Skip to main content
ActualitésEchos des adhérents

Portrait culturel de Sète

Par 25 mai 2023Aucun commentaire

Jeanne Corporon-Delpont, maire-adjointe à la culture de Sète

Ville de Paul Valéry, de Manitas de Plata, de Georges Brassens…, Sète (44 000 habitants) se définit comme une “ville culturelle de caractère”. Riche de migrations successives, de traditions vivaces, de nombreuses structures culturelles et d’une dense vie associative, la ville s’est engagée aux côtés de Montpellier dans une candidature de territoire au titre de Capitale européenne de la culture. Jeanne Corporon-Delpont, maire-adjointe à la culture, décrit un dynamisme culturel et créatif en plein essor qui accorde notamment une place particulière au cinéma car, dès le muet, Sète a été un lieu privilégié de tournages.

Quelles les motivations vous ont-elles conduite à vous engager en politique ?

C’est mon premier mandat. Au départ, la politique me paraissait très éloignée. Mais j’ai vu la ville changer, avec un nouveau souffle, de nouvelles ambitions, et j’ai eu envie de participer à une équipe municipale composée de personnes venues d’horizons très différents, d’un peu tous bords, avec un maire sans étiquette.

Je dois préciser que j’ai eu la chance, toute jeune, de baigner dans un environnement culturel. Mon père, directeur des affaires culturelles à Sète, était un ami intime de Georges Brassens. Entre 1977 et 1986 je n’étais plus sur Sète ; une fois revenue, j’ai fait la connaissance de celui qui allait devenir mon époux, le vidéaste de la Ville, et j’ai bénéficié à nouveau d’une vision de la culture de l’intérieur d’une ville qui, en 2001, a amorcé un grand virage vers l’avenir. Mais je n’étais pas disponible pour m’investir comme je l’entendais. En 2020, tous les astres étaient alignés et ma perception que la municipalité portait une vraie politique culturelle ambitieuse en a été confortée, ce qui m’a d’autant plus donné envie, en tant que Sétoise mais aussi comédienne, d’apporter ma petite pierre et d’accompagner les projets culturels. Et c’est un grand bonheur que d’être adjointe à la culture de Sète. Tant de choses se font, aussi bien dans l’atelier d’un artisan que lors d’une grande exposition au musée Paul Valéry… Je suis bien souvent émerveillée !

Comment décririez-vous votre territoire ?

La ville de Sète est particulièrement dynamique d’un triple point de vue économique, culturel et social : une ville touristique mais qui vit toute l’année, avec notamment son port de pêche et de commerce. Donc une cité très vivante, avec une forte identité. D’un point de vue démographique, la sociologie de la ville est particulièrement mélangée, avec des pêcheurs ainsi que beaucoup de jeunes citadins désireux de s’installer dans une petite ville – un phénomène qu’a notamment amplifié la crise sanitaire. Ces nouveaux habitants créent une véritable dynamique.

Historiquement, beaucoup d’Italiens sont venus à Sète, puis des Pieds-noirs issus d’Algérie, des Espagnols et de nombreux Catalans, sans compter qu’au 19e siècle, des Suisses se sont aussi installés pour créer des entreprises de négoce. D’où une riche mixité sociale, avec de nombreuses traditions toujours vivaces, part importante de notre patrimoine immatériel.

Enfin, pour ce qui est de la culture, Sète à la chance d’être la ville d’artistes célèbres, et dans tous les domaines, Georges Brassens, Paul Valéry et Manitas de Plata… Ce passé, que nous mettons à l’honneur, nourrit aussi notre identité.

Convention de généralisation de l’EAC : fresque de danse par les élèves de l’école Paul Bert

Est-il difficile de défendre les enjeux culturels au sein du conseil municipal ?

Parfois, quand il s’agit d’installer des œuvres d’art au sein de la ville – ce à quoi est très attaché notre maire –, on rencontre des réticences de la part de l’opposition. Mais sinon la culture a toujours été au centre des projets politiques de la municipalité. Elle représente environ 20% du budget global de la ville. Et, en tant qu’adjointe à la culture, je bénéficie d’une grande écoute. J’ai beaucoup de chance !

