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Portrait culturel de Mamoudzou

Par 14 octobre 2021novembre 29th, 2021Aucun commentaire

Dhoul-Mahamoud Mohamed, maire-adjoint à la culture et à la ville de Mamoudzou

Créé en 1977, après la séparation de Mayotte d’avec les Comores, la Ville de Mamoudzou constitue la plus grande commune du Département dont elle est le chef-lieu et la capitale économique. Elle regroupe huit villages, pour plus de 71 000 habitants – dont la moitié ont moins de 20 ans –, soit près d’un tiers de la population de Mayotte. Le plurilinguisme et la vitalité des différentes cultures traditionnelles font de la société mahoraise « une société qui a toujours joui de ses droits culturels », explique Dhoul-Mahamoud Mohamed, maire-adjoint à la ville et à la culture. Portrait d’une politique culturelle qui concentre son action sur les jeunes, la valorisation des cultures du territoire mises en lien avec l’innovation, ainsi qu’une volonté de rayonnement dans la sous-région du bassin Océan Indien jointe à la revendication d’un soutien plus conséquent de la part l’Etat au dernier des départements français.

Quelles circonstances et motivations vous ont-elles conduit au mandat à la culture ?

Ma motivation première est celle d’être acteur engagé dans la vie de ma cité. Depuis mon plus jeune âge j’ai baigné dans les mouvements associatifs et sportifs. Porté par une envie d’aller plus loin avec l’ambition de faire rayonner la ville qui m’a vu naître et m’a bercé au-delà des frontières nationales, je me suis engagé dans la politique.

Ma délégation d’élu à la culture et à la politique de la ville m’est un peu tombée dessus par hasard. La chose culturelle, de par le manque de moyens et la partie abstraite de son apport à la population, n’attire pas toujours les élus à la recherche de résultats immédiats. Etant aventurier dans l’âme, mes confrères de cette mandature ont souhaité que je porte cette délégation à travers laquelle je me révèle à moi-même aujourd’hui car remplie de défis.

En effet, je suis plutôt un sportif né, mais en découvrant la Culture et toutes ses facettes, j’apprends tous les jours et la chose que je retiens en déployant ma stratégie politique est que la Culture rythme la vie de la cité et que l’Art est partout.
Ceci m’amène bien entendu à aborder le lien avec la politique de la Ville. La culture est un véritable outil pour la cohésion du territoire. Il faut savoir que la culture se met également au service de la cohésion sociale et crée une synergie entre les différentes politiques publiques que je porte.

Quelles sont les particularités géographiques, démographiques de Mamoudzou ?

Mamoudzou n’est pas uniquement la capitale chef-lieu du département de Mayotte, c’est un point de jonction entre la Petite-Terre et la Grande-Terre. Son port de plaisance et le principal quai de départ des bateaux de loisirs et de la barge qui relie les deux îles habitées qui composent le Département.

La Ville représente également le poumon économique du territoire avec une concentration des administrations et des emplois pour une population d’un peu plus de 71 000 habitants au dernier recensement de l’Insee en 2017, soit près d’un tiers de la population totale de l’île.

Mamoudzou c’est aussi 60 000 véhicules qui y entrent et en sortent tous les jours, selon les chiffres de la DEAL, pour y travailler, étudier, se soigner, faire les courses… Ce sont également plus de 16 000 scolaires comptabilisés à la rentrée 2021.

La stratégie de la Commune est d’être le centre névralgique des projets innovants du Département tout en étant ouverte sur le monde en multipliant la coopération à l’internationale. Mamoudzou abrite la première Datacenter de l’Océan-indien et n’entend pas en rester là en termes d’innovations et d’attractivité.

Quels sont le rôle et la place de la culture dans le projet politique de la municipalité ?

L’une des six grandes thématiques déclinées dans notre projet de mandature est la Jeunesse. A travers cette thématique phare, le sport et également la culture sont au cœur des priorités pour accompagner l’épanouissement de la jeunesse et la population dans son ensemble. La culture, jusqu’à la dernière mandature, se focalisait sur les manifestations populaires et quelques événements à des moments ponctuels en plus de l’animation dans les équipements culturels et de l’accompagnement associatif.

Depuis la nouvelle mandature, nous sommes dans l’optique de dynamiser les industries culturelles et créatives en créant un pont culturel avec nos partenaires de la Sous-région dont la Tanzanie et la Municipalité de Zanzibar avec laquelle nous travaillons sur un projet de jumelage. L’éveil culturel et artistique des tout-petits est aussi au cœur des dispositifs que nous accompagnons.

La population, très jeune, parle plusieurs langues…

La richesse de la diversité locale alimente nos laboratoires de création. Avec plus de 50% de la population qui a moins de 20 ans, la jeunesse est un acteur majeur qui est placé au cœur de notre politique culturelle. Le plurilinguisme est l’un des outils qui dynamise nos partenariats dont le réseau culturel Océan Indien avec le shimaoré, dérivé du swahili, comme ticket d’entrée en Afrique de l’Est. Les politiques culturelles se tournent aujourd’hui vers un ancrage aux spécificités du territoire.

La notion de droits culturels est-elle un guide pour votre approche de la politique culturelle ?

