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Pass culture et « quartiers culturels créatifs »

Par 6 juin 2019juillet 25th, 2019Aucun commentaire

Deux actuelles initiatives du ministère de la Culture concernent très directement les collectivités territoriales. La première – le Pass culture – est le fruit d’une promesse électorale du chef de l’Etat ; la seconde, qui s’inscrit dans le cadre du programme national Action Cœur de Ville (piloté par le Commissariat général à l’égalité des territoires), incite au développement dans les programmes de réhabilitation des centres-villes de “quartiers culturels créatifs”. C’est à ces deux sujets qu’a été consacré le séminaire des adhérents de la FNCC du 23 mai.

Séminaire de la FNCC du 23 mai au siège de la Fédération des Entreprises publiques locales (EPL)

Pass culture : entre interrogations et expérimentation

Intervention de Romain Delassus, responsable produit du Pass culture
au ministère de la Culture, et Laurène Taravella, chargée de développement

Le projet de Pass culture, une application mobile de géolocalisation de l’offre culturelle disponible à tous et accompagnée d’un forfait de 500€ pour les jeunes l’année de leurs 18 ans, suscite bien des interrogations, voire des réticences. Le séminaire n’avait pas pour objet d’aborder les interrogations d’ordre politique que pose le principe du pass mais de voir, dans le cadre de l’expérimentation actuellement en cours dans cinq départements, si ses premiers pas permettaient d’identifier des pistes de réponse.

Les deux techniciens en charge du Pass au ministère débutent leur intervention en posant ainsi l’objectif : un nouveau service public de la culture. Face au sentiment d’une persistante inégalité des jeunes dans l’accès à la culture et face à la captation croissante de leur attention par des plateformes et sites privés, ne peut-on s’appuyer sur la généralisation des portables (99% des jeunes en possèdent un) – « une fenêtre d’accès à la culture insuffisamment exploitée » – et sur la capacité de l’outil numérique pour donner visibilité à l’offre culturelle afin de remédier à la limite que rencontre le principe de la démocratisation de l’accès à la culture ? Voilà le pari : mettre en relation des bénéficiaires et des acteurs culturels de terrain.

L’expérimentation en cours. « On va vous aider à ouvrir le chemin culturel en vous accompagnant avec un outil d’information et un peu d’argent », a déclaré aux jeunes le ministre de la Culture (France 2, 01/02). Cinq départements ont été choisis pour une première expérimentation : la Seine-Saint-Denis, le Bas-Rhin, l’Hérault, le Finistère et la Guyane. Elle devait concerner 10 000 jeunes de 18 ans (ils sont 60 000 dans ces cinq départements et 800 000 à l’échelle du pays).

Finalement, au 20 mai, ce sont 7 000 jeunes qui se sont inscrits et bénéficient de l’offre culturelle de 1 500 structures et acteurs culturels, dont la moitié est réellement active. Un taux significatif, avec 75% des jeunes ayant déjà effectué une réservation via le Pass.

Romain Delassus et Laurène Taravell

Financement : l’incertitude… Une fois développé au niveau national, le Pass culture devrait coûter 500M€. D’où proviendra ce financement considérable ? Pour sa part, le ministère s’est engagé à y pourvoir à hauteur de 20%. En réponse aux nombreux questionnements des élus sur ce point, Romain Delassus convient que le fonctionnement du plein régime ne se pose pas encore, mais indique cependant deux pistes : les acteurs culturels eux-mêmes qui contribueront avec un système de dégressivité selon leur taille et d’éventuels partenariats avec des acteurs privés hors secteur culturel.

