Skip to main content
ActualitésEchos des adhérents

Portrait culturel du Département de Loire-Atlantique

Par 23 mars 2023mars 29th, 2023Aucun commentaire

Dominique Poirout, vice-présidente en charge de la culture et du patrimoine du Département de Loire-Atlantique

Dominique Poirout, vice-présidente en charge de la culture et du patrimoine de la Loire-Atlantique, en responsabilité depuis un an et demi, le reconnaît : son Département est un territoire riche en acteurs et structures culturelles très diverses dans tous les champs artistiques et patrimoniaux. Sur ce territoire traversé par la Vallée de la Loire (inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco), le Conseil départemental place les solidarités au cœur de toutes ses politiques culturelles : éducatives, sociales et territoriales. C’est dans cet esprit que, depuis 12 ans, le Département a, entre autres, initié les “projets culturels de territoires”, une démarche partenariale d’accompagnement par le conseil départemental des intercommunalités et des communes dans l’élaboration d’une politique culturelle de qualité fondée sur les principes de proximité, la solidarité et l’équité territoriale.

Quelles motivations vous ont-elles conduite à la politique ?
Habitant Rezé depuis 1994, je me suis rapidement investie dans mon quartier, notamment en participant au groupe qui organisait les Fanfaronnades, un rendez-vous annuel autour des nouvelles esthétiques des fanfares en amateur, en lien avec les écoles et le tissu associatif. Cela explique qu’en 2008, la municipalité, qui souhaitait associer davantage de femmes et s’ouvrir à la société civile, m’a proposé de faire partie de sa liste pour les élections municipales. En 2021 lors des dernières élections départementales, on m’a demandé de me présenter aux élections départementales pour représenter le Canton Rezé 2 (Rezé est la 4e ville du département). C’est ainsi que j’ai accédé à la vice-présidence en charge de la culture et du patrimoine du conseil départemental de Loire-Atlantique – un nouveau mandat pour moi.

Cette délégation est-elle un choix ?

Mon engagement tient à un attachement tout d’abord à la ville de Rezé et à une série de rencontres. Cette délégation me convient bien, car je me suis toujours impliquée dans la vie culturelle et j’y vois un prolongement dans ma délégation culture et patrimoine au Département. Et c’est une grande chance de l’exercer au sein d’un conseil départemental particulièrement volontariste dans le domaine de la culture, un domaine qui, même s’il ne relève pas d’une compétence obligatoire, est au carrefour de toutes les politiques. J’ai par ailleurs la chance de bénéficier des combats de ma prédécesseure, Catherine Touchefeu, dont je vois aujourd’hui les fruits.

“Pulse”, spectacle de cirque chorégraphique de la Cie Kia au Domaine de la Garenne ©Paul Pascal/Département de Loire-Atlantique

On parle parfois du rôle d’“assemblier” des conseils départementaux…

Je trouve que l’idée « d’assemblier” nous place un peu en surplomb ; je parlerais plus volontiers d’un rôle de facilitateur de la coopération, de la mise en relation, en réseau. Les créateurs, les associations, les diffuseurs doivent conserver la maîtrise de leur projet, notre travail avec eux étant de contribuer à installer des conditions qui rendent ces projets possibles. Nous devons aussi veiller à ce que le succès d’un projet ne soit pas seulement dicté par les enjeux du marché. Agir pour que tous les publics puissent accéder à la diversité des esthétiques et des œuvres, c’est un vrai choix politique. Et c’est pour moi le rôle premier des pouvoirs publics.
Et pour agir pour tous les publics et avec tous les acteurs culturels, il est important de travailler en proximité. Notre politique culturelle s’appuie sur une volonté permanente de dialogue avec les autres collectivités territoriales, les Villes de Nantes et de Saint-Nazaire bien sûr, mais aussi les communes et les intercommunalités des secteurs plus ruraux.

Ces échanges se structurent dans le programme des « projets culturels de territoire » que nous développons depuis une douzaine d’année. Aujourd’hui, douze EPCI sont engagés dans ces démarches partenariales et nous comptons de nouvelles candidatures.
Dans ces instances, nous ne venons pas « vendre » les politiques culturelles du Département mais accompagner à la mise en place d’une politique culturelle des intercommunalités et des communes – apport en ingénierie, aide à la professionnalisation, soutien financier –, avec l’appui de la DRAC. Nous ne sommes pas sur une logique « descendante » mais bien sur celle de contribuer au « pouvoir d’agir » local.

