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Echos des tables-rondes du Salon des maires 2023 : les budgets culture

Par 24 novembre 2023novembre 30th, 2023Aucun commentaire

Le sujet était proprement psychologique : les études statistiques montrent que l’effort budgétaire des collectivités pour la culture s’avère stable, voire en légère hausse, mais que le ressenti des acteurs de la culture est à l’inquiétude. Quelle est la réalité : les faits ? Où le ressenti des faits ? Et pourquoi ce décalage ? Un décalage d’autant plus signifiant que l’Etat et les collectivités territoriales sont au cœur de l’intervention culturelle publique, rappelle le président de la FNCC, qui animait la table-ronde. Et d’autant plus troublant que le sentiment d’inquiétude exprimé par les acteurs de la culture ne correspond pas au vécu des élus dont Isabelle Vincent, vice-présidente de la FNCC et maire-adjointe de Chartres, rappelle la mission : assurer l’équilibre dans le soutien à la culture et la défense des budgets culturels en faisant confiance aux territoires dans leurs spécificités et à leurs acteurs.

Les raisons multiples d’une inquiétude légitime. Pour Cédric Delvainquières, chercheur au Département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS) du ministère de la Culture, le décalage entre la réalité (chiffrée, objective) et son ressenti (vécu et subjectif) tient d’abord en ce que, par définition, les statistiques expriment une vision rétrospective puisque fondée sur des données consignées, donc passées, alors que le ressenti est prospectif : de quoi sera fait l’avenir ?

L’autre matrice de l’inadéquation s’explique par la nature même du matériau statistique : il est abstrait, général et exprimé en moyenne, donc aveugle aux contextes particuliers, aux expériences personnelles. La liste est longue des distorsions pour ainsi dire méthodologiques entre chiffres et sentiments. Elles dépendent à la fois des situations personnelles, des différences entre territoires, des cas singuliers, de la position des acteurs dans le “paysage” culturel, des choix d’affectation des crédits… Soit un ensemble de données réelles qui échappent à l’analyse statistique.

A cela s’ajoutent les biais inévitables qu’exigent la rigueur scientifique : un panel représentatif (ce qui, en l’occurrence, n’est pas le cas car les données comptables statistiquement exploitables ne permettent de prendre en compte que les communes de plus de 3 500 habitants), des pourcentages exprimés en moyennes, les nécessaire “redressements” des chiffres opérés a postériori (par exemple pour prendre en compte les dépenses de personnel culturel difficilement lisibles dans les documents budgétaires des collectivités). Et enfin l’inflation, qui corrige une hausse des chiffres en une stagnation effective des moyens ou une stabilité en baisse des marges de manœuvre pour les acteurs et institutions culturelles.

Un monde culturel déstabilisé. L’éclairage donné par Guy Saez, ancien chercheur au CNRS, se fonde sur le temps long et sur des mutations en profondeur de modalités d’action des politiques culturelles. Des évolutions par essence extérieures à la focale ponctuelle et chiffrable des statistiques budgétaires mais structurellement déstabilisantes pour des professions fortement tributaires du politique.

  • Les chiffres ne disent rien sur d’éventuels changements de modèle de l’action culturelle publique et de leurs conséquences pour les acteurs.
  • Les conditionnements dans l’attribution des aides ont tendance à se multiplier : critères écologiques, de genre, de participation des publics, de conditions sanitaires, etc. Toutes ces conditionnalités des financements peuvent prendre de court les acteurs et générer une forte déstabilisation.
  • Un hyper-instrumentalisation consistant à mettre la culture au service de politiques autres que celles dédiées en propre à la culture et aux arts, à l’instar de l’Union européenne qui instille des dispositifs culturels dans des objectifs politiques plus larges, par exemple ceux de l’emploi.

Le monde de la culture est certes habitué à l’instrumentalisation “classique” de la culture (pour favoriser le lien social, pour contribuer à l’attractivité des territoires, pour générer des retombées économiques directes et indirectes, etc.). Ces effets induits de l’activité culturelle, souvent même revendiqués par les acteurs pour légitimer aux yeux du politique le versement de subventions, contribuent de fait à la reconnaissance de l’importance des enjeux culturels. En revanche, les effets de “l’hyper-instrumentalisation”, eux, atteignent le cœur même des métiers des arts et de la culture en effrangeant les contours de ce qu’est une politique spécifiquement culturelle. L’autonomie des politiques culturelles semble ainsi menacée en elle-même.  Guy Saez ajoute que la séparation entre les secteurs de l’action politique participe de la séparation des pouvoirs qui est au fondement de la démocratie. Or, l’autonomie de celui de la culture est remise en cause. D’où un sentiment d’instabilité, terreau propice à une inquiétude grandissante.

En conclusion, Frédéric Hocquard apporte un élément supplémentaire à l’explication des raisons du décalage entre réalité des chiffres et ressenti : les besoins, également absents des statistiques. Un exemple : s’il n’y a pas de baisse de plancher du financement des scènes de musiques actuelles (Smac) par l’Etat, en revanche le besoin de sa hausse est vif car le public n’est pas entièrement revenu après la crise sanitaire. La stabilité des budgets ne compense pas la baisse des recettes. Ou, plus généralement, le passé n’éclaire l’avenir qu’à long terme. Or on vit dans le présent.


Rendez-vous le mardi 21 novembre 15h00 à 15h30 // Espace Culture – Pavillon 6, pour un temps d’échange sur :

Budgets culturels des collectivités : entre réalité et ressenti

Les professionnels multiplient les alertes sur la fragilité actuelle et plus encore à venir des financements publics des arts et de la culture. Pourtant l’Observatoire des politiques culturelles rendait public, le 14 juillet à Avignon, des données statistiques (recueillies auprès des responsables culturels de 180 collectivités : communes/EPCI de plus de 50 000 habitants, départements et régions) – qui prolongent et corroborent celle du Département des études, de la prospective et des statistiques du ministère sur les années 2015-2020 – soulignant une stabilité des budgets culture des collectivités territoriales. Qu’en est-il réellement ? Que dit cet écart entre réalité et ressenti sur les modalités de l’engagement culturel des collectivités ?

Avec :

  • Frédéric Hocquard, président de la FNCC (modérateur)
  • Jean-Cédric Delvainquiere, Département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation (DEPS)
  • Guy Saez, ancien directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
  • Isabelle Vincent, vice-présidente de la FNCC, maire adjointe à la culture de Chartres

Attention : inscription et badge nécessaires pour entrer au Salon des maires et des collectivités locales.

Inscriptions et informations pratiques pour préparer sa venue au Salon des maires et des collectivités locales via le lien : https://www.salondesmaires.com/

(image ©OPC)