Si les notions de droits culturels et de participation citoyenne sont au cœur des préoccupations actuelles, elles ne sont guère nouvelles et innovantes à notre niveau. Le chant et la danse traditionnelle ou encore l’oralité ont toujours été au cœur des appels à rassemblements et aux concertations pour faire face aux doléances communes. C’est ainsi que le shengué, chant de plaidoyer, a toujours rythmé les rassemblements, les manifestations et revendications. La population a toujours revendiqué ses spécificités et les mets en exergue lors des différents temps de vie. Elles sont le fondement des dynamiques des collectifs de citoyens à Mayotte. La culture locale est fréquemment mise en avant lors de tous les événements qui rythment la vie (naissance, mariage, passage à l’âge adulte, manifestations populaires, mort…).

Nous retrouvons dans les droits culturels un guide pour des pratiques déjà très ancrées la société mahoraise, qui a toujours joui de ses droits culturels. Ce guide nous permettra de mieux faire résonnance auprès de nos partenaires, dont l’Etat, pour l’accompagnement à la pleine jouissance de ses droits.

Les principales ressources culturelles ?

En termes d’équipements culturels, la Ville de Mamoudzou dispose de cinq Maisons de jeunes et de la culture, d’une Maison de quartier, d’une Médiathèque municipale et d’un point information jeunesse. L’ensemble de ces espaces est dédié à l’émulation de la culture. Nous comptons bon nombre d’associations mais elles ont besoin de mieux se structurer tout en diversifiant leur offre. Cependant, les pratiques artistiques locales sont au cœur de tous les événements marquants de la société mahoraise.

Les habitants sont en demande constante d’une scène susceptible d’accueillir des événements d’envergure. Mais les attentes de la jeunesse différent toutefois de celles des adultes. Si ces derniers engagent des dynamiques de préservation des pratiques, les jeunes en revanche ont soif de pratiques innovantes, ouvertes sur le monde et suivent plutôt les tendances artistiques.

Quels sont les grands axes de votre projet ?

Notre politique culturelle tire aujourd’hui sont essence des liens historiques avec nos voisins pour former les jeunes dans l’artisanat d’art, avec la mise en exergue des techniques anciennes communes à la sous-région du bassin Océan Indien. Nous expérimentons également la création hybride avec les couples rétro/contemporain, local/international, traditionnel/innovant… L’accès à la culture pour les tout-petits est également un chantier de cette mandature.

La construction d’un lieu de création, de production et de diffusion de produits culturels et artistiques est l’un des projets phares en cours de réalisation. Nous avons également pour objectif la construction d’un complexe culturel qui comportera trois salles de cinéma avec tout autour des lieux aménagés pour favoriser la médiation culturelle hors les murs.

Quelles sont vos principales difficultés ?

Le manque de moyens venant de l’Etat – véritable frein à la structuration – et le manque de coordination et de cohésion avec le Conseil départemental qui nous empêche aujourd’hui de générer des synergies en faveur des politiques culturelles pour le territoire. Pour l’heure, il est à noter que la Communauté d’agglomération s’est dotée il y a seulement quelques mois d’une direction de la Culture, et le positionnement n’est pas clair.

Le manque d’ingénierie en lien avec la mobilisation des fonds européens est aussi aujourd’hui un frein que nous œuvrons à lever avec un plan de formation à destination de nos cadres.

La structuration des associations culturelles et le manque de diversité dans leurs projets nous poussent à porter en interne plusieurs projets artistiques que nous mettons en avant pour impulser une nouvelle dynamique en faveur du développement des initiatives citoyennes pour la culture.

Vos rapports avec la communauté d’agglomération, le département, la DAC ?

La DAC est un partenaire qui a commencé récemment à collaborer de façon efficiente avec la Ville de Mamoudzou, ce qui n’était pas le cas avec l’ancienne direction, taxée par beaucoup de collectivités d’accompagner uniquement ses « associations chouchous pour une politique du saupoudrage ». Il existait jusqu’à il y a deux ans un manque criant de communication et collaboration hormis les appels à projets.

L’organisation du Département est complexe, mais nous sommes dans une démarche collaborative avec la nouvelle mandature et espérons pouvoir impulser la structuration culturelle de ce jeune département qu’est Mayotte à l’échelle de notre Commune.

Au niveau de la Communauté d’agglomération, nous avons collaboré sur un projet patrimonial. Leur politique culture n’est pas encore cadrée mais la Municipalité entend établir une collaboration durable avec l’ensemble de ses partenaires et la mutualisation des ressources pour des politiques culturelles à l’impact réel.

Qu’attendez-vous de la Fédération ?

Nos attentes sont multiples :

  • Rejoindre un réseau d’élus à la culture pour appréhender et travailler ensemble nos perspectives d’avenir.
  • Faire front commun pour porter nos doléances plus loin au niveau de l’Etat et de l’ensemble de nos partenaires.
  • Bénéficier des formations proposées par la FNCC.
  • Générer des synergies autour de nos moyens respectifs pour aller plus loin dans nos projets tout en multipliant nos partenariats.
  • Avoir une instance représentative susceptible de représenter la pluralité des doléances ainsi que les différentes spécificités des territoires et des élus qui la composent.

Propos recueillis par Vincent Rouillon