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ActualitésQuestions territoriales

L’univers fragile et nécessaire des associations culturelles

Par 29 juin 2021Aucun commentaire

Opale, structure créée par l’Etat et la Caisse des Dépôts en 2004 pour le soutien aux initiatives artistiques et culturelles relevant de l’Economie sociale et solidaire, livre son enquête décennale sur les associations culturelles employeuses. Ses chiffres marquent l’essor de la dynamique associative. Elles étaient 30 000 en 2017 et 40 000 en 2018, soit à l’orée d’une longue crise sanitaire qui les a déjà fortement fragilisées et qui continuera de le faire pendant les années à venir. Portrait d’une réalité culturelle et artistique fortement ancrée sur les territoires dont les élu.e.s savent le caractère indispensable.

« Avec plus de mille associations présentes sur le territoire, le tissu associatif isséen, activement soutenu par la Ville, est très dynamique. Indispensables à la vie locale, les associations participent activement au maintien du lien social et à l’engagement des citoyens dans la cité. » Cet éloge des associations par Fabienne Liadzé, maire-adjointe à la culture d’Issy-les-Moulineaux, dresse le constat que, sans la vie associative, les politiques publiques culturelles seraient privées d’un de leurs principaux objets.

Pour d’autres maires-adjoints à la culture, la vie culturelle ne peut tout simplement pas être dissociée de l’activité des associations culturelles. « Sans les associations, il n’y a pas de vie culturelle. A Douai, le tissu associatif est très riche et ancien. Les associations mènent un travail remarquable », déclare Auriane Aït Lasri, maire-adjointe à la culture de Douai. Une convergence qui vaut aussi dans les grandes agglomérations, même si elle ne saurait oblitérer l’action des grandes institutions culturelles et des équipements sous tutelle territoriale : pour Dimitri Boutleux, maire-adjoint à la culture de Bordeaux, « la vie associative est essentielle. Tout se joue là. La Ville gère des équipements, principalement des musées, des salles, l’Opéra…, mais ce sont les associations qui portent plus de 50% de l’ADN culturel de Bordeaux. Une municipalité ne détient pas la force culturelle d’un territoire ; elle l’accompagne. »

Qui sont les associations ? Ces quelques témoignages d’élu.e.s de collectivités adhérentes à la FNCC donnent la mesure de l’importance de l’enquête décennale de l’Opale. Mais qu’est-ce qu’une “association culturelle employeuse” ? L’étude parle d’un « monde hétérogène » de structures engagées dans « des logiques de réciprocité, d’égalité et de solidarité » regroupant 40 000 organisations employant 300 000 personnes. Ce peut être des agences culturelles départementales ou régionales, avec plusieurs dizaines de salariés, des salles ou structures sous statut associatif ayant des activités stables de création, de production et de diffusion, ou bien de toutes petites compagnies ou collectifs salariant une ou deux personnes… Donc des acteurs d’une extrême diversité, mais partageant un même « modèle économique hybride, composé pour moitié de recettes d’activité et pour un tiers de subventions publiques ».

Champs d’activités. Près des deux tiers des associations culturelles (63%) œuvrent dans le spectacle vivant (22% d’entre elles se consacrant à la musique, 14% au théâtre,12% au spectacle vivant pluridisciplinaire, 10% aux domaines du cirque, des arts de la rue et des arts de la parole, et 4% à la danse). Un domaine massivement placé sous statut associatif. En effet, si la culture prise dans l’ensemble de ses différents secteurs d’activités ne compte que 16% d’emplois associatifs, dans le champ du spectacle cette part s’élève à 59%.

Les associations culturelles par activités

Outre le spectacle vivant, le tiers restant (37%) des autres associations se répartissent dans l’audiovisuel et le multimédia (9%), l’éducation populaire (7%), les arts plastiques et visuels (5%), le patrimoine (5%), le livre et la presse (4%). Enfin, 6% des associations culturelles employeuses sont transversales à plusieurs domaines d’activité, parmi lesquels le spectacle vivant est là encore prépondérant.

