Skip to main content
ActualitésPolitiques Culturelles

Budgets culture et collectivités : autant ou plus une priorité qu’avant

Par 16 octobre 2023octobre 25th, 2023Aucun commentaire

L’Observatoire des politiques culturelles (OPC) a appliqué son outil annuel de mesure de l’évolution de l’action publique territoriale de la culture à l’évolution des budgets de la culture des collectivités de 2022 à 2023. Ce “baromètre” analyse les réponses de près de 180 questionnaires adressés aux directeurs des affaires culturelles de 64 communes de plus de 50 000 habitants, de 66 Départements et de 9 Régions auxquelles s’ajoutent 37 intercommunalités (comprenant une ville de plus de 50 000 habitants) et 3 collectivités d’Outre-mer.

Le constat général, à mettre en perspective avec les données du DEPS sur la période 2015-2020 (voir ci-dessous), est celui de la stabilité tant pour l’évolution des sommes engagées que pour les priorités auxquelles elles sont destinées.

Stabilité des budgets culturels. « Les politiques culturelles semblent mieux résister d’un point de vue budgétaire par rapport aux craintes exprimées lors de la préparation des budgets et au ressenti des acteurs culturels. » Cette stabilité concerne à la fois les budgets de fonctionnement hors masse salariale (43% les déclarent stables et 38% en hausse légère  ou moyenne) et les budgets d’investissement (48% les déclarent stables et 35% en légère ou moyenne progression).

Evolution des budgets culturels de fonctionnement (hors masse salariale) votés par les collectivités et intercommunalités entre 2022 et 2023

Cette résilience budgétaire des collectivités est d’autant plus notable que le contexte post crise sanitaire aurait pu porter atteinte à la priorité donnée à l’engagement culturel. A rebours de l’expression consacrée, la culture n’est donc pas devenue une “variable d’ajustement” des budgets des collectivités. Pour autant – et l’étude s’ouvre sur cette apparente contradiction –, cela n’empêche pas l’inquiétude croissante des acteurs de la culture.

De fait, l’inflation, le renchérissement des coûts de l’énergie (les “fluides”) mais aussi les surcoûts induits par les exigences de la transition environnementale ou encore la hausse du point d’indice des fonctionnaires territoriaux peuvent impacter la répartition des financements publics de la culture au bénéficie du maintien du fonctionnement mais au détriment de l’initiative ou de la création. Ce qui est stable pour certains ne l’est pas pour tous. L’étude souligne en particulier que si la stabilité budgétaire prime au regard de l’ensemble des natures de collectivités, un tiers des communes interrogées affichent une baisse : « Sachant qu’il s’agit des premiers financeurs de la culture en volume budgétaire, cela relativise l’impression générale plutôt favorable. »

Le spectacle vivant davantage fragilisé. L’analyse plus poussée de l’évolution des budgets de 2022 à 2023 montre en effet que « toutes collectivités territoriales confondues, les baisses touchent davantage le spectacle vivant » mais aussi les musées et le patrimoine, le livre et la lecture publique, soit « les domaines qui pèsent le plus dans les budgets ». En revanche, les hausses ciblent essentiellement l’événementiel et les festivals, ou encore l’EAC, soit des champs d’action historiquement moins ancrés et moins lourds.

En somme, si le total budgétaire reste stable, le “socle” semble s’éroder quelque peu. D’où cette précaution de l’OPC : « Ces résultats n’induisent pas nécessairement une capacité d’action et de soutien supérieure de la part des collectivité territoriale. » Une tendance communale confirme que le “ressenti” des acteurs culturels a aussi des causes réelles : au niveau des communes, le spectacle vivant (qui est aussi le champ de la culture dont la voix porte le plus) « apparaît particulièrement fragilisé budgétairement, conjuguant le nombre le plus élevé de baisses et des augmentations peu fréquentes ».

Stabilité des orientations culturelles. Le baromètre de l’OPC met à jour un autre paradoxe : le déport des hausses vers l’événementiel ou vers de politiques moins structurantes pour les professionnels de la culture et les artistes (EAC, médiation, événementiel…) s’opère dans le cadre d’une ambition qui en revient aux fondamentaux politiques de l’action culturelle, c’est-à-dire à ceux-là mêmes qui ont structuré l’action politique culturelle autour du spectacle vivant, du patrimoine et de la lecture publique depuis les années 60.

