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Culture et ruralité, la Communauté de communes Osartis-Marquion

Par 3 avril 2024avril 9th, 2024Aucun commentaire

Christelle Bantegnies, responsable du Service culture, et Yves Legros, vice-président culture et sport de la CC Osartis-Marquion

La communauté de communes Osartis-Marquion, située dans le Pas-de-Calais, réunit 49 communes pour 43 000 habitants. A l’occasion des concertations initiées dans le cadre de la stratégie nationale Le Printemps de la ruralité, Yves Legros, vice-président culture et sport de l’EPCI, et maire du village de 260 habitants Villers-lez-Cagnicourt, explique les principales orientations de sa politique culturelle : l’itinérance, les résidences d’artistes pour les actions d’EAC, l’enseignement artistique. Et formule le souhait d’un dialogue plus régulier et d’un partage plus dense de l’engagement culturel entre communautés de communes.

Comment s’est construit l’engagement culturel de la communauté de communes ?

Cela fait maintenant une quinzaine d’années qu’une politique culturelle a été mise en place dans la communauté de communes. Elle est née à la suite d’une très large consultation, conduite par mon prédécesseur à la vice-présidence culture de l’EPCI, pour en définir les priorités : la mise en place d’une saison culturelle fondée sur l’itinérance, l’accueil d’artistes en résidence dans le cadre de l’éducation artistique et culturelle (via un Contrat local d’enseignement artistique/CLEA) et le développement de l’enseignement artistique, avec une école de théâtre et une école de musique, l’une et l’autre recevant une centaine d’élèves.

Ressentez-vous une réelle attente de culture de la part des habitants ?

Nous avons peu à peu fidélisé un public autour d’un noyau dur de passionnés et progressivement inscrit notre marque de fabrique sur le territoire. Mais cela reste un travail à mener au quotidien : toujours solliciter, sans cesse se renouveler.

Nous travaillons aussi en partenariat avec la scène nationale à double site Le Tandem, à Arras et Douai. Elle nous propose des spectacles – produits dans les salles des fêtes, car nous n’avons pas de lieu dédié – et, inversement, nous affrétons des autobus pour conduire nos habitants dans leurs salles ; un travail similaire, qui permet de nous y retrouver financièrement, est développé avec la comédie de Béthune. Donc une double itinérance, à la fois des spectacles et des publics.

Nous avons également reçu, avec le soutien du Département et de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC), le MuMo/musée mobile itinérant d’art contemporain qui se consacre à la circulation des œuvres du Fonds régional d’art contemporain et qui a fait étape chez nous, dans quatre communes du Territoire.

De manière plus générale, je suis convaincu qu’en territoire rural, la clef de la réussite culturelle, c’est l’itinérance intégrant également la venue de musées mobiles mais aussi la diversité de notre offre culturelle.

Une récente concertation organisée par la DRAC des Hauts-de-France sur Le Printemps de la ruralité a montré que les avis divergeaient quant au rôle des EPCI pour le développement culturel. Quelle est votre position ?

Sans la communauté de communes, nous ne serions arrivés à rien et la culture aurait été majoritairement réservé aux seules collectivités les plus importantes, alors qu’aujourd’hui, même dans mon petit village, deux familles fréquentent l’école de théâtre et plusieurs habitants l’école de musique. En milieu rural, et à la condition que les élus aient fait le choix de développer le panel complet des compétences culturelles qui peuvent leur être dévolues, les communautés de communes jouent un rôle majeur.

La qualité du patrimoine naturel d’Osartis-Marquion tient à l’omniprésence de ses rivières : la Scarpe et la Sensée.

A mon sens, les différences d’appréciation quant à la pertinence de l’intercommunalité culturelle tiennent surtout à une distorsion structurelle entre la loi NOTRe, qui affirme la responsabilité “partagée” de l’ensemble des collectivités en matière de culture – donc une indispensable prise en compte des enjeux culturels, chaque collectivité devant en prendre sa part – et la nature non obligatoire, supplémentaire, de la compétence culture pour les intercommunalités. Or, l’intercommunalité est bien le bon niveau pour développer une action culturelle publique, du moins en territoire rural.

Qu’attendez-vous du Printemps de la ruralité ?

Bien entendu un soutien financier de l’Etat plus conséquent, notamment pour l’enseignement artistique, indispensable en milieu rural, que ce soit pour le plaisir de la pratique, pour l’accompagnement des fanfares ou encore pour l’émancipation des jeunes ainsi que pour leur scolarité. Et peut-être profiter de cette concertation pour mettre en adéquation la nature des compétences des collectivités avec la loi NOTRe afin que, surtout en milieu rural, la culture fasse bien partie des compétences obligatoires. Si elle l’était, il n’y aurait plus de discussions sur le rôle culturel des communautés de communes.

