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Discours du président de la FNCC pour l’ouverture du Congrès

Par 11 avril 2024avril 16th, 2024Aucun commentaire

De gauche à droite : Noël Corbin, Michel Bissière, Nicole Joulia, Daniel Gagnon, Jean-Marc Coppola, Frédéric Hocquard, David Lisnard, Michel Legros

 

Bienvenue à tous et toutes.

Monsieur le maire-adjoint de la Ville de Marseille, cher Jean-Marc, Monsieur le président de l’AMF, cher David, Monsieur le président de l’AMRF du Var, cher Michel, Madame la vice-présidente du département des Bouches-du-Rhône, chère Nicole, Monsieur le conseiller délégué à la vie artistique et culturelle de la Région Sud, cher Michel, et mon cher Noël, représentant parmi nous de la ministre de la Culture.

C’est ainsi notre 25e congrès qui s’ouvre aujourd’hui à Marseille. Je voudrais commencer par remercier la Ville pour son accueil. Je voudrais aussi saluer Nathalie Huerta, la directrice du Théâtre Joliette pour son hospitalité, sa disponibilité ainsi que celle de son équipe. Remercier aussi l’équipe de la FNCC qui prépare cette rencontre depuis plus de six mois.

C’est un grand plaisir que d’être à Marseille, ville d’art et de culture. Depuis longtemps d’ailleurs. Ainsi certaines peintures de la Grotte Cosquer dont vous ne manquerez pas d’aller visiter la reconstitution à quelques pas d’ici, datent de 27 000 ans avant notre ère. Ce qui fait que les pratiques artistiques ont ici presque 30 millénaires d’ancienneté. Chapeau bas !

Mais plus récemment, c’est ici qu’a eu lieu la dernière “Capitale européenne de la culture” en France, en 2013. Evènement dont la ville porte encore de belles réalisations : le Mucem, la mise en valeur de la Friche de la Belle de mai ou encore la Biennale internationale des arts du cirque. Et je me permets de saluer la présence parmi nous de Yann Galut, le maire de Bourges, qui va reprendre le flambeau puisque, comme vous le savez déjà, sa ville sera “Capitale européenne de la culture” en 2028.

Ce congrès arrive à un moment particulier, un moment où ont lieu beaucoup de débats sur les politiques culturelles.

Il y a d’abord l’après-crise Covid, qui a profondément marqué les pratiques culturelles de nos concitoyens et la filière culturelle dans son ensemble. Mais aussi les difficultés budgétaires que nous rencontrons. Le ministère de la Culture vient d’annoncer une baisse de 200 millions d’euros de crédits. Nous le disons tous de suite, nous ne viendrons pas compenser les baisses de l’Etat sur nos territoires. D’abord parce que nous ne le pouvons pas. En effet, rappelons que le budget des collectivités territoriales se doit d’être à l’équilibre. C’est la loi. Or que se passe-t-il quand les coûts de gestion augmentent à cause notamment de l’inflation ou de la crise énergétique, quand nous devons investir dans la transition climatique ou répondre aux tensions sociales nombreuses sur notre territoire ? Eh bien, tout cela entraîne de nouvelles dépenses et pas forcément de nouvelles recettes ; les budgets se resserrent et il devient de plus en plus compliqué de maintenir le haut niveau de financement de la culture que nous souhaitons pouvoir garder. Et que l’Etat ne vienne pas nous proposer de nouvelles missions (par exemple la partie transports du Pass culture) sans compensation, ni nous imposer un coup de rabot sur les finances mêmes de collectivités territoriales (comme le ministre du Budget l’a suggéré avant-hier dans la presse).

Le financement de la culture en France est le fruit d’une intervention publique partagée entre l’Etat et les collectivités territoriales. Il nous faut donc sortir de ce débat par le haut. Pour nous, collectivités, c’est presque 10 milliards d’euros que, collectivement, nous mettons chaque année pour soutenir les politiques culturelles – une récente étude de l’Observatoire des politiques culturelles (OPC) est venue confirmer que cet effort restait constant –, ce qui fait de nous les premiers financeurs de la culture. Et, disons le ici, c’est notre fierté. Mais si nous voulons continuer cet effort, il faudra que l’Etat nous aide et sorte du simple discours d’économie. Il va falloir que le dialogue entre nous et l’Etat ne se résume pas à la simple politique du 1€ /1€.

Si l’on veut renouer le dialogue, il faut donc que nous desserrions les contraintes budgétaires et fiscales qui pèsent sur nous. Je ne rependrai pas ici les nombreuses déclarations et propositions de l’AMF pour alerter sur les dommages collatéraux de la réduction des ressources et des marges de manœuvre pour les collectivités territoriales.

En matière de culture, pourquoi ne pas permettre aux collectivités territoriales qui le souhaitent de trouver avec l’Etat de nouvelles marges de manœuvre ? Regardez ce qui s’est fait sur la Taxe de séjour dans le domaine du transport en Ile-de-France en 2023 : la Région et le ministre des Transports se sont entendus pour qu’un déplafonnement de la Taxe de séjour puisse venir financer les transports en commun. Pourquoi ce qui a été fait là ne serait-il pas transposable ? Pourquoi ne pas imaginer que, sur des territoires qui le demandent, des communes, des régions ou des départements puissent imaginer des mécanismes similaires pour financer la culture ? Sur d’autres territoires, qui ne souhaitent pas augmenter la fiscalité, on pourrait discuter collectivement de la réaffectation et du fléchage des crédits. Que les choses soient claires, nous ne demandons pas ici un impôt nouveau pour financer la culture, encore que… – comme vient de l’écrire dans une tribune notre excellent collègue Philippe Laurent : « L’impôt est le fondement de notre modèle social, protecteur et fédérateur. » Nous demandons simplement que l’on redonne plus de réalité au principe de la libre administration des collectivités territoriales.