Articulation avec les pass territoriaux. Nathalie Devèze, vice-présidente d’Amiens Métropole, regrette que le projet gouvernemental l’ait amenée à renoncer à son propre projet. Martine Publié, vice-présidente en charge de la culture du département du Rhône, égrène les pass existants sur son territoire : celui de la ville de Lyon, celui de la métropole lyonnaise, ceux du département du Rhône et de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Ces différents dispositifs ne concernent pas forcément la même tranche d’âge choisie par le ministère et, de plus, ils couplent bien souvent sport et culture, voire transports et autres services aux jeunes…

La réponse doit encore être trouvée, sachant de plus qu’elle ne pourra pas être univoque. « La complémentarité s’avère nécessaire. D’où plusieurs idées pour décentraliser la plateforme, par exemple en intégrant les pass existants sur notre application. Une autre possibilité serait la réutilisation du service par les collectivités. » Mais il reste une idée force, car tout le monde convient de la nécessaire dématérialisation des dispositifs de pass quels qu’ils soient, c’est-à-dire la possibilité de réserver et de payer en ligne : « Si ce projet de pass ne devait avoir qu’un bénéfice, ce serait celui-là : une plateforme numérique ouverte et aisément utilisable. »

Pour le président de la FNCC, qui constate l’absence à ce stade de réponse claire sur l’articulation du Pass culture avec ceux des collectivités, « il y a un problème de déficit de décentralisation ».

Le niveau régional ? L’expérimentation se développe à l’échelle départementale, mais le principe reste celui d’un pass national. Si la question se pose du pilotage local – au niveau de l’intercommunalité ? du département ? s’interroge Jessie Orvain, en charge de la culture à la communauté d’agglomération Mont-Saint-Michel-Normandie –, pourquoi centraliser ? Ne serait-ce pas contraire à l’idée de “différenciation” territoriale portée dans le projet de révision de la Constitution ? Ce sera la conclusion interrogative du président de la FNCC : « J’ai pour ma part le sentiment d’une véritable faiblesse du dispositif : le Pass culture n’a pas été envisagé au niveau régional… »

L’outil d’une nouvelle génération ? Les questions restent nombreuses. Du moins pour les élus, car ce dispositif s’adresse aux jeunes et il ne faut pas oublier que « les 18 ans ont une maîtrise et une gestion des réseaux sociaux, du numérique et des téléphones mobiles que nous nous n’avons pas, reconnaît Jean-Philippe Lefèvre. Ils trouvent par exemple en un clin d’œil des solutions pour les déplacements. » L’avenir du Pass culture s’avère en effet étroitement lié à cette familiarité des jeunes avec une “révolution” numérique qui n’en est pas une pour eux.

Communiqué du ministère sur le Pass culture, 4 juin 2019.

 

Des quartiers culturels créatifs au cœur des villes

Intervention de Frédéric Haboury, adjoint à la sous-direction
du développement de l’économie culturelle de la Direction générale aux médias
et aux industries culturelles (DGMIC) et Patricia Davis, chargée de mission

Rappel. Le programme national Action Cœur de Ville, dans lequel 222 villes sont engagées (dont une soixantaine de communes adhérentes à la FNCC), soutient, à hauteur de 5Mds€ sur cinq ans, des projets de revitalisation des centres-villes de villes moyennes. Croisant divers champs de l’action publique, il n’est pas spécifiquement culturel. Or, que ce soit pour le bien-être des habitants, l’attractivité ou le tourisme et donc l’économie, la dimension de la culture s’avère centrale, notamment dans sa capacité à lier les différentes formes de l’action des municipalités.

