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Pour une autre approche des budgets culture

Par 29 septembre 2022mars 16th, 2023Aucun commentaire

Alors que les collectivités sont aux prises avec la construction de leurs budgets 2023 dans un contexte de fortes contraintes notamment liées à l’inflation et à la hausse du coût de l’énergie, la FNCC proposait à ses adhérents, le 21 septembre à la mairie du 20e arrondissement de Paris à l’invitation du maire Eric Pliez, un séminaire sur leur préparation. Comment les présenter ? Comment argumenter en faveur de la nécessité de la dépense culturelle ?

Compétence non obligatoire, la culture risque de ne pas sortir indemne des arbitrages budgétaires pour l’année 2023. Des économies semblent en effet inévitables, tant l’équation budgétaire sera difficile à résoudre. Pour autant, les collectivités sont toutes aujourd’hui convaincues de la nécessité de développer la dimension culturelle de leur action et de la transversalité de ses enjeux qui croisent tant le social que l’éducation, l’urbanisme, l’économie ou le tourisme.

Point de départ : au lieu, comme c’est l’usage et selon la norme en cours des règles comptables, de présenter les dépenses culturelles par « lignes » liées aux différents équipements, actions ou événements artistiques et culturels, ne serait-il pas plus politiquement convaincant de les inscrire dans les objectifs généraux du projet politique, par exemple sous l’angle de la contribution au développement du lien social ?

Selon le point de vue d’un technicien, une argumentation budgétaire efficace suppose d’une part une « lettre de cadrage » s’appliquant à l’ensemble des délégations et, d’autre part, une attitude de solidarité des élus à la culture avec celles et ceux des autres délégations :

  • être en empathie avec les points de vue de chacun, et tout particulièrement avec celui de l’adjoint aux finances : un budget est la transcription financière d’un projet politique global et partagé ;
  • travailler à une relation de confiance à la fois entre élus et avec les services ;
  • ne pas s’arcbouter sur un a priori quant à l’importance singulière de la culture par rapport aux autres champs de l’action publique locale mais, au contraire, identifier à la fois l’apport de la culture à l’ensemble des objectifs politiques et le sens culturel des autres secteurs de l’action publique.

La conjugaison de ces trois attitudes permet de dépasser l’isolement que peut générer une défense trop exclusive de la culture et d’être une force de proposition au bénéfice du service public considéré dans toute son extension. Alors, les décisions seront celles de la municipalité et non de l’adjoint.

Au-delà de l’exception culturelle. Techniquement, il s’avèrerait donc plus signifiant de présenter les budgets selon une approche par programmes, par exemple celui du développement de l’art urbain et de la culture dans l’espace public, lequel croise les dimensions de la culture, du scolaire, du tourisme, de l’économie… Certes, une telle présentation, qui s’apparente au principe de la loi organique relative aux lois de finances/LOLF (août 2001) et des budgets opérationnels de programme (BOP) qui s’impose à l’Etat, suppose une révolution administrative qui ne peut s’envisager qu’à moyen ou long terme. Mais, par la transversalité inhérente de leur délégation et à condition d’adopter une attitude faite d’écoute, d’empathie et d’humilité, les adjoints à la culture peuvent être ici précurseurs et incitateurs.

On constate aujourd’hui que la notion d’exception culturelle est parfois dangereuse, destructrice. Elle bloque les élus des autres délégations et met en difficulté le DGS. Faut-il renoncer à la conviction quant à l’importance particulière des enjeux culturels ? Les échanges ont développé une philosophie un peu différente en considérant que l’exception culturelle est légitime mais qu’elle n’est pas l’apanage de la délégation culture. Une philosophie qui est finalement la formalisation de la nécessaire solidarité des équipes municipales face aux défis d’aujourd’hui – budgétaires mais aussi numériques, environnementaux ou de démocratie –, lesquels traversent l’ensemble des champs des politiques publiques. Le séminaire a été marqué par un grand nombre de propos allant en ce sens :

  • « Pour quoi mène-t-on une politique culturelle ? Tous les services font de la culture : le social, l’urbanisme, etc. Il faut agir ensemble. L’approche globale n’est pas un choix mais une nécessité. Il faut que nous travaillions tous, élus et services, en mode projet. »
  • « Un budget, c’est du sens. Et les politiques culturelles ont du sens au niveau global. Dans le même temps, c’est un budget comme les autres. Donc ne pas recourir à l’idée d’exception culturelle même si les milieux culturels ne l’acceptent pas forcément bien. Partir du sens comporte un grand avantage : on peut agir culturellement au travers de l’éducation, du commerce, du tourisme, etc., avec une véritable dynamique globale. »
  • « Si on se revendique d’une « exception », on devient en effet une cible. En revanche, si l’on montre qu’on participe à un objectif de service public plus large, alors on peut travailler de manière solidaire. A mon sens, revendiquer l’exception culturelle est un mauvais chemin. »
  • « Pour défendre le budget à la culture, on a pensé, à un moment, plaider « l’exception culturelle ». Avec ce risque : que les collègues demandent pourquoi, à quel titre ?  
  • « On est tous « dans le même bateau ». Pour faire face aux exigences budgétaires et être en mesure de répondre aux remarques et critiques, il faut produire du sens et sortir de nos silos respectifs pour dégager des priorités, en cohérence avec le programme politique. »

En conclusion, le président de la FNCC cite une note adressée en 1982 par Jack Lang, alors ministre de la Culture, à son Premier ministre Pierre Mauroy : « Vous m’avez demandé de vous proposer des économies permettant de gager une partie des mesures nouvelles. » Le texte souligne ensuite le caractère indispensable des mesures nouvelles prévues. Et conclut : « Dans ces conditions, je ne vois pas quelles économies je pourrais proposer sauf à imaginer de fermer les théâtres, les maisons de la culture, les musées, alors que la question qui se pose est au contraire de les ouvrir plus largement. » Certes, les « ouvrir plus largement » demeure une priorité, mais une priorité politique et non seulement culturelle.