Pour en revenir à l’itinérance, comment est-elle mise en œuvre ?

Pour ce qui est des lieux, et tout en prenant en compte les données techniques de nos 49 salles des fêtes, nous essayons chaque année d’irriguer les territoires qui ne l’ont pas été l’année précédente.

Financièrement, nous sommes subventionnés par le département du Pas-de -Calais à hauteur de 20 000€ par an, dans le cadre d’un cahier des charges exigeant notamment une offre diversifiée et une qualité professionnelle des spectacles, soit une douzaine par an. Leur choix se fait en lien avec la commission culture de la communauté de communes : une dizaine d’élus, maires et adjoints à la culture, avec la responsable du Service culture, qui se réunissent tous les trois mois.

Je souhaiterais que le Département institutionnalise un dialogue à la fois entre élus et avec les techniciens de communautés de communes, car des perspectives de mutualisation, notamment, peuvent être intéressantes.

L’enseignement artistique est une autre de vos priorités…

S’agissant de l’échelon des communautés de communes en milieu rural, et pour rebondir sur ce que pourrait apporter Le Printemps de la ruralité, un soutien financier non seulement à l’itinérance mais surtout aux enseignements artistiques me paraît s’imposer. A Osartis-Marquion, la masse salariale que représente les salaires des enseignants de notre Ecole intercommunale de musique absorbe la part majeure de notre budget culture (environ 2% des 40 000 000€ du budget global). Une aide de l’Etat nous permettrait de pérenniser les enseignements artistiques dans la ruralité et de mieux les intégrer dans les projets de territoire. Ce serait d’autant plus important en ce moment, où les contraintes budgétaires font porter une réelle menace de réduction de la voilure culturelle.

Exposition « Les Animaux fantastiques » au Louvre-Lens

Cela étant, nous bénéficions aussi d’une aide départementale pour l’éducation artistique et culturelle à laquelle s’ajoutent 30 000€ de la part de la DRAC. Celle-ci nous accompagne également dans le domaine de la lecture publique, dans un premier temps pour la réalisation d’une étude sur un projet de mise en réseau des quatorze bibliothèques de la communauté de communes, pour l’heure toutes municipales, puis à terme pour la signature d’un contrat Territoire/lecture.

J’ajouterai qu’il faut une volonté politique et aussi une équipe administrative dédiée à la culture, sans laquelle les élus sont impuissants. De fait nos partenariats, par exemple avec le conseil départemental et avec l’Etat déconcentré, ne se font pas spontanément… Sans collaborateurs compétents pour monter les dossiers de demande d’aides, pour accompagner la réalisation des projets, leur organisation, etc., il ne se passerait rien. Et sans volonté politique non plus.

Les Hauts-de-France sont une terre de fanfares…

En effet, nous avons de nombreuses fanfares et harmonies sur notre territoire. Le fil rouge de notre politique pour l’enseignement artistique est d’ailleurs de promouvoir les échanges avec ces formations. Il en va de même pour le chant choral.

Le camion du MuMo, musée mobile itinérant d’art contemporain, et la pièce de théâtre “Le Mystère du Gant”

Les concertations entre collectivités vous semblent-elle suffisamment étroites ?

J’ai récemment pu échanger, précisément dans le cadre de la concertation du Printemps de la ruralité, avec des collègues d’autres communautés de communes. Des échanges très utiles. Pour ma part, je souhaiterais que le Département institutionnalise un tel dialogue à la fois entre élus et avec les techniciens, car des perspectives de mutualisation, notamment, peuvent être intéressantes. Par exemple, nous avons fait venir une compagnie de Montpellier en partenariat entre notre communauté de communes et la communauté de communes voisine du Sud Artois, ce qui non seulement a permis de réduire significativement le coût du spectacle mais de surcroît d’amplifier son succès public.

Ces ententes pourraient également permettre de mieux soutenir les festivals qui ont lieu sur le territoire. Pour notre part, nous les soutenons, en particulier le festival “Chez Oim’ Fest” consacré principalement aux talents des Hauts de France. Il est organisé depuis dix ans par une association qui mêle concerts, ateliers, randonnées musicales. Plus que des manifestations “one shot”, ce type de manifestation menant un réel travail d’irrigation du territoire avec des actions culturelles rebond correspond réellement à la notion essentielle d’intérêt communautaire. Il est important de pouvoir soutenir, collectivement entre EPCI, de telles initiatives.

Plus généralement – et là encore cela relève de l’intérêt communautaire –, il faut également considérer que l’apport économique de la vie culturelle n’est pas négligeable. L’hôtellerie, les gites les traiteurs, les prestataires techniques du territoire… en bénéficient directement. On estime à 31 000€ par an l’apport économique de l’activité culturelle sur notre territoire.

Propos recueillis par Vincent Rouillon


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