Frédéric Haboury et Patricia Davis

Lors de la deuxième rencontre nationale du programme Action cœur de ville, le 19 mars, le ministre de la Culture a souhaité inscrire, dans ce cadre de la revitalisation des centres-villes, un dispositif proprement culturel mais en lien avec l’activité économique et avec l’urbanisme. « Chaque ville peut et doit avoir un lieu de culture, car l’attractivité d’un territoire tient d’abord à sa richesse culturelle », plaide le ministre de la Culture. « Nous devons réinvestir le patrimoine, en faire un patrimoine vivant, encourager la création architecturale contemporaine, rénover le bâti, revitaliser le commerce et créer des dynamiques vertueuses, reconquérir l’espace public, réinventer les lieux désaffectés », a déclaré Franck Riester. Qui a ajouté : « Nous allons expérimenter la création d’un nouveau dispositif : les quartiers culturels créatifs. »

Qu’est-ce qu’un “quartier culturel créatif” ? Il ne s’agit pas de l’invention d’un nouveau concept mais de la formalisation d’un principe déjà largement expérimenté. Par exemple le “Lieu ouvert à la coopération pour l’innovation” (LOCI) à Loupiac (Gironde), le Réseau tiers lieux dans le Haut Jura, des initiatives apparentées à Colmar, à Arles, à Dole…

Franck Riester : « Chaque ville peut et doit avoir un lieu de culture, car l’attractivité d’un territoire tient d’abord à sa richesse culturelle. »

Pour envisager un “quartier culturel créatif”, il suffit de disposer d’un édifice remarquable, patrimoine ou friche, en déshérence d’activité, et d’y combiner trois axes, dans le même esprit de transversalité qui caractérise les projets Action Cœur de Ville :

  • Un accompagnement de professionnels de la culture (artisans de métiers d’art, artistes…) au travers d’une structure type tiers-lieu : pépinières, incubateurs, espace de coworking
  • L’implication de commerces culturels : librairies, galeries, kiosquaires, disquaires…
  • Une proposition d’espaces ouverts au public : musées, médiathèques, cinémas, équipements culturels…

Mais, insiste Frédéric Haboury en réponse à une question de Grégoire Pénavaire, vice-président de la FNCC, sur la possibilité d’y associer une FNAC, « le dispositif ne se veut aucunement dogmatique : l’ampleur des projets peut varier, du plus modeste au plus important ». Donc en effet, peut-être avec une FNAC, même si le ministère préconise la collaboration avec des librairies indépendantes.

Quel financement pour les « quartiers culturels créatifs » ? Pour sa part, le ministère ne prévoit pas de financements dédiés, mais est prêt à mobiliser ses dispositifs “de droit commun” (soutien aux médias de proximité, aux marchands de journaux…). Ce sont donc les collectivités qui se voient appelées à se mobiliser, essentiellement par la mise à disposition du lieu.

Pour le reste, la “maquette” budgétaire se fonde sur deux-tiers de recettes propres, d’éventuelles rentrées en billetterie via l’équipement culturel en mesure de recevoir du public qui sera associé au quartier culturel créatif et éventuellement par un appel aux fondations privées ou au mécénat. A quoi il faut ajouter, de la part du Commissariat général à l’égalité des territoires et en lien avec le ministère
de la Culture, une aide en ingénierie de projet.

Enfin, et de manière plus significative, la Banque des territoires (Caisse des dépôts et Consignations) contribuera, pour environ 100 000€, au financement des études de faisabilité et de rentabilité.

Questions des élus. L’idée de “quartier culturel créatif” a éveillé l’intérêt des élus. Jessie Orvain s’interroge sur la possibilité d’un co-pilotage d’un « quartier culturel créatif » entre une communauté d’agglomération et une ville. Jany Rouger, adjoint à la culture de la commune nouvelle de Moncoutant-sur-Sèvres et trésorier de la FNCC, regrette que cette perspective, liée au programme Action Cœur de Ville, soit réservée aux villes moyennes alors que « le problème de la revitalisation des centres-bourgs est crucial ». Pascale Cordier, élue à Trouville-sur-Mer, s’informe des conditions d’éligibilité pour les communes.

Gérard de Vassal, vice-président d’honneur de la FNCC, clôt le séminaire en se félicitant d’une initiative qui promeut à la fois la culture et les commerces de proximité, ajoutant « qu’il est impératif que les villes moyennes ne cèdent pas devant les grandes surfaces ».