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Centre national de la musique, vote définitif

Par 14 octobre 2019Aucun commentaire

Le 17 septembre 2019, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur le texte de la proposition créant le Centre national de la musique. Le texte de loi a été adopté par les députés le lendemain, dans une atmosphère de fort consensus mais non sans soulever quelques points de vigilance.

Le texte définitif instaurant le CNM – qui devrait être opérationnel au 1er janvier 2020 – prend en compte plusieurs modifications apportées par le Sénat. Cette coopération fertile entre parlementaires des deux chambres a été saluée par les presque cent députés présents pour le vote définitif (compte-rendu de la séance du 18 septembre 2019). Avec cependant quelques inquiétudes et regrets. Extraits de propos tenus par les orateurs des différents groupes politiques.

Attention à l’agenciarisation. Ouvrant la séance, le député (GDR) des Bouches-du-Rhône Pierre Dharréville met en garde : « Le CNM ne doit pas être synonyme d’affaiblissement du service public. Il ne peut non plus, en aucun cas, se construire au détriment de l’action du ministère de la Culture. L’Etat n’a eu de cesse, au cours des dernières années, de se décharger de ses missions sur des opérateurs. » Il regrette aussi que la loi « semble ne se concentrer que sur le volet économique de la musique, pensé sur le mode néolibéral de la concurrence », au détriment « des musiques qui, n’entrant pas dans les standards commerciaux dominants, sont le fait d’associations, de groupes ou d’artistes n’ayant pour autre ambition que la pratique et le partage de leur art ». Son groupe s’abstiendra.

Un texte nécessaire pour l’industrie musicale. Tout au contraire, la députée (LREM) des Hauts-de-Seine Florence Provendier se félicite « d’un signal positif majeur pour l’avenir de la deuxième industrie culturelle de notre pays, qui ne serait pas ce qu’elle est sans le talent des artistes, des éditeurs, des agents, des managers, des organismes de gestion collective, des associations professionnelles ou, plus généralement, de toutes celles et ceux qui prennent des risques, investissent et défendent notre exception culturelle ». Car des menaces pèsent. Si, au premier trimestre 2019, 80% des ventes et des écoutes en streaming se sont portées sur des artistes produits en France, « l’écosystème musical demeure fragile, étant soumis à une forte concurrence et à des risques de concentration des acteurs. Le CNM aura un rôle déterminant à jouer pour préserver l’indépendance du secteur, sa vitalité, son innovation et sa créativité. »

Quid du moteur ? C’est par cette comparaison avec l’industrie automobile que la députée (LR) de Paris Brigitte Kuster exprime ses craintes : « S’agissant de la carrosserie, le CNM a déjà fière allure : il fait l’objet d’un large consensus parmi les professionnels. Ainsi, le CNM est, du moins en apparence, taillé pour relever les défis considérables qui se présentent à lui. Concernant le moteur en revanche, les incertitudes sont encore nombreuses. » La première d’entre elle étant l’argent. « Il n’y a pas de secret : pour réussir, il faut investir, le plus souvent d’ailleurs sans la moindre garantie. Le soutien à l’investissement des entreprises est donc l’une des priorités, sinon la principale, du futur CNM. » D’où son regret que le Gouvernement ait refusé la proposition d’attribuer au CNM une fraction de la taxe dite “Copé” sur les télécoms. « Cette mesure aurait pourtant permis de pérenniser le financement du Centre et d’éviter qu’à chaque loi de finances, le secteur ne soit suspendu aux arbitrages de Bercy. » Quoi qu’il en soit le groupe LR veillera au financement nécessaire lors de l’examen du projet de loi de finances 2020.

L’outil d’une politique ambitieuse de l’Etat. « Fermez les yeux, imaginez-vous deux minutes dans une guinguette des bords de Marne ou écoutant un jazz savoureux… », suggère la députée (Modem) du Val-de-Marne Maud Petit, « et vous verrez que nous partageons toutes et tous ce constat : le Centre national de la musique sera un outil de convergence et d’intelligence collective pour accompagner la progression du secteur ». A ses yeux, ce nouvel établissement public défendra l’intérêt général en complémentarité avec le ministère de la Culture et ses services déconcentrés. Il « sera le garant d’une politique publique de la musique, ambitieuse et puissante, qui irriguera en outre l’ensemble du territoire, de l’Hexagone aux outre-mer ».

