
Sarah Klingler, première adjointe en charge de la culture et de l’éducation populaire de Melle et vice-présidente chargée du projet de territoire à la Communautés de communes Mellois en Poitou
Petite ville de 6400 habitants située dans les Deux-Sèvres, Melle est une commune nouvelle datant de 2019 et réunissant cinq anciennes collectivités. Sarah Klingler, première adjointe en charge de la culture et de l’éducation populaire élue en 2020 et vice-présidente chargée du projet de territoire à la Communautés de communes Mellois en Poitou, revient sur la grande importance des dynamiques de coopération et du tissu associatif dans la construction d’une politique culturelle diverse et collective.
Quelles ont été vos motivations pour vous engager en politique ?
Je suis originaire d’Alsace et je suis arrivée par hasard dans la région comme médiatrice culturelle. Comme je le dis souvent, je suis arrivée par hasard et je suis restée par choix sur un territoire particulièrement bienveillant et accueillant. Je travaillais pour un syndicat mixte avec des postes financés par la Région Poitou-Charentes à l’époque pour faire de l’accompagnement de politiques culturelles sur les territoires. J’ai travaillé, dans ce cadre, à l’élaboration et à la labellisation du territoire comme Pays d’art et d’histoire. Cela m’a permis de rencontrer énormément d’acteurs ainsi que de découvrir la dynamique de la ville et son histoire. C’est tout cela qui m’a amené à vouloir m’engager dans l’action politique. C’est une aventure qui était très intéressante d’autant plus que nous l’avons porté de manière collective dans une logique de commune participative. Ce sont plus d’une centaine de personnes qui ont travaillé à l’élaboration d’un programme pendant six mois avant même que l’on se pose la question de qui seraient les candidats. Nous sommes vraiment dans ces enjeux d’implication de la population et des acteurs du territoire dans la réflexion et l’élaboration des politiques publiques.
Comment décririez-vous votre territoire d’un point de vue géographique et démographique ?
Melle est située dans le sud des Deux-Sèvres et compte 6400 habitants. C’est une commune nouvelle depuis 2019 qui réunit 5 anciennes communes dont Melle était la ville centre. On est une commune rurale avec un centre où il y a une véritable continuité urbaine mais il y a également des bourgs et des hameaux disséminés sur le territoire ainsi que beaucoup d’espaces naturels et agricoles. Nous avons de vrais enjeux sur notre territoire de protection environnementale et de la ressource en eau. Nous avons un patrimoine végétal et naturel extrêmement riche et important. Un précédent maire a constitué un arboretum au début des années 80 qui est aujourd’hui référencé au niveau national. Cette richesse naturelle est aussi une source de l’action culturelle et d’intégration d’œuvres d’art. Nous avons également un patrimoine roman très riche avec trois églises dont une classée étape du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle ainsi qu’une présence humaine ancienne attestée sur le territoire.
Quels sont les atouts culturels de la commune ?
Le patrimoine est très divers sur la commune. Patrimoine historique d’abord avec des vestiges archéologiques mais aussi avec des bâtiments art nouveau ou encore de style Baltard. Nous avons été très tôt, pour une commune de notre taille, en zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP) avec un vrai souci de préservation et d’aménagement du centre-bourg. Par ailleurs, c’est un territoire qui a une influence culturelle protestante très forte. Cela se traduit par des ancrages dans les mouvements d’éducation populaire, un attachement à la laïcité mais aussi par une dynamique collective très forte avec une grande dimension de coopération et d’entreprenariat collectif. Nous avons donc la chance d’avoir un tissu associatif extrêmement fort et actif dans beaucoup de domaines et notamment dans le domaine culturel.

La Nuit de Saint-Hilaire, évènement estival construit par la Ville et les associations de spectacle vivant
Nous avons un cinéma associatif avec des bénévoles très investis dans la programmation et qui est labellisé « Jeunes publics », « Recherche et découverte » et « Patrimoine et répertoire ». Le complexe compte deux salles (100 et 300 places environ) équipées en cinéma numérique avec la possibilité d’utiliser la grande salle pour du spectacle vivant. Nous avons tout un ensemble d’associations dans le spectacle vivant – principalement dans le champ de la musique – qui font des programmations tout au long de l’année et qui organisent des festivals (Jazz, musiques actuelles, musique classique, chanson française et musique traditionnelle). Il y a plus de 80 spectacles sur l’année scolaire. La dynamique collective est très forte donc il n’y a pas un programme par association mais un programme qui réunit la totalité des évènements des associations culturelles du territoire. Il est coordonné et publié par la Mairie. Nous avons aussi une radio associative qui date des années 80. Et nous avons également deux compagnies professionnelles installées et conventionnées sur le territoire : la compagnie Mastock en danse et La Petite Fabrique en spectacle jeune public. Il y a une médiathèque municipale qui compte plus de 30 000 titres et qui comprend une artothèque gérée de manière associative et une grainothèque. Et depuis un an, la Ville compte également une Micro-Folie.
