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ActualitésLecture publique

Lois bibliothèques et librairies, adoptions à l’unanimité

Par 8 octobre 2021Aucun commentaire

La proposition de loi “Bibliothèques et développement de la lecture publique”, déposée avant l’été par la sénatrice d’Ille-et-Vilaine Sylvie Robert (PS) ainsi que celle, rédigée par Laure Darcos (LR), visant à “Conforter l’économie du livre et renforcer l’équité et la confiance entre ses acteurs” ont toutes deux été adoptées par les députés dans le même esprit d’unanimité que celui des sénateurs, le 6 octobre.

La conjonction de ces deux initiatives législatives, immédiatement saluées par la FNCC et bien accueillies par les professionnels concernés, permet de renforcer de manière significative l’engagement des collectivité dans leurs politiques de lecture publique.

La première fait entrer dans le droit le caractère fondamental des missions remplies par les bibliothèques territoriales et, ce faisant, officialise la reconnaissance du rôle des collectivités qui en ont assumé la charge dans le sillage de la décentralisation culturelle (implicitement, elle “sanctuarise” également l’appui financier de l’Etat aux bibliothèques via la dotation générale de décentralisation/DGD). La seconde accroît la possibilité d’aides directes aux librairies indépendantes par les collectivités.

Parmi les mesures de la loi librairies

Jusqu’à présent, le soutien des collectivités à ces commerces culturels essentiels pour la vitalité des territoires mais confrontés à la concurrence de grand commerce et notamment au succès croissant de la vente en ligne par les plateformes numériques comme Amazon, n’était possible que par des biais économiques ou fiscaux :

  • une pratique de maintien de loyers abordables,
  • l’octroi du label “librairie de référence” (label LIR) qui permet aux collectivités d’exonérer les librairies d’une part de la contribution économique territoriale (CET),
  • une politique de commande publique de livre, pour les bibliothèques ou pour les écoles, faisant de la proximité un des critères dans les appels d’offre.

Désormais, la loi devrait autoriser, comme c’est déjà le cas pour les cinémas grâce à la loi dite “Sueur”, les subventions de fonctionnement aux librairies indépendantes. A quoi il faut ajouter la protection principale des librairies introduite par la proposition de loi de Laure Darcos : étendre le principe du prix unique du livre (loi “Lang”) – qui a permis de sauvegarder le remarquable réseau français des librairies – à la vente en ligne. Il s’agit là d’une digue puissante contre la concurrence des plateformes internationales de vente en ligne, qui pratiquent également un exonération des frais de port désormais interdite.

Parmi les mesures de la loi bibliothèques
  • Missions des bibliothèques (inscrites au Code du patrimoine) : « Les bibliothèques des collectivités territoriales ou de leurs groupements ont pour missions de garantir l’accès de tous à la culture, à l’information, à l’éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs et de transmettre aux générations futures le patrimoine qu’elles conservent.» Ces missions s’exercent « dans le respect des principes de pluralisme des courants d’idées et d’opinions, d’égalité d’accès au service public et de neutralité du service public » (art.1).

Amendements adoptés. En séance, les députés ont ajouté à ce missions la garantie de l’accès tant aux bâtiments qu’aux contenus pour les personnes en situation de handicap, la lutte contre l’illettrisme et l’illectronisme et la promotion du patrimoine linguistique des langues régionales. Autre ajout : « Par leur action de médiation, elles garantissent la participation et la diversification des publics et l’exercice de leurs droits culturels. »

  • La gratuité : « L’accès aux bibliothèques municipales et intercommunales est libre » (art. 2). « L’accès aux bibliothèques municipales et intercommunales et la consultation sur place de leurs collections sont gratuits » (art. 3).
  • La reconnaissance des métiers des bibliothèques : « Les agents travaillant en bibliothèque présentent des qualifications professionnelles nécessaires à l’exercice des missions » (art. 8).
  • L’affirmation du rôle des BDP pour la couverture territoriale, la mise en réseau, l’abondement des collections et la formation des agents (art. 10). En séance, sur amendement gouvernemental, la loi interdit aux conseils départementaux de supprimer leur BDP.
  • L’incitation pour les EPCI à l’élaboration d’un schéma intercommunal de développement de la lecture publique.
  • La “mutabilité du service public” en autorisant les bibliothèques à revendre les livres dont elles n’ont plus l’usage à des fondations, à des associations philanthropiques ou à des entreprises de l’économie sociale et solidaire.
  • L’ouverture des EPCC aux aides de la DGD.

Engagées en procédure accélérée et adoptées à l’unanimité en première lecture par le Sénat et par l’Assemblée nationale, l’accord sur les version définitives des deux propositions de lois semble très vraisemblable.


Urgence de liberté et de savoir

Dans un contexte où l’atteinte à la liberté d’expression, la multiplication de fake-news, l’instrumentalisation des savoirs et les tendances à la concentration économique de la filière livre sont potentialisées par les réseaux sociaux, les bibliothèques apparaissent comme un havre de tolérance, de liberté et de raison. Lors de la séance d’examen puis de vote du 6 octobre (unanimité à 82 voix pour la loi bibliothèques, unanimité à 52 voix pour la loi librairies), plusieurs interventions ont salué la fonction démocratique de l’accès au livre.

Roselyne Bachelot. « Plus que jamais, les bibliothèques doivent demeurer des espaces de liberté et des lieux de respiration démocratique ; leurs professionnels doivent être protégés de la censure comme de toute pression politique, religieuse ou sociale. Leurs collections doivent refléter la diversité des opinions. »

Florence Provendier (LREM). Pour la rapporteur de la proposition de loi sur les bibliothèques, « l’actualité dramatique » de la privation d’éducation et de culture des femmes afghanes « nous rappelle à quel point l’accès à la culture, aux livres et aux bibliothèques constitue un droit fondamental, dont la privation nous réduit en esclavage ».

Laurent Garcia (Modem). « S’agissant de l’article 5, l’amendement que nous avons adopté en commission afin de rappeler que les collections des bibliothèques doivent être exemptes de toute forme de censure idéologique, politique, religieuse ou de pression commerciale, semble plus que jamais nécessaire. »

Sylvie Tolmont (PS, apparentés). « Alors qu’elles contribuent à fabriquer du sens et servent de repères à un savoir objectivé dans une société d’information traversée par des débats de plus en plus aigus, les bibliothèques n’en restaient pas moins le seul secteur culturel à n’avoir pas fait l’objet d’une loi spécifique. » Avec les principes de liberté d’accès aux bibliothèques, de gratuité et de pluralisme des collections, « les bibliothèques disposeront des outils nécessaires pour faire face aux pressions idéologiques et sociétales auxquelles elles sont parfois confrontées ».

Jean-Michel Clément (Libertés et territoires). « La période actuelle m’inquiète. Quelle colère de constater, alors que les libraires et les éditeurs indépendants souffrent, que le capitalisme est à l’œuvre pour créer des monopoles de la pensée. Une telle dépendance économique et commerciale, qui laisse présager la concentration du marché, menace les librairies indépendantes et tout le marché du livre. »


A télécharger
Dossier législatif de la proposition de loi “Bibliothèques et développement de la lecture publique”
Dossier législatif de la proposition de loi “Conforter l’économie du livre et renforcer l’équité et la confiance entre ses acteurs”
Compte rendu intégrale de la discussion en séance du 6 octobre à l’Assemblée nationale des deux propositions de loi