Mais au-delà du budget, il faut aussi changer de méthode.

La culture est une politique au service des habitants où la puissance publique injecte chaque année 15 milliards d’euros (10 de la part des collectivités et 5 pour l’Etat). Ce n’est pas rien. Mais quels outils concertation pour tout cela ? Bien sûr, il y a les Conseils locaux des territoires pour la culture (CLTC), les Coreps, les CTAP culture… qui ont été mis en place pour certains, rappelons-le, à la demande de la FNCC. Et je veux saluer Noël Corbin qui travaille ses sujets à la tête d’une nouvelle direction du ministère de la Culture, la Délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle. Mais ne faut-il faut aller plus loin ? S’inspirer de ce qui se fait dans le domaine du sport ou de l’éducation, avec une obligation de concertation à tous les niveaux, et mettre en place des financements déconcentrés, cogérés, comme nous l’avions demandé lors de la mise en place du Fonds d’innovation territoriale (FIT) ou comme cela a été proposé par un rapport de la commission culture du Sénat en 2022 ?

Prenons l’exemple de l’extensions des horaires des bibliothèques, dispositif impulsé par l’Etat en 2017 mais qui concerne essentiellement des équipements municipaux. Eh bien, les municipalités qui se sont portées volontaires pour étendre les horaires de leurs bibliothèques ont vu leur Dotation générale de décentralisation (DGD) augmenter pour compenser les coûts de personnels que cela représentait. Voilà une bonne méthode qui permet de créer une spirale vertueuse entre l’Etat et les collectivités territoriales. Et pourquoi ne pas réfléchir à étendre cette méthode aux outils de la décentralisation culturelle, par exemple aux opéras, dont nous partageons la responsabilité mais dont le bloc communal assure l’essentiel du financement ? On me répondra que c’est ce qui se fait dans le cadre d’une politique 1€/1€. Mais cette politique devient de moins en moins soutenable pour les collectivités territoriales.

La FNCC et ses élu.es appellent depuis des années à une “République culturelle décentralisée”. Et nous y reviendrons lors de ce Congrès. Mais ne serait-il pas temps de la mettre en place ? Face aux périls, aux tensions sociales et aux stigmatisations de toutes sortes auxquelles notre pays fait face, nous ne fuirons pas nos responsabilités pour le bien public et, toujours, nous rappellerons que l’art et la culture restent un formidable moyen d’émancipation et de fabrique du commun et du collectif.

Mais ce Congrès sera d’abord celui des solutions, des expérimentations. Pendant deux jours nous allons montrer ce que réalisent les collectivités territoriales, ce qu’elles réussissent, ce qu’elles expérimentent en matière de politique culturelle.

Le besoin d’art et de culture n’a jamais faibli dans notre pays. La France, c’est plus de 5 000 festivals disséminés sur tous les territoires, c’est 16 millions de ses habitants qui ont une pratique artistique en amateur régulière. C’est un métissage culturel remarqué à l’échelle de l’Europe. Pour répondre à ce besoin, les collectivités territoriales, depuis des décennies – oserais-je dire avant même le ministère de la Culture –, ont mis en place des politiques de soutien à la culture.

C’est à Fontenay-sous-Bois, où l’on vient d’ouvrir un nouveau théâtre municipal qui porte l’ambition d’associer les habitants à la programmation. C’est à Strasbourg, où la politique en faveur de la lecture publique a permis à la ville de devenir la première ville française à obtenir le label “Capitale mondiale du livre” de l’Unesco en 2024. C’est à Enghien-les-Bains, où l’on soutient les arts numériques au point de faire de cette ville une référence internationale lors de sa biennale des Bains numériques. C’est dans l’agglomération de Dole où, devançant le “mieux produire/mieux diffuser”, la scène nationale est devenue multisite sur tout le département avec la Scène nationale du Jura.

C’est encore au Lamentin, où l’on a créé un Office de la culture proposant des ateliers de pratiques artistiques en amateur ouverts au plus grand nombre… C’est le département de Seine-Saint-Denis qui vient de lancer pour la première fois “Multitudes”, une biennale interculturelle et interdisciplinaire consacrée à la multiculturalité de son territoire. A Bordeaux, où la ville crée une agence pour préempter du foncier culturel, en parfait accord avec la nécessaire transition climatique. C’est à Martigues, où l’on soutient le cinéma Art & Essai et où la ville est coordinatrice des dispositifs “Ecole et cinéma”. A Vannes où, sous l’égide de la Ville, le Festival Arvor rassemble des associations de musiques et de danses traditionnelles bretonnes ; à Tours, où l’ensemble des politiques culturelles municipales a été tourné vers les droits culturels, donnant lieu à un nouveau pacte intitulé “Les cultures au service de l’émancipation”. C’est à Quimper, où a récemment été mis en place un conseil de la Nuit pour une vie nocturne animée et apaisée. C’est à Paris, où depuis l’été 2020 se déroule dans les quartiers populaires “L’Eté culturel”, permettant à celles et ceux qui ne partent pas en vacances d’en bénéficier…

Je pourrais multiplier ici les exemples à foison pour montrer, s’il en était besoin, la densité et la diversité de nos politiques culturelles et témoigner par là-même de la richesse de notre Fédération en matière d’innovation.

Mais, au-delà de cet inventaire à la Prévert, le Congrès de notre Fédération va tracer des pistes, inventer l’avenir. Un avenir des politiques en matière de culture qui passera par leur évolution, leur transformation pour qu’elles restent toujours aux services de nos habitants.

Je vous remercie.

Frédéric Hocquard