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Portrait culturel de la région Centre-Val de Loire

Par 14 avril 2023Aucun commentaire

Delphine Benassy, vice-présidente déléguée à la culture et à la coopération internationale de la région Centre-Val de Loire

La région Centre-Val de Loire n’a pas été concernée par la réforme de fusion des Régions, ce qui a contribué à assurer une certaine continuité des politiques culturelles dont témoigne notamment le très grand nombre de partenariats formalisés avec les intercommunalités et les Départements. Pour Delphine Benassy, vice-présidente déléguée à la culture et à la coopération internationale, l’enjeu culturel du conseil régional est de prendre la mesure de la double nature de ses territoires, avec d’une part la Vallée de la Loire, classée Unesco et riches de plusieurs grandes agglomérations fortement dotées en ressources et équipements culturels, et, d’autre part, de grands espaces ruraux. Avec un principe cardinal : favoriser l’exercice des droits culturels dans l’ensemble de ses actions.

Quel parcours politique vous a-t-il conduit à la vice-présidence culture de la Région ?

C’est mon premier mandat. J’ai participé à une liste écologique qui avait à cœur de s’élargir à d’autres partis de gauche mais aussi à des citoyens, ce qui m’a donné la possibilité de m’engager pour la Région.

Ce mandat est-il un choix de votre part ?

Je suis fortement impliquée dans la vie associative, avec un intérêt personnel pour les enjeux artistiques et notamment celui de la possibilité d’expression et d’engagement dans la vie culturelle et artistique pour chacun. Cela recoupe la question des droits culturels : reconnaître la culture de chacun et permettre à toutes et tous la découverte de celle des autres au travers d’expériences artistiques et culturelles diversifiées.

La notion de droits culturels n’est pas toujours facile à défendre…

Pour notre part, elle constitue le socle de notre Feuille de route, adoptée en 2022, que nous avons intitulé “Culture(s) en partage”. Mais, en effet, tout le monde ne lui donne pas la même signification. Afin d’en partager une définition commune et pour pouvoir porter collectivement la volonté de favoriser l’exercice des droits culturels dans notre Région, nous allons mettre en place un groupe de travail dédié dans le cadre de la Conférence permanente de coopération pour la culture (CPCC), une instance régionale fondée en 2017 qui rassemble les acteurs culturels dans leur grande diversité et les citoyens, mais aussi les élus des collectivités infrarégionales et l’Etat.

Le projet fondé sur les droits culturels est donc en phase de démarrage…

Des moyens budgétaires spécifiques sont consacrés aux objectifs de la Feuille de route (la Région fait partie des rares collectivités à avoir légèrement augmenté son budget culture pour 2023). Cette enveloppe permet notamment de continuer à financer les “paniers culturels et solidaires”, une initiative lancée pendant la crise sanitaire pour soutenir les artistes les plus précaires et dont on mesure aujourd’hui d’autres impacts positifs comme la diffusion de petites formes dans des lieux non dédiés à la culture…

Nous avons également attribué des moyens complémentaires à un nouveau dispositif, “Cultures à partager”, visant à soutenir des initiatives de médiation culturelle innovantes dont l’objectif est de tisser des liens avec certains publics plus en marge de la vie artistique et culturelle. Au-delà de l’enjeu de l’élargissement et de la diversification des publics, sa finalité rejoint en particulier la problématique de la baisse de fréquentation des salles de spectacles et des cinémas. Il favorise aussi, dans la logique des droits culturels, la possibilité pour chacun et chacune de vivre une expérience artistique singulière.

La Feuille de route fait également référence à plusieurs enjeux plus généraux mais qui concernent également la culture : ceux de l’écologie ainsi que ceux de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. C’est ainsi que, toujours dans le cadre de la CPCC, nous avons mis en place des groupes de travail sur ces thèmes afin de trouver des réponses collectives.

Comment décririez-vous votre territoire d’un point de vue géographique, démographique ?

Dans la réforme des régions de 2015, la nôtre est restée dans son périmètre initial. Aujourd’hui nous sommes, après la Corse, la plus petite des Régions, avec un territoire peu densément peuplé (2,5 millions d’habitants). Le Centre-Val de Loire est traversé par l’axe ligérien sur lequel se concentrent ses villes principales, notamment Tours et Orléans, mais dans un ensemble géographique où la ruralité tient une place importante, avec au sud le Berry et au nord la Beauce.