Si 60% des DAC considèrent que la culture est restée globalement une priorité pour leur collectivité, en revanche, « les références aux droits culturels, à la participation ou encore aux tiers-lieux apparaissent très en recul par rapport à d’autres orientations plus “classiques” qui ont structuré historiquement le soutien à la vie culturelle et sa justification politique ». Schématiquement, le principe de la démocratisation de la culture, souvent synthétisé par la formule “la culture partout, pour tous”, continue d’être le fil directeur des politiques culturelles locales. Ce que résument ainsi le baromètre : « Ce sont les logiques territoriales d’accès et d’offre qui dominent. »

Impact de l’orientation politique. Enfin, à la question : y a-t-il une politique culturelle de droite et une de gauche, l’étude apport une réponse tout en prudence. Certes, les collectivités plus orientées à gauche s’avèrent plus concernées par les droits culturels et pratiquent davantage que celles de droite des “critères de conditionnalité” au bénéfice de l’écologie ou du soutien à la diversité (devant l’égalité femme/homme). Pour autant, la césure relève plus de la nuance que du clivage. « Les traitements des données réalisés à partir d’une catégorisation des collectivités répondantes selon leurs couleurs politiques montrent que les affiliations politiques des exécutifs déterminent peu la perception de la place donnée à la politique culturelle. Pour une majorité de thématiques de l’enquête, l’affiliation politique joue beaucoup moins que la variable liée aux types de collectivités. »

De ce dernier point de vue, les travaux à venir de l’OPC sur les collectivités de moins de 50 000 habitants permettront d’affiner tant la mesure de l’évolution des budgets que l’identification des priorités politiques que cette évolution traduit.


Rappel : évolution des dépenses culturelles des collectivités de 2015 à 2020

Le baromètre de l’OPC sur l’évolution des budgets culturels des collectivités entre 2022 et 2023, réalisé en lien avec le Département des études, de la prospective et de la statistique (DEPS) du ministère de la Culture, est à lire dans le prolongement des statistiques recensées dans le document “Dépenses culturelles des collectivités territoriales de 2015 à 2020” (juillet 2023, consulter l’étude) réalisé pour le DEPS par Catherine Bunel et Jean-Cédric Delvainquière. Avec, outre la période couverte, deux différences notables : l’étude l’OPC se fonde sur les budgets votés alors que celle du DEPS analyse les budgets exécutés, la première prenant en compte les communes de plus de 50 000 habitants, le seconde élargissant le champ à celles de plus de 3 500 habitants.

Pour autant, l’une et l’autre confirment la résilience des budgets culturels locaux. Quelques données du DEPS :

  • Les dépenses culturelles des collectivités territoriales s’élèvent à 8,7Mds€s en 2020 et marquent une progression de 17% entre 2015 et 2019, puis baissent de 7% en 2020 sous l’effet de la crise sanitaire. D’où une progression lissée de 9%. 
  • La progression la plus forte est celle des groupements de communes (+18%), suivie de celles des communes et des régions (+8 %) ; quant à elles, les dépenses des départements refluent de 1%.
  • Considérées en euros par habitants, la dépense culturelle des collectivités prise globalement s’élève à 129€/habitant. Pour le groupe communale (communes + EPCI) elle est en moyenne de 114€/habitant, pour les départements de 16€/habitant et pour les régions de 12€/habitant.
  • Les communes de 3 500 habitants ou plus et leurs groupements consacrent, respectivement, 7,5% et 5% de leur budget à la culture. Cet effort budgétaire est moins élevé pour les régions et les départements avec des ratios respectifs de 2,3% et de 1,6%.

A noter qu’en 2020, les dépenses culturelles de l’Etat atteignaient 9,1Mds€ (1,7% du budget général de l’Etat), dont 4,4Mds€ pour le ministère de la Cuture (0,8 % du budget général de l’Etat), accrues de dépenses exceptionnelles pour faire face à la crise sanitaire. Précision du DEPS : « Une partie des dépenses du ministère de la Culture est consacrée au partenariat avec les collectivités territoriales, essentiellement via les Directions régionales des affaires culturelles. »


A télécharger
Budgets et choix culturels des collectivités enquête nationale, le baromètre 2023 de l’OPC