il nous faudrait au moins 4 ans pour refaire la piscine. Il en va de même pour la voirie ou encore la scène nationale (20M€ de travaux). Nous n’avons donc pas le choix.

Maison des arts, centre d’art contemporain de Malakoff ©Toufik Oulmi

Que vous apporte l’adhésion à la FNCC ?

Le lien avec les autres élus. De manière générale, toute mise en réseau est positive. Par exemple sur la question de l’impact de l’organisation des Jeux olympiques 2024 : si Malakoff seule s’était mobilisée, cela n’aurait eu aucun poids. Le nombre de ses adhérents et leur très grande diversité tant géographique que politique confère à la Fédération un poids extraordinaire. Autre dimension intéressante de la Fédération, qui demande à être amplifiée : sa capacité à donner de la visibilité aux questions culturelles. Si on n’arrive pas à faire émerger une parole des élus à la culture, elle restera cantonnée, malgré la bonne volonté des ministres à la Culture successifs, aux marges des politiques nationales et locales.

Quel serait votre idéal de vie culturelle à Malakoff ? Par exemple, le philosophe Adorno disait que dans un monde heureux, il n’y aurait plus besoin d’art car tout serait art…

Pour aller un peu en ce sens, si tout allait bien, on n’aurait pas besoin de ministère de la culture. La culture serait diffuse partout. Mon rêve serait que la feuille de route de chaque délégation de la Ville comprenne un article mettant en avant la dimension culturelle, un peu comme cela s’impose peu à peu pour l’urgence écologique. Alors, en tant qu’élu, je n’aurais rien à faire…

Propos recueillis par Vincent Rouillon


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