Domaine de Chaumont sur Loire – ©DR

Cette particularité nous conduit à mener un politique d’aménagement du territoire visant à éviter la concentration d’équipements dans les centres urbains et à construire un maillage permettant d’assurer une présence artistique partout. D’où le dispositif, déjà ancien, de contractualisation entre les EPCI et la Région pour leur donner les moyens d’un projet artistique et culturel : les PACT – projets d’aménagement culturel des territoires. Aujourd’hui, 50 EPCI sur 80 en ont signé un. Par ailleurs, dans le cadre de ses conventions avec les six départements, la Région abonde le Fond incitatif et partenarial mis en place par le ministère de la Culture pour accompagner les communes rurales propriétaires de monuments historiques.

La Convention de Faro insiste sur la valeur pour ainsi dire subjective du patrimoine, la manière dont il structure l’identité même des personnes…

C’est exactement notre approche. Il y a les monuments historiques, dont bien sûr les châteaux de la Loire, mais aussi tout un patrimoine naturel et de proximité que nous mettons en avant car il est source de fierté pour les habitants. Tout l’enjeu consiste à ne pas concentrer les politiques d’attractivité sur la seule vallée de la Loire mais à faire découvrir les richesses de l’ensemble de nos villages et de nos campagnes.

Centre de création contemporaine Olivier Debré à Tours – ©François Tomasi

Dans cet esprit, nous avons en particulier instauré le dispositif “Création tourisme patrimoine” afin de valoriser les axes secondaires par la création artistique. Autre initiative d’envergure, “Les Nouvelles Renaissances”, dont l’objectif est de mettre en valeur une identité régionale faite de patrimoine culturel, naturel et d’art de vivre. Si sa thématique pour 2023 – “Terre de création” – fait référence à Léonard de Vinci et aux écrivains célèbres qui ont résidé dans la Région, elle souhaite aussi montrer, au travers d’ateliers d’artistes, de peintres et sculpteurs, que la Région est toujours cette terre de création.

L’échelle régionale suppose une politique de structuration d’un large territoire…

La culture étant une compétence partagée, le dialogue et le partenariat avec la DRAC et les collectivités sont au principe de notre action. C’est ainsi qu’on finance un grand nombre de structures, notamment celles labellisées par l’Etat : les deux CDN, les deux CCN, les quatre scènes nationales, les quatre Smac ainsi que les scènes conventionnées, deux centres d’art et un FRAC. Cette politique consiste aussi à promouvoir, via des aides à la création et des conventionnements avec les compagnies, un paysage artistique vivant et diversifié. La Feuille de route porte aussi une attention particulière à l’éducation artistique et culturelle, aux jeunes et à la mise en place des conditions pour qu’ils puissent développer leurs projets propres.

Le Minotaure à Vendôme – ©Boris Adamczyk

Développez-vous des politiques participatives ?

La participation s’inscrit au cœur du dispositif “Cultures à partager”, auquel seront éligibles à la fois les structures de diffusion et les compagnies. Il financera des actions dans lesquelles les personnes seront parties prenantes, aux côtés de structures partenaires hors champs culturel (sociales, médico-sociales, éducatives…).

Par exemple, pour favoriser l’exercice des droits culturels des jeunes, nous lancerons à la rentrée 2023, en même temps que la gratuité des transports le week-end pour les jeunes, un temps “portes ouvertes” dans les structures labellisées, avec une programmation spécifique à leur intention mais aussi avec des actions, déployées en amont ou en aval. L’idée est que les jeunes se sentent véritablement chez eux dans ces lieux labellisés du spectacle vivant. L’une des pistes consisterait à accompagner un petit groupe dans des choix de programmation. Entre l’ouverture des lieux culturels du spectacle vivant et cet engagement sur les mobilités – deux fortes attentes exprimées dans le cadre des Etats généraux de la jeunesse de 2022 –, ce week-end portes ouvertes sera une première pierre pour répondre aux attentes des jeunes.

Et l’enjeu de l’égalité femme/homme ?

