Le budget 2022 du ministère de la Culture prévoit 10M€ de mesures supplémentaires pour les festivals. Lors de son intervention à la 3e édition de Etats généraux des festivals (Toulouse, le 1er décembre), la ministre de la Culture souligné que le temps du désengagement du ministère vis-à-vis des festivals est désormais révolu.
De fait, il y a presque 20 ans – Jean-Jacques Aillagon étant alors ministre de la Culture –, la “Directive nationale d’orientation triennale” pour la période 2003-2005 précisait : « Le ministère de la Culture et de la communication n’a pas vocation à financer les festivals. L’apport des collectivités territoriales y est d’ailleurs généralement prépondérant. Vous ne pourrez soutenir financièrement que ceux de qualité artistique reconnue et de portée nationale, ou ayant une action permettant de structurer l’activité culturelle tout au long de l’année sur le territoire qu’ils irriguent. »
Aujourd’hui, la crise sanitaire, avec le choc provoqué par l’annulation de Festival d’Avignon de 2020, a montré l’importance de la réalité festivalière, tant pour les Françaises et les Français que pour les professionnels et, au-delà, pour la diversité de la création artistique et la vitalité des territoires. « La politique festivalière va devenir, dans la cohérence et la lisibilité, l’un des principaux piliers de la politique du ministère de la Culture », a déclaré la Roselyne Bachelot. D’où l’organisation des Etats généraux des festivals dont l’édition toulousaine a été la conclusion – la ministre appelant cependant de ses vœux la pérennisation du dialogue avec les artistes, les organisateurs de festivals et les collectivités territoriales.
Quatre initiatives marquent de retour de l’Etat dans la prise en compte des festivals et la prise de conscience qu’ils doivent être l’objet d’une politique à part entière. Avec deux textes rendus publics – une Charte de développement durable pour les festivals et des Principes d’engagement de l’Etat en faveur des festivals – et deux annonces, indispensables pour envisager sereinement l’organisation d’une édition festivalière : la mise en place d’un groupe de travail sur la “circulaire Colomb” relative aux mesures sécuritaires pour les manifestations artistiques et la parution prochaine d’un nouvel arrêté d’application du “décret-son” de 2017 (qui doit cadrer les niveaux d’émission sonore autorisés) dont les professionnels estiment unanimement qu’il est inapplicable en l’état.
A noter que, sur ce dernier sujet, la FNCC s’est très étroitement associée à la réflexion et à la campagne de sensibilisation aux risques que faisait porter la version initiale du décret son sur la diversité de la création musicale conduites par le collectif Agi-Son, au travers notamment d’une réunion d’information au dernier Printemps de Bourges et d’un atelier dans le cadre du Salon des maires.
I – Charte de développement durable pour les festivals
Son principe est de favoriser – non d’imposer – « une action durable, continue et mesurable de réduction de l’empreinte carbone » des manifestations festivalières. La charte, qui sera proposée à signature aux festivals déjà engagés sur la voie de l’écoresponsabilité ainsi qu’à ceux souhaitant le faire, formule cinq objectifs d’action généraux, à la fois environnementaux et sociaux :
- contribuer à la lutte contre le changement climatique,
- préserver la biodiversité, les milieux et les ressources,
- participer à la cohésion sociale et à la solidarité entre les territoires et les générations,
- favoriser l’épanouissement de tous les êtres humains et ainsi contribuer à des relations sociales apaisées,
- permettre une dynamique de développement suivant des modes de production et de consommation responsables et raisonnés.
Dix objectifs. Les signataires de la Charte (à l’avenir un label ?) réalisent dans un premier temps un diagnostic sur le niveau et les causes de l’impact de leur manifestation sur l’environnement et le climat. Puis s’engagent, sur une première période de trois ans, à s’atteler à un moins trois des dix objectifs suivants :
- favoriser les mobilités “douces et actives” (réduction substantielle des activités nécessitant des déplacements physiques, choix et accessibilité du site : navettes, co-voiturage, transports en commun ou déplacements non polluants),
- maîtriser les consommations d’énergies et de fluides,
- privilégier une alimentation responsable et favoriser les boucles courtes d’approvisionnement,
- mettre en place une gestion responsable des déchets,
- pratiquer une politique d’achats durables et responsables (logique de cycle de vie et de coût global, sélection de ses fournisseurs, des prestations et des produits…),
- respecter les sites naturels, les espaces verts et la biodiversité
- contribuer au “mieux vivre ensemble” (accueil/accessibilité, inclusion/solidarité, égalité/diversité),
- prendre en compte les impacts économiques et sociaux (employabilité des acteurs, proximité, exemplarité sociale, valorisation du bénévolat, justes rémunérations…).
