Le maire-adjoint à la culture et au patrimoine de Vannes et vice-président de la FNCC, Fabien Le Guernevé, a inauguré son premier mandat en organisant les premières Assises de la culture de la Ville. Après la mise en ligne d’un questionnaire destiné à l’ensemble des habitants, pour dresser un état des lieux sur la vie culturelle vannetaise, toutes les structures professionnelles et associatives ont été invitées à de multiples ateliers et travaux pour nourrir un « projet culturel de territoire » dont les contours seront dévoilés au printemps 2023. Fabien Le Guernevé revient sur ce processus de démocratie participative auquel ont également contribué le service culturel de la Ville ainsi que les personnels des établissement culturels municipaux.
D’où est venue l’idée de s’engager dans le processus participatif des Assises de la culture ?
A Vannes beaucoup de dispositifs avaient été mis en place, mais un peu sous forme de catalogue. J’avais vraiment envie de construire, de structurer cette politique culturelle, de lui donner du sens en fonction des besoins d’aujourd’hui. Mais, pour ne pas en décider seul et que les changements soient bien acceptés, il était important de le faire avec les acteurs culturels et les associations. Le processus s’est déroulé en trois temps : un état des lieux de l’offre culturelle à Vannes – qu’elle soit municipale, communautaire, associative ou privée –, une réflexion sur ce qui fonctionne, ce qui ne va pas, ce qui pourrait être amélioré, ce qui manque, et enfin, partir de ces constats, la construction d’une stratégie et d’un plan d’action.
Mais la finalité de ces Assises était aussi, et peut-être surtout, un prétexte pour réunir tous les acteurs pour mieux les faire se connaître les uns les autres. D’ailleurs, l’une des conclusions des Assises a été qu’il nous manque un endroit, un temps pour se rencontrer et échanger sur les projets et voir comment en construire ensemble de nouveaux, car les acteurs culturels se sont aperçus qu’ils menaient souvent des actions assez similaires et qu’il serait peut-être plus efficace de les porter de manière partagée.
Quels principes ont-ils guidé ces Assises ?
Je parle souvent d’écosystème culturel. A Vannes, il y a un très grand nombre d’acteurs dont les actions s’enchevêtrent, d’où la nécessité de créer un lien. De plus, la culture ne peut pas être portée que par les institutions publiques. Tout le monde y contribue. Mais comment faire pour qu’une offre composée par des propositions tantôt de la Ville, tantôt de l’Agglomération, ou de telle ou telle association apparaisse avec une certaine cohérence aux yeux des citoyens qui, eux, ne se soucient pas d’où viennent les différentes initiatives ?
De surcroît, Vannes accueille des populations nouvelles, venues notamment de la capitale ou d’autres métropoles. Il faut prendre en compte leurs attentes tout comme celles des Vannetais de longue date, dont les envies évoluent également. Dans le cadre des droits culturels, il s’agit de faire remonter les aspirations de toutes et tous pour construire une offre aussi consensuelle que possible. Enfin, certains segments de la population ont pu se sentir davantage oubliés que d’autres – notamment les 18-35 ans et les jeunes parents.
Le principe des Assises n’est pas sans risques …
Au départ, nous ne savions pas trop où nous allions – cela ne s’était jamais fait à Vannes –, avec la possibilité que le processus ne nous échappe. Pour autant, en tant qu’adjoint à la culture j’avais déjà rencontré, à plusieurs reprises, l’ensemble des associations et des acteurs culturels. On se connaît et nous n’avons pas attendu les Assises pour échanger. J’étais donc plutôt optimiste et serein. Et à raison, car tout s’est très, très bien passé. Au contraire, cela m’a apporté une forte légitimité dans mon rôle de coordinateur de l’offre culturelle de la Ville.
N’avez-vous pas craint de susciter trop d’attentes ?
A aucun moment nous n’avons laissé entendre que l’argent coulerait à flots. Il était entendu que la subvention n’était pas l’unique moyen de soutenir les projets culturels et que, plutôt que de travailler en parallèle, le partage et la mutualisation pouvaient accroître l’efficience des initiatives. La municipalité est désormais perçue comme un véritable partenaire, pas seulement un partenaire financier.
Ou d’être débordés par les initiatives des uns ou des autres ?
Le cadre était très clairement posé. Nous avons dès le départ précisé que, même si on est dans une construction partagée, cela reste une politique culturelle portée par la Ville, dont les arbitrages sont rendus par les élus. Ce cadre a été exposé par le maire au moment de la plénière.
