
Stéphanie Poïny-Toplan, conseillère municipale de Saint-André déléguée à la culture et au patrimoine, conseillère communautaire à la Communauté intercommunale Réunion Est et conseillère régionale de La Réunion. © Ville de Saint-André
Comment décririez-vous les particularités de votre territoire ?
La Réunion est une île située dans l’Océan Indien ce qui signifie qu’elle est assez éloignée de l’Europe dont elle fait partie puisqu’elle est un département de France. C’est une région qui a la particularité d’avoir une population multiculturelle car notre île a été peuplée par plusieurs communautés venues d’Europe, d’Inde, de Chine, de Madagascar et du continent africain. Ce sont donc plusieurs communautés qui cohabitent ici d’où son nom de La Réunion. C’est ce métissage qui fait la singularité de l’île. La géographie est aussi une grande particularité. La plupart des communes sont côtières mais quelques-unes ne le sont pas. On parle, dans ces cas-là, de villes dans les hauts car elles sont soit en montagne soit en pied de montagne.
Quel est ou quels sont les principaux axes de votre politique culturelle ?
Au niveau de la Région, nous avons voulu placer la culture au cœur du projet de développement à travers plusieurs axes que sont le soutien à la création et à la diffusion des artistes, la formation professionnelle des acteurs pour pallier le manque d’acteurs culturels formés et l’accessibilité de la culture pour tous car on souhaite toucher un maximum de personnes y compris celles qui sont isolées. L’idée centrale est de proposer une offre culturelle aussi riche que variée.
Quelle est la place de l’itinérance artistique et culturelle dans ce projet de développement culturel ?
La Réunion n’est pas un territoire rural mais nous avons développé l’itinérance artistique et culturelle parce qu’il y a, malgré tout, des territoires éloignés qu’il faut irriguer. De ce fait, elle a toujours existé parce que nous avons des grandes villes qui sont très peuplées – Saint-André où je suis élue compte 58 000 habitants par exemple – à côté de villes de tailles bien plus modestes à savoir 3 ou 4 000 habitants. L’idée est vraiment d’aller irriguer toutes les villes, tous les quartiers et d’aller chercher les personnes qui habitent dans les hauteurs de la Réunion. Nous avons des équipements culturels mais nous voulions sortir de ces équipements pour aller chercher les personnes qui ne les fréquentent pas pour diverses raisons comme le manque de moyen de transport.
Au niveau de la Région, nous sommes partenaires de plusieurs projets que nous avons accompagnés via des subventions. Il y a, par exemple, le MobilTéat du Centre dramatique national de l’Océan Indien basé à St Denis. Il s’agit de plusieurs containers que l’on emmène dans les quartiers pour proposer des spectacles. Il y aussi le FRAC mobile qui utilise également un container pour proposer des expositions itinérantes. Même si leur forme est réduite cela permet aux habitants de profiter d’une exposition près de chez eux. Nous avons aussi monté un dispositif de notre propre initiative qui s’appelle le Guétali pour soutenir les arts vivants et visuels.
Quels sont vos principaux atouts culturels : tissu associatif, patrimoine, équipement… ?

En haut : Char de la fête du Dipavali à Saint-André / En bas : Installation des containers du MobilTéat
L’un des grands atouts de La Réunion est son tissu associatif qui est très dense. Nous avons beaucoup d’associations culturelles qui sont très actives non seulement auprès des collectivités mais également auprès des hôpitaux, des écoles, etc. Qu’importe le lieu, tout le monde s’adapte pour créer des évènements culturels.
Un autre de nos atouts principaux est l’histoire de l’île et en particulier la cohabitation des communautés. Toutes ces communautés coexistent et chacune a ses propres évènements qui font vivre l’île et qui sont toujours mis en avant. La vraie richesse est vraiment ce métissage et ce maillage des différences.
Quels sont vos principaux freins : compétences, équipements, ingénierie… ?
Comme nous sommes sur une île, nous sommes assez isolés. Pour sortir du territoire, nous n’avons d’autre choix que l’avion. Il y a, par ailleurs, un déséquilibre en matière d’équipements culturels. Nous avons des villes avec de grands équipements culturels et d’autres où il n’y en a pas du tout. C’est cela aussi qui nous incite réellement à développer cette itinérance culturelle et artistique.
Qu’apporte l’itinérance artistique et culturelle dans votre territoire : animation, rayonnement, fierté, partage… ?
Un exemple concret dont je peux vous parler est celui de la fête du Dipavali organisée à Saint-André. Il s’agit d’une fête indienne d’abord cultuelle qui est devenue un évènement culturel avec le temps. Nous avons deux lieux pour les spectacles mais nous avons également mis en place un char itinérant. C’est un podium tracté par un pick-up qui permet d’aller proposer des spectacles dans les quartiers. Nous avons eu un retour très positif sur le terrain surtout de personnes qui ne peuvent plus se déplacer et qui étaient ravies d’avoir un spectacle devant leur porte. Je sais, par ailleurs, que d’autres villes l’ont fait avec des charrettes.
FOCUS SUR UNE INITIATIVE
dispositif Guétali : soutenir l’itinérance des arts vivants et visuels
Présentation du dispositif
Le Guétali est un dispositif de soutien aux arts vivants et visuels par lequel la Région Réunion souhaite développer l’économie du spectacle vivant et l’emploi culturel mais également démocratiser l’accès à l’offre culturelle en proposant des évènements de qualité aux personnes qui en sont éloignées ou qui n’ont pas l’habitude de se rendre dans les équipements culturels. Pour cela, le label Guétali garantit la gratuité des représentations et des expositions ainsi que l’intégration d’actions de médiation. Ce dispositif prend la forme d’un appel à projets à destination des artistes dans tous les champs du spectacle vivant et des arts visuels. 21 projets artistiques ont bénéficié du label Guétali sur la saison 2023-2024 et ont proposé des représentations, des performances ou des expositions dans plusieurs lieux de La Réunion.

©Région Réunion
L’itinérance au cœur du dispositif
Les artistes qui candidatent à ce dispositif doivent réunir plusieurs conditions. Par exemple, le projet doit être diffusé dans différentes communes et doit s’adapter facilement à différents lieux qu’ils soient clos ou dans l’espace public. C’est un dispositif qui accompagne des projets qui vont être diffusés dans les EPHAD, les hôpitaux, les écoles mais également dans des lieux publics pour être au plus près des habitants.
Promouvoir le lien avec les habitants
Les artistes doivent accompagner leur proposition artistique d’un projet d’éducation artistique et culturelle. Il s’agit de les encourager à aller à la rencontre des habitants, de proposer des ateliers pour faire en sorte que le public soit non seulement investi mais qu’il soit partie prenante.
Aller au plus près des habitants – Le mot de Stéphanie Poïny-Toplan
Nous nous sommes rendu compte que les personnes qui passent la porte des équipements culturels sont souvent les mêmes. Il y a une partie de la population, les plus jeunes et les plus âgés ou bien même ceux qui n’ont pas de moyen de transport par exemple, qui ne les fréquente pas du tout. Penser la culture par l’itinérance permet d’aller chercher nos habitants en leur proposant une offre culturelle sur le pas de leur porte.
Propos recueillis par Noémie Picard