Quel est le rôle politique, social joue la culture ?

La culture, omniprésente, contribue avant tout à l’attractivité de la ville mais elle fait également partie de son ADN. Chacun se l’approprie. Le foisonnement artistique, nourri par la mixité des populations, a toujours été présent. Une culture ouverte, inclusive. Ajoutons que les arts plastiques ont toujours eu une place particulièrement importante car ils permettent, grâce à la mise à disposition d’ateliers collectifs d’artistes, de soutenir la création, avec aujourd’hui une vingtaine d’ateliers pour une cinquantaine artistes. Pendant la pandémie de Covid, dont ont beaucoup souffert les artistes tous domaines confondus, la Ville a fait l’acquisition de 48 œuvres de créateurs sétois. Nous sommes là, à leurs côtés, car nous savons que la culture est le fondement d’une société équilibrée.

Exposition Olivier Rosello à l’Espace Georges Brassens

Et la vie associative ?

Nous avons un tissu associatif dense. Presqu’une centaine d’associations culturelles. Ce sont des gens de tous niveaux qui proposent des animations, des événements, des projets que nous accompagnons. La culture n’est pas quelque chose de fermé. C’est une dimension au contraire très ouverte.

Les principaux axes de votre politique culturelle ?

J’ai déjà évoqué le soutien à la création. Mais pour nous, nous considérons la culture surtout un outil d’attractivité et de développement touristique, qui rejaillit sur l’économie et l’emploi. L’épanouissement des citoyens constitue l’autre grand axe de notre politique ainsi que le lien social, comme en témoigne récemment la comédie musicale Reuss, qui donnera lieu à un tournage, réalisée avec les jeunes du quartier dit « difficile » du Thau.

Plus ponctuellement, nous travaillons actuellement, aux côtés de Montpellier, au label Capitale européenne de la culture pour 2028 – une candidature de territoire portée par 145 communes et pour lequel nous sommes finalistes. Dans cette perspective, la culture permet de développer les liens, ce qui est très important dans un moment marqué par la montée de l’individualisme. Par ailleurs, traditionnellement, Montpellier tenait un peu vedette… Maintenant nous travaillons ensemble et Sète pèse lourd dans cette candidature, que nous n’aurions pas pu assumer seuls, car nous apportons une sorte de panier culturel.

Musée Paul Valéry : vernissage de l’exposition Thomas Verny, 2023

Menez-vous une politique en faveur du cinéma ?

Le cinéma fait partie de ma délégation. Sète a accueilli des tournages dès 1929, notamment du réalisateur Jean Gourguet. Depuis, plus de cent films ont été tournés à Sète. Pour les 350 ans de la ville, qui seront célébrés fin septembre, nous allons donner des projections de ce patrimoine cinématographique. Il faut bien sûr aussi citer la série Demain nous appartient. Elle a été une véritable aubaine pour l’économie locale, avec l’organisation d’un “ciné-tours” dans la ville, la création d’une boutique sur les lieux de tournage des premiers épisodes, l’embauche de comédiens, de techniciens, de figurants, la mobilisation d’ateliers de décors…

La mairie s’est également engagée dans un partenariat entre la production, les établissements scolaires de la région et l’école de cinéma Travelling, basée à Montpellier, qui a ouvert une antenne à Sète. Par exemple, pour les vacances de Pâques, des stages gratuits y ont été organisés pour les jeunes de 14 à 18 ans. Notre ambition est aujourd’hui de ne plus être simplement un décor mais de former aux métiers du cinéma.

Sète est une ville du 7e art. Nous avons un Bureau du cinéma, pour accueillir et aider les tournages. Il y a aussi deux salles, à un moment en péril ; pour garder ces cinémas en centre-ville, la municipalité a fait l’acquisition des murs et les a confiés en gérance à une société. Nous avons également un festival de cinéma, l’été, dont l’une des particularités consiste en des projections gratuites sur la plage.