- développer un “management responsable” (référents développement durable, formation des équipes de management…),
- sensibiliser en matière d’éco-responsabilité via une communication vers les festivaliers, partenaires, mécènes, fournisseurs et habitants des territoires.
La prise en compte de ces objectifs, trois sur trois ans pour la première signature, puis trois autres les années suivantes, etc., doit donner lieu à la mise en place d’indicateurs de réalisation et de suivi des objectifs concrets et mesurables.
Soutiens du ministère. Article 5 : « L’adhésion à la charte ouvre la possibilité de bénéficier des aides transversales dédiées au développement durable. Ces aides pourront concerner la phase de diagnostic et l’élaboration du plan d’actions. Elle permettra également d’accéder aux autres dispositifs d’aide existants ou à venir mis en place par les autres signataires. » Enfin, le ministère de la Culture et les signataires organiseront une fois par an un temps d’échanges avec les festivals « pour valoriser les actions emblématiques ».
II – Les Principes d’engagement de l’Etat en faveur des festivals
En avril dernier, lors de la 2e édition des Etats généraux des festivals dans le cadre du Printemps de Bourges, des principes d’engagement commun de l’Etat et des collectivités pour les festivals (via une cosignature avec les associations d’élu.e.s) avaient été rendus publics. Le texte de Toulouse, lui, concerne strictement les politiques de l’Etat, mais la ministre se félicite que des associations de collectivités aient d’ores et déjà signalé leur intérêt pour ces principes.
Qu’est-ce qu’un festival ? Le travail de cartographie (encore en cours) des festivals mené dans le cadre des Etats généraux des festivals – jusqu’à présent la volonté politique butait sur une absence de données fiables – estime, bien au-delà du chiffre de 4 000 à 5 000 donné habituellement, aux alentours de 10 000 les manifestations festivalières répondant aux trois critères de définition suivants :
- développer une programmation d’intérêt général, composée d’œuvres artistiques et de créations proposée majoritairement par des professionnels, dont l’indépendance et la liberté de création et de programmation sont garanties,
- se dérouler sur durée définie avec une récurrence dans le temps (en être au moins à la seconde édition), qu’elle soit annuelle, biennale…
- s’appuyer sur un ancrage territorial.
Conditions d’éligibilité. Si la définition de ce qu’est un festival est très large, les critères d’éligibilité aux aides sont plus exigeants, notamment du point de vue social (respect du droit du travail, juste rémunération des artistes…) et quant à l’égalité femme/homme (démarche de prévention et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, égal accès des femmes aux programmations artistiques et aux moyens de soutien à la création).
Critères d’intervention de l’Etat. Le soutien de l’Etat sera conditionné à un engagement dans aux moins deux enjeux à la fois en matière
- de programmation artistique (promotion de la diversité, de la scène française, repérage d’artistes émergents…),
- de coopération et de structuration des filières professionnelles (rôle structurant, professionnalité et professionnalisation des équipes artistiques, partenariats, transition numérique…),
- d’inscription territoriale (ancrage, complémentarité, respect des droits culturels…),
- d’accessibilité et d’ouverture aux publics (grand public, scolaires, personnes en situation de handicap…).
A noter, parmi l’inscription dans les “enjeux d’accessibilité et d’ouverture aux publics”, cet item : « Enrichir l’offre du Pass culture par des propositions spécifiques. »
La nature des aides de l’Etat. L’intervention financière du ministère pourra prendre trois formes, non exclusives les unes des autres. Les deux premières – une aide ponctuelle et une aide triennale contractualisée (reconductible) pour les festivals “structurants” – déclinent la logique habituelle des subventions de l’Etat.
La troisième, en revanche, est nouvelle. Il s’agit « d’aides transversales sous forme de fonds dédiés favorisant la circulation des œuvres, la transition écologique, l’achat d’équipement et leur modernisation, l’égalité entre les femmes et les hommes, la lutte contre les violences et le harcèlement sexuels et sexistes, l’amorçage pour les festivals en cours de structuration, la transition numérique, la modernisation des systèmes d’information, etc. »
Lien avec les collectivités. Gérées par les DRAC et/ou les établissements publics nationaux, les aides seront conditionnées à un partenariat du festival avec au moins un autre financeur public.
Enfin, le texte se clôt sur une perspective de dialogue quant au suivi de l’effet de ces engagements sur le tissu territorial : « L’évaluation s’inscrira dans une démarche d’animation et de suivi budgétaire de la politique festivalière de l’Etat et sera partagée au sein d’instances de dialogue telles que les Conseils des territoires pour la culture (CTC locaux et national) et les Conseils régionaux des professions du spectacle (COREPS). »
De fait, à Toulouse, la ministre a annoncé que les ”Principes d’engagement de l’Etat en faveur des festivals” seraient mis à l’ordre du jour du prochain CNTC, le 14 décembre.