Quel rôle joue la culture dans les politiques publiques à Melle ?
Notre tissu associatif est très investi dans la programmation de spectacle vivant. La Ville de Melle les soutient financièrement et matériellement. Nous laissons le champ libre aux associations et intervenons ponctuellement et de manière complémentaire en matière de programmation.
En revanche, la Ville a une politique extrêmement volontariste en matière d’art contemporain. Nous avons une Biennale Internationale d’Art contemporain qui existe depuis le début des années 2000. La dernière a eu lieu en 2024 avec Evariste Richer en directeur artistique et une fréquentation de l’ordre de 25 000 personnes sur l’été. C’est un évènement qui investit toute la ville y compris les espaces publics et les lieux de patrimoine pour aller à la rencontre des habitants avec une trentaine d’artistes invités en moyenne. Nous sommes en train de préparer la prochaine sous la direction artistique de Jan Kopp. Cette biennale comprend des créations in situ ainsi que l’exposition d’œuvres existantes. Elle est une part importante du budget de la Ville puisqu’elle représente entre 150 et 200 000 euros par édition.

Jan Kopp, les Êtres Constellation ordinaire
Nous avons aussi une politique de commandes publiques. Nos trois églises romanes sont dotées d’une œuvre issue de la commande publique. La première a été pour l’église Saint-Hilaire et cela a été confié à Mathieu Lehanneur. Ensuite, Rémy Hysbergue a réalisé les vitraux de l’église Saint-Savinien et Evariste Richer a réalisé le Métaprisme pour l’église Saint-Pierre. Nous venons tout juste de lancer une souscription publique pour acquérir une œuvre de Jan Kopp qui s’intitule « Le êtres – constellation ordinaire » qui a été créée in situ.
La culture et l’éducation populaire sous-tendent notre action politique. La culture était un enjeu fort dans notre programme économique et de développement de la commune. La culture contribue à l’attractivité de la ville de manière vertueuse. Nous avons lancé, il y a un an et demi, une expérimentation dans un bâtiment désaffecté de la commune où nous avons créé une ruche d’artistes, artisans et artisans d’art. Ils sont une vingtaine de professionnels installés dans l’ancien centre des impôts avec pour objectif de développer un modèle économique qui leur permette de poursuivre leur activité sereinement. Ce genre de projet permet de faire venir des gens, des familles mais aussi de renforcer les inscriptions dans les écoles. Cette dynamique est un élément central de notre développement et de notre politique d’attractivité.
La culture fait partie de l’identité de la commune. Melle est reconnue pour ses patrimoines, ses dynamiques culturelles et bénévoles. C’est quelque chose que nous prenons soin de cultiver en tant qu’élus.
Des difficultés ?
L’action culturelle est reconnue et soutenue au niveau de la commune que ce soit par le conseil municipal ou par les habitants car elle fait partie de son histoire et de son développement. Néanmoins, nous sommes très ambitieux par rapport à la taille de notre ville. Il y a donc des enjeux forts en termes d’ingénierie. Il y a aussi des enjeux financiers même s’il faut noter que sur notre mandat nous avons de bonnes relations avec la Direction régionale des affaires culturelles qui nous soutient sur nos projets. Pour autant, nous sentons que les restrictions budgétaires peuvent fragiliser le tissu associatif notamment et que la commune n’aura pas forcément les moyens de tout compenser.
Un bilan de fin de mandat ? Des projets pour la suite ?
Nous avions un gros enjeu qui était de relancer la biennale internationale d’art contemporain dans le paysage national. Nous avons fait une très belle édition l’an dernier et la prochaine prévue en 2026 s’annonce très bien également. Sur l’accompagnement de nos associations et leur dynamique collective, nous avons réussi à conforter le tissu bien qu’il faille rester prudent pour l’avenir. Nous sommes aussi le premier conseil municipal de la commune nouvelle créée en 2019. Il y avait donc un enjeu à fédérer et donner du sens à ce nouveau territoire. L’action culturelle y a contribué aux côtés d’autres actions. Nous avons des temps forts qui sont fédérateurs pour le territoire.
Des attentes vis-à-vis de la FNCC ?
J’avais comme attente d’être dans de l’échange de pratiques avec les collègues et de participer à des temps de formation. Je souhaitais aussi voir dans quelle mesure nous pouvions être soutenus sur de l’organisation d’évènement ou de la communication. C’était l’idée d’être dans un réseau et dans des dynamiques collectives mais également d’avoir du soutien sur des évènements ponctuels notamment en termes de communication.
Propos recueillis par Noémie Picard