Avez-vous eu recours à des prestataires extérieurs …
Non. Une chargée de mission, qui fait partie des effectifs des services culturels, a été dédiée aux Assises de la culture. En lien avec la chargée de mission pour les politiques d’éducation artistique et culturelle et la directrice des affaires culturelles, elle a géré le sondage, les questionnaires, les liens avec les conseils d’établissement, les comités d’usagers, puis piloté en collaboration avec des directeurs de services culturels, les ateliers sur trois grandes thématiques : l’EAC, les partenariats et la diversité culturelle. Au sein de la direction de la culture – soit 150 agents –, cela a permis aux différents services (conservatoire, bibliothèques, musées…) de travailler ensemble.
Quelle a été la place des élus dans le processus des Assises de la culture ?
Pour ma part, j’ai validé la construction des outils et la méthodologie des Assises. Le jour de la plénière, je suis intervenu, via un dialogue croisé avec Nicolas Defetel, maire-adjoint à Angers, pour mettre en regard les politiques de nos deux Villes – et je veux saluer ici l’apport de la FNCC, à la source de ce dialogue entre municipalités – ainsi qu’au moment de la restitution finale, pour un échange avec la salle.
Pour ce qui est des ateliers, aucun élu n’y a participé afin de ne pas brider la parole des acteurs culturels et associatifs. En revanche, le comité de pilotage était uniquement composé d’élus porteurs de différentes délégations, avec des échanges qui sont notamment à l’origine d’un projet très ambitieux pour la politique de la ville et de la décision renforcer notre politique d’EAC.
Quel sera l’aboutissement des Assises ?
Nous préparons actuellement des annonces pour le 21 janvier, au moment de la restitution des groupes de travail, sur les stratégies et les actions qui seront mises en place. Tout ce processus va déboucher sur la rédaction d’un projet culturel de territoire à partir de l’ensemble de ce qui a été dit pendant les Assises et en intégrant le projet d’établissement du conservatoire, les projets scientifiques et culturels des musées ainsi que notre politique d’EAC. Avec l’idée d’être mûrs à mi-mandat, en mars prochain.
Le recueil des attentes des habitants par équipement culturel a été mené par leurs personnels : comment cela a-t-il été accepté par les professionnels ?
La parole des comités d’usagers était très libre. Je n’ai pas senti de réticence de la part des personnels des différents équipements. Ils ont au contraire trouvé cela plutôt utile et agréable. Ce dialogue est un lien supplémentaire avec les usagers, ce qui est précieux, surtout après les périodes de confinement.
Qu’ont d’ores et déjà changé les Assises dans la vie culturelle à Vannes ?
Des projets artistiques ou culturels en sont nés. Les associations qui cherchaient des lieux et auxquelles la mairie, dont les locaux sont saturés, n’était plus en mesure de répondre, ont pu être accueillis par des tiers-lieux. Plus encore, ils nous ont dit de ne pas hésiter à les solliciter.
Pour ma part, je me suis complètement approprié cette la formule de Nicolas Dufetel : « L’adjoint à la culture est le directeur artistique de la politique culturelle d’une Ville parce qu’il est au carrefour de toutes les initiatives. » Aujourd’hui je passe mon temps à mettre les gens en relation les uns avec les autres. J’ai ainsi pu créer du lien entre des associations un peu en voie d’essoufflement, notamment du fait de la crise sanitaire. Par exemple, des chorales se sont aperçues qu’elles pouvaient créer une nouvelle dynamique en fusionnant.
Ont-elles apporté une plus grande légitimité aux politiques culturelles de la Ville et à votre position de maire-adjoint ?
Oui, avec une plus forte visibilité de nos actions. Certaines avaient du mal à se faire connaître ; maintenant les gens s’en emparent. Bien loin d’écorner la légitimité de rôle de l’élu, ça l’a renforcée. Maintenant, on nous interroge : ce projet est-il viable, pertinent ? Avec qui il pourrait-il être développé ? Quels dispositifs faudrait-il mettre en place ? Etc. De plus, l’Agglomération, le Département, la Région et la DRAC (également été destinataires des résultats de l’état des lieux) ont participé aux Assises. Et, puisque le réseau des médiathèques est communautaire, les Assises vont aussi venir nourrir les politiques culturelles de l’Agglomération. Tous ces liens font boule de neige…
Ne pas faire des promesses qu’on ne sera pas capable de tenir. En revanche, il faut, avec humilité, dire aux acteurs, aux associations qu’on a besoin d’eux, de leur expérience, de leur expertise. Et bien poser le cadre dès le départ.