L’ombre des GAFA. La députée (PS) du Tarn-et-Garonne Valérie Rabault apporte également son plein soutien quoique de manière plus modérée. Elle rappelle les enjeux. Tout d’abord la défense du droit d’auteur, laquelle ne va pas de soi à en juger des difficultés qu’a connues le Parlement européen pour obtenir l’accord permettant la reconnaissance d’un véritable droit d’auteur. Mais aussi celle d’une répartition plus équitable de la valeur entre le “contenu” (la création) et le “contenant” (les opérateurs d’Internet). « Nous l’avons tous dit de manière unanime, cette répartition est actuellement très déséquilibrée au profit des contenants, et non des contenus. » Enfin, le défi « des algorithmes divers et variés qui orientent l’écoute des utilisateurs. Ils reposent sur l’utilisation de données qui ne sont pas, aujourd’hui, facturées aux plateformes » dont la puissance est la raison d’être de la nouvelle structuration du secteur de la musique que concrétise le CNM. Reste deux inconnues : les moyens et la composition de la gouvernance du Centre. Quelle place notamment pour les entrepreneurs de spectacles ?

Le lien avec les territoires. Le député (UDI et Indépendants) Pierre-Yves Bournazel met tout d’abord en avant diverses inquiétudes de son groupe, dont celles sur les modalités de la fusion des associations (CNV, Burex, FCM, Irma et Calif) et sur l’articulation du CNM avec les collectivités. La coopération des deux chambres a permis d’y répondre. Grâce au Sénat, « plusieurs dispositions ont été adoptées permettant de tisser des liens entre le CNM et les territoires. Il est indispensable d’inclure les territoires dans cette réforme, afin que ceux-ci participent pleinement aux politiques culturelles et appliquent du mieux possible leur déclinaison territoire par territoire. »

Au service de l’écosystème musical français. Au nom du groupe Libertés et territoires, le député des Français établis hors de France M’jid El Guerrab dit son enthousiasme et rappelle trois principes. D’une part, « il faut avant tout reconnaître la diversité intrinsèque de notre écosystème musical », d’autre part promouvoir le rayonnement culturel de la France et de la langue française. Et enfin affirmer « la nécessaire ambition de notre politique territoriale culturelle » au travers de partenariats avec les collectivités et les acteurs locaux : « Le regroupement des actions en un centre unique ne doit pas être synonyme de concentration. Les déserts culturels sont malheureusement trop nombreux en France : le CNM doit permettre d’offrir un égal accès à la musique à tous les citoyens, partout sur le territoire. » Lui aussi remercie le Sénat d’avoir renforcé la mission de développement territorial du CNM, « notamment en offrant aux collectivités territoriales la possibilité d’intégrer le conseil professionnel ».

Une digue contre la marchandisation de la musique. Dernier intervenant, le député (FI) de l’Ariège Michel Larive convient que son groupe « s’accorde sur la nécessité d’une telle proposition de loi », laquelle « fait écho » à l’une des propositions de la France insoumise. Pour autant, son enthousiasme reste modéré. Il craint également « l’externalisation des missions du ministère de la Culture, ce dernier étant suffisamment affaibli, avec des moyens en perpétuelle diminution » et s’interroge sur la capacité du futur CNM à « garantir aux musiciennes et aux musiciens la possibilité de créer dans les meilleures conditions et vivre correctement de leur art. La paupérisation touche de plus en plus d’acteurs du secteur musical ». Autre motif de défiance, la nomination de la présidence du Centre par décret, ce qui risque de l’empêcher de s’affranchir du pouvoir central et d’ aller « réellement dans le sens de l’intérêt général ». Puis, mettant en cause le Pass culture (« archétype de l’individualisation et de l’hyper-marchandisation de la culture »), il souligne l’impératif « d’éloigner la culture de l’emprise du marché, de la loi de la rentabilité et du règne de la finance ». Le Centre national de la musique doit en avoir l’ambition et les moyens, « quitte à froisser certains intérêts privés ».

Reconnaissance du rôle des collectivités. Les orateurs ont ainsi été plusieurs à souligner l’indispensable lien aux territoires du CNM que les sénateurs ont introduit dans le texte. La FNCC s’en félicite car elle s’était fortement mobilisée sur ce point, alertant tant les associations d’élus du CCTDC que le ministre de la Culture et les parlementaires sur le fait que l’absence de participation des collectivités à la gouvernance du CNM telle qu’envisagée dans la première version de la proposition de loi était inexplicable au vu de leur rôle majeur dans le soutien à la musique.

Vote : sur les 91 députés présents, 89 ont émis un vote favorable et 2 se sont abstenus.