Concert d’Omar Sosa au Théâtre de la Mer

Sur quels ressources culturels la mairie s’appuie-t-elle particulièrement ?

Depuis peu sur le conservatoire à rayonnement intercommunal Manitas de Plata, qui propose notamment des cours de musiques traditionnelles avec hautbois et tambours. Nous avons également plusieurs institutions muséales, le musée international des Arts modestes (MIAM), le musée de la Mer, le grand musée Paul Valéry, mais aussi la scène nationale ainsi que l’Espace Georges Brassens – qui ne désemplit pas depuis trente ans… Le patrimoine immatériel, avec la Fête des pêcheurs en juillet et la Fête Saint Louis au mois d’août, fait également partie de nos principaux atouts culturels. C’est aussi de la culture ; les barrières entre arts et expressions populaires n’ont à mon sens pas lieu d’être.

Et la culture, également vecteur fédérateur, n’est pas en reste lors du grand rassemblement des plus grands voiliers du monde qui a lieu tous les deux ans : escale à Sète, où le public arrive de partout, de France et d’ailleurs, en famille, pour célébrer chez nous le patrimoine maritime.

Enfin, il faut mentionner les festivals. Sète en accueille une quinzaine illustrant toutes les expressions artistiques : arts de la rue, littérature, poésie, musiques du monde, bande dessinée, chanson française, jazz, rap, musique techno, photo… Tous ces festivals – et notamment la programmation estivale du prestigieux Théâtre de la Mer, qui accueille aussi beaucoup de touristes – sont portés par des associations que la municipalité accompagne et aide.

Vos liens avec les autres institutions politiques ?

Je suis élue à l’Agglomération. Les rapports avec la Ville sont complémentaires, Sète étant la ville-centre et la compétence culture portée par la municipalité. Quant au Département et à la Régions, la candidature à Capitale européenne de la culture permet d’intensifier la collaboration.

J’ai un idéal pour Sète : que la culture contemporaine s’appuie aussi sur la tradition. Un exemple. Le plasticien Jean-Michel Othoniel va créer une fontaine qui combinera la couleur rouge des glaïeuls jetés à partir des bateaux lors de la cérémonie de la Fête des Pêcheurs et le bleu de la mer : ici la tradition servira la créativité de l’artiste sculpteur. Il faut certes avancer, inventer, mais la tradition est là !

Quel serait votre idéal de vie culturelle à Sète ?

Ce serait de poursuivre et amplifier la dynamique aujourd’hui à l’œuvre, de toujours rester à l’écoute des artistes, d’être en quelque sorte leur écho, et de permettre à tout le monde de s’exprimer. Mais j’ai un autre idéal pour Sète, une idée à laquelle je tiens beaucoup : que la culture contemporaine s’appuie aussi sur la tradition. Un exemple. Le plasticien Jean-Michel Othoniel, d’origine sétoise, va créer une fontaine que nous allons bientôt inaugurer. Elle combinera la couleur rouge des glaïeuls jetés à partir des bateaux lors de la cérémonie de la Fête des Pêcheurs et le bleu de la mer : ici la tradition servira la créativité de l’artiste sculpteur. Il faut certes avancer, inventer, mais la tradition est là !

Qu’en attendez-vous de la FNCC ?

Pour moi, la FNCC est un espace de rencontre et de débat, d’accès à la formation et à l’information. Plus politiquement, surtout dans cette époque de repli sur soi, de retour en arrière et de certaines dérives populistes, ce qui est écrit dans sa charte, notamment quant à l’importance de porter des réponses audacieuses et positives aux problématiques contemporaines, m’a interpellée. Pour cela, la culture joue un rôle essentiel. Et Sète, avec son passé de terre d’accueil, son ouverture sur le monde, son foisonnement culturel ainsi que, aujourd’hui, sa candidature au label Capitale européenne de la culture, a pleinement sa place au sein de cette instance.

Tournage du feuilleton télévisé Demain nous appartient, 2020

Propos recueillis par Vincent Rouillon


Télécharger le pdf