Au terme de ces Assises, votre conception des politiques culturelles a-t-elle été modifiée ?
D’une part, je me suis aperçu que nous n’avions pas à rougir de ce que nous faisions, ce qui donne du recul face à d’éventuelles critiques. Et d’autre part qu’il ne revient pas aux collectivités publiques de tout faire. Les acteurs ne demandent qu’à être sollicités. Avant, il y avait beaucoup de fantasmes : cela ne sert à rien de proposer car la mairie dira forcément non, de toute façon il n’y a pas d’argent… Tout le monde se mettait des barrières. Les Assises ont vraiment désinhibé l’envie de porter des projets.
Que diriez à un élu pour l’engager à organiser des Assises ?
Ne pas faire des promesses qu’on ne sera pas capable de tenir. En revanche, il faut, avec humilité, dire aux acteurs, aux associations qu’on a besoin d’eux, de leur expérience, de leur expertise. Et bien poser le cadre dès le départ. Enfin, ne pas avoir peur : les gens s’autodisciplinent très vite.
Retenez-vous deux ou trois idées particulièrement saillantes ?
Nous allons lancer des bourses à la création, car aujourd’hui, à part le Théâtre (sous statut d’EPCC), on manque de dispositifs d’aide à la création. Elles seront financées sur des fonds disponibles du budget pour les associations. Nous allons également mettre un terme à certains événements vieillissants et construire une nouvelle offre à destination des 18-35 ans. Nous allons aussi réfléchir à adapter les horaires d’ouverture de nos services culturels et solliciter le label 100% EAC. Enfin, dans la suite de l’esprit des Assises, nous allons proposer, deux fois par an, des temps d’échanges dans des tiers-lieux ou des musées.
Ce sont là les projets de la Ville. Mais il y a aussi tous ceux qui vivent en dehors de la mairie. Par exemple, les Rencontres du cinéma européen ont initié de nouveaux partenariats avec d’autres acteurs culturels, ce qui leur permettra de beaucoup enrichir la programmation. Autre exemple : nous avions des fêtes bretonnes très essoufflées. J’ai demandé aux associations qui les portent de les transformer en un événement commun (la mairie s’engageant à en assurer une part de financement). C’est ainsi qu’est apparu, au mois d’août, le Festival d’Arvor, construit par six associations qui n’auraient pas naturellement travaillé ensemble. Un immense succès grâce à la participation de 200 bénévoles, tous prêts à repartir en 2023.
Donc, oui bien sûr, il faut faire des Assises de la culture. A Vannes, le projet culturel de territoire qui va en découler sera un outil politique très puissant. Mais cela doit en effet s’organiser en début de mandat.
Propos recueillis par Vincent Rouillon
Le questionnaire « Grand public »
Freins. Parmi les très nombreuses données apportées par le questionnaire Grand public (mis en ligne durant cinq semaines, avec 740 réponses), tout d’abord une identification des principaux freins à la vie culturelle : tarifs trop élevés, problématiques de mobilités, question des horaires d’ouverture ou encore impossibilité de réserver pour les spectacles hors des systèmes d’abonnement.
Attentes. Les Vannetais attendent beaucoup de l’offre culturelle. Elle doit animer une vie culturelle locale, mais aussi « éveiller les enfants » et « créer du lien entre les habitants ». Pour l’instant, la moitié d’entre eux juge qu’elle « manque de dynamisme », preuve d’une forte appétence pour la culture. Conclusion : « Le questionnaire permet de faire émerger une véritable volonté de dynamiser l’offre culturelle, de la diversifier. »
Retour sur les équipements municipaux. Le questionnaire s’attarde aussi aux suggestions et remarques des habitants par équipement culturels municipaux. Ainsi, si les Vannetais connaissent peu leur Conservatoire à rayonnement départemental, ils fréquentent assidûment les musées (60%), les Scènes du Golfe/théâtre conventionnée « Art et Création » (56%), les médiathèques (50%) et un peu moins les sites patrimoniaux (36%).
Les suggestions pour les musées sont plus d’expositions de grande envergure (26% des retours sur les musées) et davantage d’art contemporain (26%) – à noter une forte attente pour le futur musée des Beaux-Arts du Site de l’Hermine qui ouvrira fin 2025. Pour les médiathèques, la demande principale est celle d’une ouverture dominicale (40%). Pour les Scènes du Golfe, l’attente principale concerne l’augmentation et la diversification de la programmation (53%), principalement l’offre théâtrale (16%).
Quant au patrimoine, il serait souhaité que davantage de place soit accordée au patrimoine immatériel, industriel et naturel.