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1960, naissance de la Fédération nationale des centres culturels communaux

Par 10 février 2020Aucun commentaire

La FNCC a été créée sous le nom de Fédération nationale des centres culturels communaux (FNCCC) en juillet 1960 par Michel Durafour, alors maire-adjoint à la culture de la Ville de Saint-Etienne. Récit de ce moment fondateur à l’occasion des 60 ans de la Fédération, en ouverture d’une série d’articles qui, tout au long de l’année 2020, reviendront sur les temps marquants de la Fédération.

En 1959, après avoir dirigé le ministère de l’Information, André Malraux fonde le ministère de la Culture. Avec une conception fortement centralisée de la politique culturelle qui a tendu à minimiser les ambitions et réalisations culturelles des communes. Une approche « descendante » que synthétisait ainsi le directeur du théâtre et des métiers de la culture d’alors : « La plupart du temps, les municipalités ont des activités culturelles, elles n’ont pas de politique… »

L’intuition de la décentralisation culturelle. C’est face à cette vision jacobine que, fort de son expérience d’élu local à Saint-Etienne ayant créé, en 1959, un centre culturel communal, Michel Durafour décide de mettre en pratique son intuition première : le déploiement de politiques culturelles ambitieuses passe par leur prise en main par les collectivités territoriales. Ainsi naît l’idée aujourd’hui admise par tous de décentralisation culturelle, pendant de la déconcentration culturelle dans laquelle s’engageait alors le ministère avec la création des Maisons de la culture, dans le sillage de la décentralisation théâtrale inaugurée par Jeanne Laurent dès le lendemain de la Deuxième Guerre mondiale.

Convaincu qu’il existe dès la fin des années 50 « un nouvel état d’esprit chez de nombreux maires » favorable à un engagement culturel municipal, Michel Durafour regroupe autour de lui, en 1960, un petit noyau de maires, puis interpelle toutes les villes de plus de 20 000 habitants. Avec un taux de réponses positives de 80%. Une interpellation qui s’imposait donc…

Le 1er Congrès. Tout va alors très vite avec l’organisation, les 14 et 15 mai 1960, d’un “congrès national des centres communaux” à Saint-Etienne, sous l’égide de la Ville dont Michel Durafour est alors maire-adjoint à la culture – un mandat dont à l’époque bien peu de municipalités s’étaient dotées.

Objectif de cet événement qui a réuni cinquante villes de toutes sensibilités politiques (Ivry, Nice, Nevers, Rennes, Mulhouse…) et un nombre égal de grandes associations culturelles : définir ce qu’est un “centre culturel communal” et explorer la pertinence de leur fédération.

Le Congrès de Vichy (9-11 mai 1969), sur le thème est « La culture : qui, quoi, comment ? »

Le centre communal culturel sera identifié comme un organisme à l’intérieur duquel sont réunis des représentants de municipalités et d’associations culturelles. Quant à la perspective de leur fédération, ces mots de Michel Durafour lors de son premier discours : « Il va falloir dire si nous allons continuer à nous présenter en ordre dispersé devant les pouvoir publics ou si, au contraire, nous allons faire valoir nos droits. » Puis il précise sa pensée politique : « décider, une fois pour toutes, si la décentralisation va devenir une réalité ou si elle ne restera qu’un mot. Croyez-moi, si la province se fédère, un grand pas sera fait et des talents inconnus se feront jour. »

Trois commissions se réunissent l’après-midi du 14 mai. Toutes abonderont l’intuition et l’ambition de Michel Durafour. L’une d’elles, chargée de travailler à la formation d’une Fédération de centres culturels communaux (FNCCC), lui donne pour mission « le regroupement et la coordination de toutes les associations culturelles [en liaison avec les municipalités] en dehors de toute préoccupation philosophique, confessionnelle ou politique ».

Le principe de pluralisme politique, sur lequel la FNCCC, devenue Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC), ne reviendra jamais.

Suivent, en juin, la rédaction des statuts et l’élection d’un Bureau, placé sous la présidence du maire-adjoint de Saint-Etienne. Un débat s’élève entre les tenants d’une posture plus ou moins revendicative vis-à-vis du ministère des Affaires culturelles. Après l’affirmation du nécessaire pluralisme, la règle des présidences alternées est actée. Et, par-delà la posture initiale d’un « combat des provinciaux contre Paris », selon la remarque de l’historien Pierre Moulinier, les membres de la toute nouvelle fédération se prononcent pour adopter une position constructive avec le ministère – une volonté qui, plus tard, s’incarnera dans la convention qui lie aujourd’hui la FNCC et la rue de Valois.

Le 18 juillet 1960, la FNCCC est créée, avec son siège social à Saint-Etienne (une localisation qui a perduré). Elle se donne trois objectifs :

  • promouvoir les centres culturels communaux, les coordonner et les représenter auprès des pouvoirs publics ;
  • obtenir des subventions d’Etat à hauteur de celles données pour les écoles ;
  • et « créer, entretenir et développer des relations culturelles de ville à ville ».

Michel Durafour n’a pas fondé seul la FNCCC, ce dont témoignent ces récents propos (mars 2018) de son vice-président, récemment disparu, Gérard de Vassal : « Michel Durafour nous réunissait dans un petit café à Saint-Etienne. Je me souviens d’une réunion, où était présent Jean Vilar. » Dès l’impulsion originelle, il y avait aux côtés du président-fondateur d’autres élus : Jean-Paul Fuchs (Colmar), Louis-Charles Vincent (Nevers), puis Jack Ralite (Aubervilliers), Denise Foucard (Champigny) et bien d’autres. Mais la personnalité et le parcours de Michel Durafour expliquent pour beaucoup son geste fondateur.

Politique et écrivain. Né en 1920, fils du député-maire de Saint-Etienne Antoine Durafour, Michel Durafour portait par héritage l’engagement politique local. Il fut, comme son père, successivement conseiller municipal, maire-adjoint à la culture (à partir de 1947, puis de 1959), enfin maire de Saint-Etienne (de 1964 à 1977). Sur le plan national, il connaissait de l’intérieur l’Etat dont il contestait le monopole en matière de culture et notamment le premier des ministre de la Culture. Il sera au cabinet de trois ministres successifs de l’Information : Paul-Henri Teitgen (1944-1945), Jacques Soustelle (1945) et André Malraux (1958). Mais parallèlement à sa vie politique, Michel Durafour était aussi, sous divers pseudonymes, un écrivain à succès de pièces de théâtre et de romans –, une activité qui, après sa défaite en 1977 aux élections municipales, lui permettra de vivre largement.

Le président-fondateur de la FNCC connaissait intimement celui à qui il s’opposait, Malraux – qui plus tard reconnaîtra son erreur de n’avoir pas écouté la FNCCC et d’avoir refusé l’idée de la décentralisation culturelle – et ce qu’il pouvait lui apporter : un engagement culturel local fort, concrétisé par la création à Saint-Etienne d’un centre culturel communal, par l’exercice d’un des tout premiers mandats à la culture et enfin par un savoir-faire artistique d’écrivain.

Première plaquette de présentation de la FNCCC


N/B. Cet article puise l’intégralité de ses informations de l’ouvrage de Pierre Moulinier “1960-2010”, un demi-siècle au service d’une culture décentralisée : la FNCC”. Ce projet éditorial a été soutenu et publié par le Comité d’histoire du ministère de la Culture à l’occasion du 50e anniversaire de la Fédération. Disponible sur commande au siège de la FNCC.