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Adresse du 25e Congrès de la FNCC

Par 12 avril 2024avril 15th, 2024Aucun commentaire
Pour une République culturelle décentralisée : refonder le dialogue entre les collectivités et l’Etat

Les arts et la culture – qu’on a pu un temps supposer n’être pas essentiels à la vie de chacune et de chacun et au dialogue de tous et de toutes – forment le contenu même de nos existences, nos mots, nos sons, nos images ; ils portent nos héritages et fournissent les matériaux pour tracer notre avenir ; ils nourrissent l’échange de nos émotions et dessinent le partage des imaginaires. Cette richesse unique est au cœur du principe des droits culturels, la conviction que la culture est à la fois l’outil et l’œuvre de l’émancipation des personnes et de leur appartenance à un avenir commun.

Les arts et la culture sont également l’une des forces premières de la vitalité économique des territoires, de leur diversité créatrice et de leur dynamisme démocratique.

Les arts et la culture sont enfin des atouts incomparables pour le rayonnement de notre pays et parmi les leviers primordiaux de nos idéaux de paix et de dialogue entre les peuples.

La France s’enorgueillit à raison de sa tradition de soutien public à la culture. Ce “modèle” français, envié par beaucoup, s’est fondé sur l’engagement conjugué des deux acteurs de la puissance publique : l’Etat et les collectivités territoriales. Financements croisés, partenariats multiples, stratégies concertées, maillages convergents du territoire en équipements culturels…, ce sont là les moteurs de la remarquable inscription en France des arts et de la culture au plus proche de chacun et au bénéfice de la Nation.

Cet acquis de l’histoire de nos politiques culturelles publiques fait légitimement notre fierté. Partant, c’est un héritage qu’il nous faut assumer, préserver et développer.

C’est aussi un engagement lourd et une responsabilité grave. Des vagues successives de crises (sociales, démocratiques, économiques) ainsi que l’accumulation de défis inédits (numériques, environnementaux, énergétiques) rendent nécessaire plus qu’une convergence entre l’action culturelle de l’Etat et des collectivités territoriales : un souffle partagé adossé à une reconnaissance mutuelle au bénéfice de tous les territoires.

Dans son ambition de promouvoir une République culturelle décentralisées, la FNCC a su réanimer le Conseil des territoires pour la culture, instance de concertation entre les collectivités et l’Etat initiée dans les années 2000 et tombée en sommeil pendant de longues années. Aujourd’hui, si l’on ne peut que se féliciter de ses déclinaisons dans chacune de nos régions, force est de constater que la co-construction des politiques culturelles publiques que ces Conseils locaux des territoires pour la culture devaient incarner reste embryonnaire.

Le dialogue culturel entre les collectivités et l’Etat bute notamment sur une baisse constante de l’autonomie financière des collectivités. L’inventivité et l’engagement des élu.es sont bridés tant par un manque de moyens que par l’inéquité de leur distribution, fragilisant la situation des artistes, érodant la diversité de création et portant atteinte à la liberté d’expression, d’émotion et d’imagination de chacune et de chacun. Une faiblesse financière que subit également l’Etat malgré l’approximative réalisation de la revendication du 1% pour la culture qui a été l’un des principaux combats de notre Fédération.

Aujourd’hui, le ministère de la Culture maintient tant bien que mal en ordre de marche son réseau d’opérateurs culturels. Les pouvoirs locaux aussi défendent leurs budgets culturels. Mais, financièrement garrottés et fiscalement dépossédés, combien de temps tiendront-ils ?

Comment sera-t-il possible de maintenir une vie culturelle à la hauteur des attentes de Françaises et des Français, des exigences légitimes des artistes et des conditions d’emploi des professionnels ainsi que des ambitions des projets culturels sur les territoires :

  • 10 milliards d’euros de crédits ministériels sont d’ores et déjà annulés et la culture est loin d’avoir été épargnée,
  • les scènes et les compagnies sont contraintes de réduire significativement leurs programmations,
  • les JO 2024 menacent de profondément déstabiliser le tissu associatif et festivalier,
  • les programmes de restauration patrimoniale risquent d’être fragilisés…

C’est une adresse solennelle mais pragmatique, grave mais exigeante que les élu.es de la FNCC, réunis en Congrès à Marseille, souhaitent transmettre aux responsables nationaux des politiques en faveur des arts et de la culture mais aussi aux pouvoirs locaux, pour donner ensemble sa pleine effectivité au principe de la “compétence partagée”, inscrit dans la loi.

Il ne s’agit pas de construire un nouveau “pacte” qui oblige mais de partager un élan qui entraîne. Il ne s’agit pas d’une énième convention qui uniformise, d’une injonction qui entrave, d’une charte qui cadre, mais d’une solidarité ouverte, d’un esprit commun et d’une action menée au travers d’un dialogue ferme entre les collectivités et avec l’Etat. Il s’agit d’une ambition pour toutes les Françaises et tous les Français tout en étant respectueuse d’un principe de “différenciation” selon les territoires, à l’instar des exemplaires politiques de la lecture publique.

Les arts et la culture ont besoin que nous, collectivités et Etat, assumions ensemble la responsabilité de maintenir les conditions de possibilités pour la préservation et l’avenir des arts et de la culture. Ce n’est pas seulement une question d’approfondissement de la décentralisation ou d’autonomie de la déconcentration, mais d’alliance, au travers de la richesse des alternances démocratiques, mise au service de la continuité de l’engagement public, pour imaginer, penser et entreprendre ensemble.

Les problématiques sont claires : comment conjuguer le service public de la culture et y faire contribuer les outils différenciés des politiques culturelles territoriales ? Comment transformer les instances de concertation existantes entre collectivités et avec l’Etat en matrices effectives d’une politique culturelle nourrie de l’inventivité des territoires et dynamisée par leur inscription dans une stratégie nationale ?

Et aussi, comment réorganiser, réorienter la circulation et l’emploi de l’argent public pour le mettre au service de tous les territoires ? Comment poser les bases pérennes d’une réelle autonomie d’action et de moyens pour les collectivités, rurales comme urbaines, métropolitaines comme ultra-marines ?

Le temps est celui de l’urgence, au-delà des habitudes prises, par-delà des clivages incrustés. Nous en sommes collectivement comptables devant les professionnels de la culture, devant les artistes, les acteurs associatifs, les habitantes et les habitants de notre pays mais aussi devant d’autres pays qui comptent sur notre défense des valeurs de culture, d’universalité et de liberté.

La FNCC réunie en Congrès le 12 avril 2024 à Marseille


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