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Budget 2023 : Création et Transmission des savoirs

Par 28 novembre 2022Aucun commentaire

Il n’y aurait guère de sens à contester dans son ambition globale un budget en nette hausse (+7%). D’où l’avis favorable prononcé par la sénatrice (PS) Sylvie Robert, rapporteure pour avis des programmes « Création » et « Transmission des savoirs » de la part culture du Projet de loi de finances pour 2023. Le premier, en effet, s’est accru désormais de 20% en trois ans et le second de 40%. C’est précisément parce que l’engagement est significatif que les remarques et inquiétudes persistantes le sont également. Quelques éléments du rapport pour avis remis au Sénat le 17 novembre.

Deux remarques générales traversent l’ensemble de l’analyse de la sénatrice : d’une part, du fait de l’inflation et de la baisse de fréquentation des équipements culturels, l’effet de la hausse générale du budget s’avèrera moins positif qu’espéré, tout particulièrement pour les « lignes » dont la dotation budgétaire 2023 est stable : « Les modèles économiques des acteurs culturels sont bouleversés par les nouveaux comportements des publics. » D’autre part, et ce quel que soit le champ envisagé, le budget est trop « national » en ce qu’il n’est pas suffisamment conçu, aux yeux de la sénatrice d’Ille-et-Vilaine, en articulation avec les collectivités. Or, « la situation actuelle appelle un dialogue régulier entre l’Etat, les collectivités territoriales et les acteurs culturels, ainsi qu’un renforcement de la contractualisation entre l’Etat et les collectivités ».

Festivals. Bien que la crise sanitaire soit derrière nous et que l’été 2022 a enregistré un réel renouveau de la vie festivalière, les opérateurs et collectivités porteuses restent tributaires à la fois des nouveaux comportements des publics et de l’inflation. Si le Fonds festivals a bien fonctionné en sortie de crise – ici la sénatrice estime que les compétences respectives du Centre national de la musique (CNM) et des DRAC dans l’octroi des aides, « mériteraient d’être précisées » –, sa dotation n’est pas revalorisée en 2023. Inquiétude.

Par ailleurs, et bien que cela ne concerne pas directement l’année 2023, l’annonce par le ministre de l’Intérieur de possibles annulations et reports de festivals à l’été 2024 en lien avec les Jeux olympiques et paralympiques « est venue assombrir encore davantage les perspectives de ces manifestations ». Avec deux risques de fractures : opposer l’Ile-de-France aux autres territoires et opposer le sport à la culture, « à rebours de la mise en place des Olympiades culturelles » dotés d’1M€ dans le budget 2023. Sylvie Robert dit la grande inquiétude de la commission culture de Sénat et demande « qu’un dialogue s’instaure avec les festivals pour les maintenir autant que faire se peut et leur offrir rapidement davantage de visibilité ».

Arts visuels. Le rapport salue « un rééquilibrage progressif » des crédits pour les arts visuels (+13,8%) mais note qu’il appelle à être complété sur le plan des politiques. « Les progrès en matière de structuration du secteur des arts visuels restent minces » et « l’observation fait toujours défaut » (notamment quant au dispositif « Mondes nouveaux »).

Enseignement supérieur. Dans sa priorité donnée aux jeunes et à l’emploi, le soutien à l’enseignement artistique supérieur est massif (plus des deux tiers des crédits du programme « Transmission des savoirs »). Ce n’est donc pas le montant mais son utilisation qui pose question, avec des choix ciblés de manière trop univoque sur les établissements nationaux et leurs étudiants. Les nouveaux moyens pour les bourses sont ainsi réservés aux étudiants des écoles nationales, ce qui contribuera « à creuser le déficit d’attractivité des écoles territoriales ».

Autre remarque : alors que la problématique de l’inégalité de condition et de rémunération entre les enseignants des écoles d’art nationales et territoriales reste toujours non résolue, le budget attribue 1,2M€ pour améliorer le statut des professeurs territoriaux. « La rapporteure s’étonne de cette budgétisation alors qu’aucun accord n’a encore été conclu entre l’Etat et les collectivités territoriales sur les contours de cette réforme et les modalités de sa prise en charge. » N’aurait-il pas été plus pertinent, alors que des menaces de fermeture pèsent sur plusieurs écoles territoriales, d’augmenter les subventions à ces établissements « afin de compenser d’éventuels retraits de collectivités » ?

Enseignement spécialisé. Là aussi, et malgré l’inflation, les dotations de l’Etat aux conservatoires (14,14M€) n’ont pas évolué. L’effet de cet immobilisme financier est d’autant plus négatif que l’abandon de la réforme des conservatoires, très attendue, a provoqué une forte déception.

Fonds d’innovation territoriale. La sénatrice est d’autant plus attentive à la création de ce fonds, doté à nouveau de 3,5M€, qu’il est la reprise d’une des propositions d’un rapport qu’elle a rédigé avec la sénatrice (UC) de Normandie Sonia de La Povôté. « La rapporteure se félicite de la création de ce nouvel outil permettant de soutenir des initiatives culturelles décloisonnées et adaptées aux contextes locaux. » Un regret cependant : sa reprise par le Gouvernement n’a pas retenu le pendant incitatif au maintien de l’engagement en faveur de la culture de la part des collectivités. Car, tel qu’imaginé par les sénatrices, il devait conduire à un « renforcement de la contractualisation entre l’Etat et les collectivités territoriales dans le but de prévenir le désengagement de celles-ci ».

Pass culture. En revanche, alors qu’elle avait vivement critiqué la première version du Pass culture, Sylvie Robert salue son dédoublement en part individuelle et part collective (utilisable via les établissements scolaires au bénéfice des classes). Le « chèque en blanc » initial est devenu « un nouvel instrument au service des politiques culturelles et de l’EAC ». De surcroît, la différence d’utilisation des deux parts contribue à diversifier les pratiques culturelles des jeunes, « les deux agissant en complémentarité ».

Un point de vigilance cependant quant à « l’effet d’éviction » induit par la mise en place de la part collective sur les actions traditionnelles menées par les établissements au titre de l’EAC. Le Pass culture est « un moyen, non une fin » et « la réservation par une classe d’une offre du Pass culture ne saurait constituer à elle seule un projet d’EAC ». Or, déjà, un certain nombre d’établissements culturels (conservatoires, structures publiques du spectacle vivant) ont observé en 2022 une réduction de leurs partenariats avec les collèges. Il est donc essentiel de ne pas dégarnir les crédits pour l’éducation artistique et culturel au titre que le Pass en serait l’une des formes les plus efficaces.

Enfin une remarque purement politique : « Devenue, en l’espace de cinq ans, le deuxième plus gros opérateur du ministère de la Culture, il est indispensable que la société du Pass culture renforce désormais sa médiation au niveau territorial. »


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Rapport pour avis de Sylvie Robert sur les programmes « Création » et « Transmission des savoirs »