En octobre dernier, trois élus de la FNCC – le président Frédéric Hocquard, le trésorier Grégoire Pénavaire et le vice-président Jean-Philippe Lefèvre, notamment en charge du Centre de formation de la FNCC – ont été invités par les élus de Martinique pour des sessions de formation sur l’intercommunalité culturelle et plus précisément sur les relations entre élus communautaires et élus municipaux. Le territoire de la Martinique est divisé en trois communautés d’agglomérations :
- la Communauté d’agglomération du Centre, la plus urbaine, créée en 2001, qui réunit quatre communes et compte 150 000 habitants,
- la Communauté d’agglomération du Sud, la plus touristique, créée en 2004, regroupant 12 communes pour 115 000 habitants,
- la Communauté d’agglomération du Nord, la plus rurale, fondée plus tardivement, en 2014, par la réunion de 18 communes, avec 98 000 habitants.
La délégation de la FNCC a successivement proposé ses formations, auxquelles ont participé à la fois des élus communaux et intercommunaux, dans chacun des trois territoires. Jean-Philippe Lefèvre évoque ces temps d’échange denses et particulièrement importants pour la Fédération dans son ambition de représenter l’intégralité du territoire français.
La situation insulaire a-t-elle une incidence sur les politiques culturelles communautaires en Martinique ?
L’insularité rend plus difficile la confrontation avec des expériences qui seraient menées ailleurs, notamment dans l’Hexagone. Tout y est différent, tout y est spécifique. Chaque opération est une sorte de prototype, chaque initiative forcément unique ; elle ne peut ni être un copiage ni être copiée. La Direction des affaires culturelles (équivalent des DRAC en outremer) a d’ailleurs parfaitement intégré la nécessité de ce que nous appelons la “différenciation” territoriale – un terme qui prend en Martinique toute son envergure.
En revanche, par sa localisation géographique, la Martinique est ouverte aux influences caraïbéennes. C’est là que ses élus trouvent des repères et se reconnaissent dans des pratiques culturelles adaptées à leur territoire, par exemples les carnavals.
Les sessions de formation de la FNCC répondaient à une demande des élus de Martinique. Quelles étaient leurs attentes ?
J’ai eu le sentiment qu’ils et elles étaient en forte attente de ce rendez-vous, pour se retrouver, pour mieux se connaître les uns les autres – ce qui est précisément ce que sait apporter la FNCC à ses adhérents : répondre au besoin absolu de débats et d’échanges que ressentent tous les élus à la culture. Notre rôle a été bien davantage celui de facilitateurs d’échanges que de formateurs.
Quels ont été les principaux points développés au cours des trois séances de formation ?
Nous avons essayé de livrer quelques pistes sur ce que devait être une relation entre intercommunalités et communes. Avec deux notions principales : d’une part celle “d’exhausseur de goût”, c’est-à-dire ne pas se substituer à l’action des communes mais au contraire mettre en valeur leurs initiatives et, d’autre part, celle “d’infuseur du territoire » : amener des actions là où il n’en n’existe pas, dans l’esprit d’une politique d’aménagement culturel de tout le territoire, au plus loin du territoire. Donc un double mouvement : d’une part on accompagne ce qui existe et, d’autre part, on complète ce qui devrait exister.
Nous avons également ébauché des pistes de gouvernance, notamment en incitant à des échanges informels mais réguliers entre les décideurs de l’intercommunalité et les élus communaux.
Des initiatives notables ?
Oui, notamment dans les deux communes adhérentes à la Fédération. Le Lamentin mène une très dense réflexion pour comprendre comment la culture peut participer d’un dispositif de revitalisation des cœurs de ville, avec la spécificité de sa très forte relation avec Cuba.
Et à Anses d’Arlet, j’ai noté un regard d’une grande finesse sur le patrimoine bâti, naturel et ethnologique, une richesse qui est vécue comme une force mais aussi remarquablement préservée. Ce patrimoine d’une incroyable beauté est certes valorisé mais sans être trahi au bénéfice d’un tourisme caricatural. Il y a là une véritable intelligence de la valorisation des patrimoines dont tous pourraient s’inspirer.
Y a-t-il une attention particulière à la notion de droits culturels en Martinique ?
C’est évidemment une question que nous avons évoquée, car en Martinique, les pratiques et les marqueurs culturels relèvent d’une réelle identité caraïbéenne. Là encore le principe de la différenciation s’impose et la DAC le pratique. Mais, à la différence de la situation dans l’Hexagone, où les droits culturels sont l’objets d’infinies réflexions et discussions, en Martinique ce n’est pas une idée mais une réalité.
Quel est l’apport de cette formation pour la FNCC ?
Une capacité à mieux comprendre les attentes de nos collègues d’outremer, à mieux saisir la spécificité de leurs territoires. Et aussi à relativiser nos débats habituels sur les labels, les festivals, le fond d’innovation territoriale, etc. Enfin ces formations ont contribué à donner à la FNCC une meilleure représentativité de l’ensemble du territoire français.