Il s’agit d’un enjeu transversal mais pour lequel la délégation culture, qui bénéficie ici du dynamisme du collectif régional HF, s’avère pionnière, notamment dans le recueil de données chiffrées. L’une de nos perspectives serait d’expérimenter à l’échelle de la Région mais aussi à celle d’autres collectivités le principe de l’éga-conditionnalité. C’est un horizon, mais nous avons d’ores et déjà participé à la conception d’un guide des bonnes pratiques et soutenu, pour la deuxième année consécutive, le dispositif de mentorat féminin “Affranchies !”, pour accompagner de jeunes femmes dans leur parcours professionnel. Ce dispositif, porté par la plateforme “Métiers culture” qui regroupe un vaste réseau d’acteurs du spectacle vivant, des arts visuels et du cinéma, fonctionne très bien.

Tout l’enjeu de la politique culturelle régionale consiste à ne pas concentrer les politiques d’attractivité sur la seule vallée de la Loire mais à faire découvrir les richesses de l’ensemble de nos villages et de nos campagnes.

La Région soutient-elle la structuration des filières, cinéma, livre, musique… ?

Le soutien au cinéma et au livre – axe important de la politique régionale – se construit par l’action de l’agence du livre et de l’image Ciclic (en EPCC Etat/Région), qui mène un extraordinaire travail à la fois d’animation et de structuration des filières, de soutien à la création, de médiation et d’action sur les territoires, avec des ciné-mobiles qui irriguent en projection de films une quarantaine de communes rurales. Par ailleurs, l’agence et le Comité régional du tourisme travaillent en ce moment à une offre clés en main pour faciliter l’accueil de tournages dans la Région.

Dans le champ de la musique, nous avons signé avec la Fraca-Ma (fédération régionale des musiques actuelles), Scène O Centre (Fédération des diffuseurs de spectacle vivant), la DRAC et le Centre national de la musique (CNM) un contrat de filière de musiques actuelles. Pour les arts plastiques, nous soutenons le réseau « Devenir.art » [association indépendante issue du Schéma d’orientation et de développement des arts visuels/Sodavi, sur le modèle des Solima en musique]. De façon générale, la Région a à cœur de développer la structuration de réseaux par filière afin de favoriser le dialogue et les coopérations.

Avec le Conseil local des collectivités pour la culture (CLTS) et le Coreps, la coopération territoriale fonctionne-t-elle suffisamment bien ?

Le CLTC est une instance à la main de l’Etat : un lieu important de dialogue sur ses politiques. Il permet de faire remonter les attentes et les besoins de collectivités, de voir comment la DRAC y répond et d’en discuter. Pour le moment, je n’ai assisté qu’à une de ses réunions. Quant au Coreps, il est encore en train de s’installer. Pour autant, ce sont l’un et l’autre des lieux d’échange essentiels dont il faut veiller à ce qu’ils ne soient pas redondants mais travaillent bien en complémentarité, en particulier avec l’instance régionale qu’est la CPCC dont le fonctionnement, dynamique, a déjà quelques années.

Fonds régional d’art contemporain du Centre-Val de Loire – ©Boris Adamczyk

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?

L’aide de la Région est de plus en plus sollicitée, tout particulièrement dans le contexte de crise énergétique. Nos personnels sont en surcharge de travail et nous peinons à apporter une réponse financière à la hauteur des attentes. On essaie donc d’accompagner les acteurs en promouvant un changement de modèle, plus sobre et plus adapté aux exigences de la nécessaire transition écologique.

Qu’attendez-vous de la FNCC ?

J’ai pu rencontrer des élus membres de la FNCC lors de l’Assemblée générale à Avignon et noter la densité des événements et des rencontres organisés par la Fédération. Plus largement, c’est un précieux espace d’échange et de dialogue entre élus, entre territoires, dans leur diversité. Mais le rôle plus politique et militant, de défense de la culture et des politiques culturelles des collectivités, me semble également important.

Je veux enfin saluer, dans la logique de partenariat qui est la nôtre, le succès de Bourges dans sa candidature au label “Capitale européenne de la culture” 2028. Bourges, dont le projet est particulièrement intéressant et croise les ambitions culturelles de notre collectivité régionale, est la plus petite des quatre villes retenues pour la présélection. C’est un beau signal pour notre région !

Propos recueillis par Vincent Rouillon

Cathédrale d’Orléans, Festival Hop Pop Hop, dédié à l’émergence musicale – ©Anthony Kwan Chung


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