Skip to main content
ActualitésEgalite femme/homme

Observatoire de l’égalité 2022

Par 10 mars 2022Aucun commentaire

Chaque année, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, l’Observatoire de l’égalité, sous le pilotage du Département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS) du ministère de la Culture, fait le point sur la progression de la parité femme/homme dans l’ensemble des secteurs culturels, de la période des apprentissages dans les écoles d’art supérieures à la reconnaissance des talents, en passant par les conditions de la vie active. Comme chaque année, l’édition 2022 fait état d’une progression certaine mais aussi de blocages persistants, voire de tendances régressives.

« Si des progrès sont constatés vers une meilleure représentation des femmes dans les instances de la vie culturelle, dans la programmation des œuvres et dans la consécration artistique, ils ne sont toutefois pas homogènes selon les disciplines et ne reflètent pas toujours l’importance du nombre de femmes faisant le choix d’exercer une profession dans le domaine de la culture. »

Enseignement artistique supérieur. Depuis maintenant des années, les femmes sont majoritaires dans écoles de l’enseignement supérieur culture. Elles représentant aujourd’hui 62% des effectifs, surtout dans le patrimoine (81%) et les arts plastiques (68%) et avec un équilibre presque atteint dans le spectacle vivant (49%). En revanche, dans le cinéma et l’audiovisuel, la forte féminisation des années 2010 (61% en 2013-2014) laisse place aujourd’hui à un mouvement inverse, tout en restant majoritaire (56% en 2020-2021).

Emploi. Le taux d’insertion professionnelle des étudiantes et des étudiants diplômés s’avère quasi équivalent, de 82% pour les femmes et de 86% pour les hommes. La différence se creuse après, en cours de carrière : « Dans les secteurs du spectacle (présence stable depuis 20 ans), y compris de la production audiovisuelle, la part des femmes diminue avec l’âge. Cette érosion freine la progression dans le temps de la part des femmes dans ces professions. »

Hauts postes. La politique des nominations aux postes dits ʺà responsabilitéʺ, très affirmée par l’Etat, a produit d’indéniables résultats. Elle semble cependant marquer le pas. « Après une augmentation constante de la part de femmes aux postes les plus élevés des établissements publics, celle-ci baisse légèrement » (43% en 2021 et 38% en 2022). Cette tendance dépend des secteurs. Si, en 2022, aucune femme n’est à la tête d’un établissement public du spectacle vivant, les femmes sont désormais majoritaires aux manettes des directions générales des musées nationaux.

Rémunérations. La tendance est ici favorable sans toutefois atteindre une réelle égalité salariale avec, en 2020, un écart de salaire de l’ordre de 12% pour ce qui est des métiers du spectacle et de l’audiovisuel, soit « une différence moins élevée que les années précédentes ». Pour autant, cette progression ne concerne pas la perception de droits d’auteur. Les femmes sociétaires de la Société des auteurs et compositeurs de musique dramatique (SACD), par exemple, perçoivent 38% de droits de moins que leurs homologues masculins.

L’Observatoire de l’égalité n’explique pas la nette progression de l’égalité des salaires mais non des droits perçus. Serait-ce parce qu’il est plus aisé d’agir de manière volontariste sur les rémunérations salariales alors que la perception de droits d’auteur reste tributaire d’une moins bonne perception publique du travail artistique des femmes et/ou de leur plus faible visibilité ? Ou encore d’un moindre accès aux moyens de production et de création ?

Moindre visibilité artistique. Les chiffres concernant la présence des femmes dans les programmations artistiques semblent corroborer cette hypothèse que synthétise ainsi le rapport 2022 : « Les œuvres des femmes restent moins visibles, moins acquises et moins programmées que celles des hommes. »

Ainsi, en matière d’adaptation, de scénographie, de mise en scène, de chorégraphie ou de traduction, les femmes réalisent en moyenne 42% des représentations programmées dans le spectacle vivant. Une proportion plus faible encore – de 31% – quand il s’agit d’œuvres écrites par des femmes. L’Observatoire constate certes une légère progression par rapport aux saisons précédentes mais note que 33% des créations féminines concernent le répertoire jeune public et que les femmes restent très minoritaires en tant que cheffes d’orchestre, librettistes et plus encore compositrices.

