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ActualitésQuestions territoriales

Cartographie des festivals

Par 17 février 2023février 20th, 2023Aucun commentaire

La crise sanitaire a non seulement démontré l’importance des festivals pour la vie des territoires ainsi que la fragilité de nombre d’entre eux mais surtout, quand il s’est agi de construire un plan d’aide en leur faveur, leur absence de définition et donc de visibilité. D’où la décision du ministère de la Culture d’organiser des d’Etats généraux des festivals dont l’un des axes était d’en établir la cartographie. Un projet aujourd’hui réalisé grâce au travail conjoint de France Festivals, du Centre d’études politiques et sociales (Cepel) et du Département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS) du ministère. Avec une conclusion majeure : « L’offre festivalière repose souvent sur un réseau d’acteurs et d’établissements culturels qui œuvrent toute l’année. La dynamique festivalière est donc tout à la fois éphémère et durable, car complémentaire d’une irrigation culturelle territoriale inscrite dans la permanence. »

Objet et objectifs. D’abord établir une définition, en l’occurrence négative, apte à  recouvrir l’extrême diversité de la vie festivalière : pour l’étude, un festival c’est une manifestation éphémère qui a connu au moins deux éditions d’au moins deux jours présentant au moins cinq propositions artistiques, quelles qu’en soient les disciplines : musique, théâtre danse, cinéma, littérature, arts de la rue, etc. A cette aune, l’étude en décompte près de 7 300. Elle précise que ce grand nombre recouvre près de 50% de festivals créés il y a moins de dix ans, ce qu’explique une tendance politique nationale, reprise et amplifiée par les collectivités territoriales : la mise à l’honneur, à partir de la nomination de Jack Lang à la direction du ministère de la Culture (1981), des événements à la fois culturels et festifs.

Méthodologiquement, la cartographie explore, à l’échelle régionale puis départementale, la saison festivalière 2019 (ou 2018 pour les biennales), une année désormais « de référence », juste avant la crise sanitaire. Quelques données.

1. Densité de l’offre festivalière régionale 2. rapportée à la population

Implantation territoriale et géo-saisonnalité. Les festivals sont naturellement associés aux vacances et à la saison estivale (38% entre le 21 juin et le 5 septembre), mais aussi au sud de la France. L’héliotropisme, caractéristique la plus saillante des festivals, bénéficie ainsi aux régions Auvergne-Rhône-Alpes, Région Sud, Occitanie et Nouvelle Aquitaine (50% des festivals). Mais si on considère leur implantation régionale rapportée aux densités de populations, la Corse et la Région Sud arrivent en tête (respectivement 20 et 19 festivals pour 100 000 habitants), ce qui vient « confirmer l’influence héliotropique ».

La même remarque vaut quant à la comparaison entre territoires urbains et ruraux : si les départements urbains sont les mieux lotis en nombre de manifestations, rapportée à la densité de population, les départements ruraux présentent une offre supérieure. Mais là encore, l’héliotropisme joue fortement. Ce n’est pas dans la Meuse ou le Jura que le ratio offre festivalière/habitants est le plus élevé mais – avec des exceptions, notamment en Bretagne – en Lozère, dans le Lot, l’Ariège ou les Alpes-de-Haute-Provence.

Alerte. Avec le dérèglement climatique et la multiplication des périodes d’intense chaleur, cette « géo-saisonnalité » compromet l’avenir des festivals programmés l’été dans le sud.

L’avant-saison ou arrière-saison (estivale) ont cependant tendance à se remplir davantage (35% des festivals), essentiellement pour des raisons de saturation des mois d’été mais aussi, explique l’étude, parce que les liens entre acteurs locaux pérennes (conservatoires, médiathèques, organismes sociaux et éducatifs) se multiplient et qu’ils se développe plus aisément hors congés d’été. Quoi qu’il en soi, ces « nouveaux temps de la festivalisation » présentent l’avantage de s’appuyer plus fortement sur les publics locaux que les festivals d’été, plus dépendants des flux touristiques.

Jeunesse et renouvellement. Certes se sont les plus célèbres – Chorégies d’Orange (nées en 1869), Festival de Cannes (1939), Festival d’Avignon (1947), Rencontres de la photographie à Arles (1970), –, mais ils ne sont que 3% des festivals à avoir été créés avant 1980. Plus encore, les trois-quarts d’entre eux sont nés dans les années 2000 et la moitié dans les 10 dernières années. Alors que l’essor des plus anciens était notamment lié à la décentralisation théâtrale dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, le foisonnement actuel est la conséquence de deux facteurs d’ordre socio-politique : d’une part, l’élargissement des esthétiques, avec la mise à l’honneur des musiques actuelles et, dans le domaine du spectacle vivant, des arts de la rue et, d’autre part, l’extension du champ des disciplines, avec le cinéma, la littérature ou les arts visuels.

Concentré sur l’observation d’une seule année d’existence des festivals, l’étude ne présente pas de chiffres pour illustrer les tendances de création ou de disparitions de festivals. Ses auteurs – Edwige Millery, Emmanuel Négrier et Stéphane Coursière –  indiquent cependant que le dynamisme de 2019 laisse supposer en creux « qu’il se crée, même dans un contexte aussi morose que l’actuel, des dizaines de nouveaux festivals ». Mais « nous savons trop peu de choses sur les dynamiques de création de festivals, ce qui les motive, et sur celles et ceux qui les incarnent. Nous ne savons presque rien sur ces événements qui ont quitté la scène, et les raisons de leur disparition. » Un gage de travaux à venir…

Discipline dominante des festivals

Domination musicale. Depuis les années 80, la part des festivals musicaux s’accroît (44% à l’échelle nationale, 53% en Bretagne, 57% en Centre-Val de Loire). Une exception cependant, les festivals de spectacle vivant sont dominants en Martinique et à Mayotte.

Alerte. Ici, dans un domaine où pèsent de lourds intérêts de l’industrie du divertissement, les phénomènes de concentration économique, qui ont tendance à s’accroître, menacent la diversité de la création musicale et, partant, l’emploi dans des esthétiques musicales à moindre audience.

Pour les autres disciplines, leur proportion dans la vie festivalière globale s’échelonne de 22% pour le spectacle vivant (théâtre, danse, arts de la rue, arts du cirque, marionnettes), à 12% pour le livre et la littérature, 9% pour le cinéma, 6% pour le festivals pluridisciplinaires et 5% pour les arts visuels. A noter qu’en lien avec les institutions et des équipes permanentes, les départements des Alpes-de-Haute-Provence, du Cantal, de la Drôme, du Lot-et-Garonne, de Haute-Loire et de la Haute-Vienne se sont fait une spécialité des festivals littéraires.

Le risque de la banalisation. Les auteurs de l’étude concluent sur l’avenir des festivals. Ils se multiplient au point de faire de leur décompte un défi et au risque d’une certaine banalisation, s’éloignant du principe d’un moment d’exceptionnalité tel qu’a pu l’incarner l’historique Festival de Bayreuth (citation de Wagner : « Une œuvre exceptionnelle dans un lieu exceptionnel pour un moment exceptionnel »). Un pessimisme qui contraste cependant avec le sous-titre de l’étude : les festivals, « entre l’éphémère et le permanent, une dynamique culturelle territoriale ». Alerte : la “festivalisation” de la culture, dans laquelle les auteurs voient « une transformation anthropologique du rapport à la culture », ne se prolongera que « sous réserve de maintien d’un environnement politique, économique et social favorable ».


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Cartographie nationale des festivals : entre l’éphémère et le permanent, une dynamique culturelle territoriale