Implantation territoriale. Elles déploient leurs activités sur des périmètres territoriaux plus ou moins étendus, mais « l’inscription forte des associations culturelles employeuses sur leur territoire d’implantation et dans des réseaux de coopération territoriaux et sectoriels » entraîne, ou explique, le caractère de proximité de leur action (sachant qu’elles peuvent investir plusieurs périmètres concentriques, par exemple la commune et le département, etc.) : 56% travaillent à l’échelle de leur commune, 45% à celle des EPCI, 45% à celle des Départements et 37% à celle des Régions. Seules 27% d’entre elles revendiquent un périmètre d’activité nationale.

Budgets. Le budget cumulé des associations culturelles (près de 7Mds€) est composé à moitié de recettes d’activité (vente de spectacles, billetterie, cours, visites guidées…) et à plus d’un tiers de subventions publiques provenant aux trois quarts des collectivités territoriales, notamment des communes. A quoi s’ajoutent, à hauteur de 15%, des ressources autres : cotisations, dons, mécénat…
On peut noter que si le spectacle vivant constitue le domaine d’activité majeur des associations culturelles employeuses, inversement ces associations sont les moins bien dotées en subventions, avec 23% de leur budget total (et donc une part plus importante qu’ailleurs de recettes de billetterie) contre 48% pour le livre et la presse et 44% pour l’audiovisuel/multimédia. Cas à part, si le budget des associations de patrimoine n’est redevable des subventions qu’à 23%, ce faible apport est compensé par 15% de mécénat.

La répartition des subventions selon leur origine s’avère en miroir avec le périmètre d’action des associations : le bloc communal finance près de 90% des associations employeuses (59% pour les communes et 30% pour les EPCI), suivi des Départements (56%), des Régions (48%), puis des DRAC (39%) ainsi que, dans des proportions moindres, d’autres ministères ou encore l’Europe. A noter le nombre non négligeable d’associations fonctionnant sans aucune subvention publique : 17%.

Dépendance et fragilité. Le rôle majeur des financements publics n’est pas sans contreparties. Globalement, la proportion des subventions dans les recettes des associations culturelles employeuses a augmenté de 7% en dix ans. Liée au contexte économique territoriale – dont on sait l’aggravation à venir du fait de la crise sanitaire –, cette dépendance accrue creuse des inégalités selon les territoires, redoublant une disparité entre territoires urbains (30 000€/an en moyenne de la part des communes) et ruraux (7 000€/an).

D’autre part, la tendance croissante des collectivités à préférer les subventions d’aide au projet aux subventions de fonctionnement les fragilise également : sur les 83% d’associations percevant des subventions publiques, 65% en bénéficient sous forme d’aide au projet et 62% sous forme d’aide au fonctionnement. Plus périlleux encore, « 19% des associations ne bénéficient que de subventions d’aide au projet, volatiles par définition. »

Une attention nécessaire. Les élu.e.s en charge de la culture savent que la vie associative culturelle est au cœur de la vitalité de leur territoire. L’importance des moyens qu’ils leur accordent en est la preuve mais aussi la condition, d’où une responsabilité particulière, surtout en période de crise sanitaire, donc budgétaire. Quand les recettes des collectivités baissent, que les droits de mutation s’amoindrissent, que les coûts des mesures sanitaires s’alourdissent, des arbitrages s’imposent… L’attention des collectivités territoriales à la vie associative, tout particulièrement de la part des communes, sera décisive dans les années post-crise. Car, pour citer une nouvelle fois les élu.e.s de Douai et de Bordeaux : « Sans les associations, il n’y a pas de vie culturelle. La vie associative est essentielle. Tout se joue là. » 


A télécharger
L’étude d’Opale : Les associations culturelles employeuses en France, décembre 2020