Accès aux moyens de production. La relative moindre visibilité des femmes sur les scènes est-elle la conséquence – ou la cause – d’un accès plus difficile aux moyens de production ? Si 40% des aides pour le théâtre sont accordées à des femmes, le montant total de ces subventions ne représente que 28% de l’intégralité des sommes allouées. Avec cependant deux tendances positives : les aides pour le livre et pour le cinéma attribuées à des femmes sont en augmentation même si, quant à ce dernier secteur, les devis des films de femmes sont plus modestes que ceux des hommes.

Prix. Là encore, on peut établir une relation entre la faiblesse relative des droits d’auteur et droits voisins perçus par les artistes femmes et leur reconnaissance publique.

Aucun film de femme n’a été primé aux Césars depuis 2010 et, quand leurs réalisations le sont ailleurs, il s’agit à 30% de courts-métrages. Même situation peu favorable en musique, avec seulement 9% de femmes primées aux Victoires de la musique dans la catégorie du meilleur album (une situation plus équilibrée en musique classique, avec 34%). Et aussi, « malgré le nombre significatif de femmes dramaturges ou mettant en scène des pièces de théâtre, la part de femmes sélectionnées ou primées aux Molières est très faible, sans présenter d’amélioration réelle depuis les années 1990 (11% de femmes metteuses en scène et 14% d’autrices primées depuis 1987). »

Enfin – mais c’est là une réalité séculaire –, « le livre est l’un des secteurs où l’on s’approche de l’égalité sous certains aspects », mais non à l’Académie française, où elles sont encore minoritaires.

Télécharger l’Observatoire de l’égalité 2022

 


Le Genre des carrières

Parue presque en même temps que l’Observatoire de l’égalité 2022, l’étude Le Genre des carrières/Inégalité dans l’administration culturelle en corrobore les principales tendances : une certaine érosion de la progression vers l’égalité femme/homme dans le monde de la culture, ici au sein de l’administration d’Etat.

Cette étude collective, très approfondie, dépasse le seul constat chiffré pour en envisager les causes : « Dans l’administration française [d’Etat], les carrières des femmes évoluent toujours sous le plafond de verre. Le ministère de la Culture, souvent perçu comme spécifique parce que très féminisé, ne fait pas exception à la règle. » Comment interroger la réalité d’une inégalité persistante dans un champ qui « est traditionnellement pensé comme égalitaire et neutre du point de vue du genre en raison de son caractère avant-gardiste et de son ancrage dans les élites intellectuelles » ?

L’ouvrage ne conclut pas seulement qu’il y a une inégalité femmes-hommes dans l’administration culturelle mais qu’il y a, rue de Valois, « une culture des inégalités femmes-hommes ». D’où ce constat sans appel : « Si les trois quarts des hommes rencontrés bénéficient d’une carrière ascendante, plus de la moitié des femmes font l’expérience d’un plafonnement. »

C’est là une constante des administrations en général, conséquence de « règles objectives défavorables aux femmes et de modalités discrétionnaires et opaques de promotion de l’autre » : incompatibilité de la valorisation de l’investissement extensif avec la division genrée du travail domestique, promotion des « modèles de réussite au masculin neutre », etc. Mais les auteurs soulignent aussi la spécificité de l’administration culturelle d’Etat de ce point de vue. Avec quatre singularités :

  • la faible place de la « sursélection sociale et scolaire », laquelle permet généralement d’atténuer les effets de genre ;
  • le recours aux emplois précaires (vacataires, contractuelles) qui explique l’entrée tardive de nombreuses femmes dans les rangs de l’administration, dès lors lestées d’un retard de carrière irrattrapable ;
  • un « desserrement de la norme hétérosexuelle, conjugale et reproductive » qui, malgré son évident progressisme, « semble principalement profiter aux hommes » ;
  • enfin, si au ministère la figure de ʺl’homme moderneʺ est incarnée par les DRAC, « la relative indifférence ou la simple adhésion de principe aux politiques d’égalité chez les cadres dirigeants de l’administration centrale laisse entrevoir à l’inverse une discrète mais efficace résistance à la féminisation des plus hauts postes ».
Pour commander l’ouvrage