Un récent bilan a montré que les élus locaux sont satisfaits de cette approche. Et dans un contexte où les collectivités sont très contraintes, les adjoints en charge de la culture se sentent souvent isolés dans leurs délégations. Cela permet de donner du poids aux enjeux culturels, qu’ils ne soient pas relégués dans les ordres du jour… Petit à petit on arrive à dépasser ce cap et à placer la culture au même rang que les autres dimensions des politiques communales ou intercommunales.

Sentez-vous une défiance des communes ou intercommunalités ?

C’est tout l’enjeu des projets culturels de territoire. L’idée est vraiment celle d’agir en solidarité, sans que telle ou telle ville se substitue à leur volonté d’action. Ces projets permettent notamment aux petites communes de participer à une politique culturelle significative. Ce sont d’ailleurs souvent elles qui poussent leur intercommunalité à s’engager dans un projet culturel de territoire.

Fondamentalement, le rôle d’un Département est de contribuer à ce que les gens se parlent, se rencontrent. On ne fait à la place de, mais on sert de courroie de transmission.

Comment conjuguez-vous compétence sociale et culturelle ?

Une question fondamentale. En Loire-Atlantique, le lien entre culture et social constitue l’un des principaux axes de notre politique départementale, sa boussole permanente : si la culture n’est pas partagée par toutes et tous, l’objectif n’est pas atteint. Pour chaque projet, chaque exposition ou spectacle, il faut s’interroger sur celles et ceux qui ne sont pas là, qui ne partagent cette expérience sensible – ne jamais transiger ni faire de compromis sur cette question.

Le château de Clisson ©Paul Pascal/Département de Loire-Atlantique

C’est une bataille collective au sein de notre majorité départementale. Je suis notamment en relations très étroites avec mes collègues en charge des politiques de l’âge, du handicap et de l’insertion. Avec pour principe d’apporter la culture au plus près de ceux qui en sont éloignés, notamment aux résidents des Ehpad. La culture ne suffit pas à lutter contre les inégalités mais je crois qu’elle est une force indispensable d’émancipation et de progrès humains.

Le département développe-t-il une politique d’éducation artistique et culturelle ?

Nous avons initié depuis 2006 une démarche d’EAC cosignée avec l’Education nationale – elle touche chaque année 100 000 élèves dont 70 000 collégiens – dans l’idée de promouvoir la rencontre des collégiens avec les œuvres et les équipements culturels. Avec le temps, cette orientation s’est ancrée dans les projets des enseignants, qui recourent naturellement aux dispositifs que nous proposons. L’une de nos problématiques actuelles est la gestion de la part collective du Pass culture, avec la crainte qu’il ne brouille nos dispositifs propres ; nous avons donc travaillé avec l’Etat pour mettre en place un label sur le portail Adage qui recense l’offre “Grandir avec la Culture” destinée aux établissements scolaires. Ce label garantit la qualité des propositions et met en valeur celles des artistes avec lesquels nous avons engagé un partenariat de longue haleine.

Quels sont les autres axes de votre politique ?

J’évoquerai notamment le soutien à la création et l’accompagnement des artistes et des porteurs de projets culturels. Nous sommes les premiers partenaires de deux structures majeures, bras armés de la politique culturelle départementale : l’Agence musique et danse Loire-Atlantique et le théâtre départemental Le Grand T, à Nantes. Avec leurs deux équipes, nous travaillons aujourd’hui au rapprochement de ces organismes, aujourd’hui distincts, au sein d’un même établissement public dédié à l’ensemble du spectacle vivant. Avec des objectifs de programmation et de diffusion bien sûr, mais aussi pour des missions de formation, d’accompagnement, d’aide à la pratique en amateur. Egalement pour travailler en lien avec les établissements scolaires ainsi qu’en soutien aux divers projets culturels des territoires.

Ce nouvel EPCC, inédit en France, s’installera sur un site départemental totalement rénové, dans lequel est prévue la construction, à côté de sa salle d’environ 800 places, d’une autre de moindre jauge (350 places). Et tout cela au cœur d’un jardin qui pourra aussi devenir un espace de diffusion. Si l’on qualifie ce nouveau site de « théâtre », il faut l’entendre comme un théâtre du 21e siècle, à la fois lieu de vie et de diffusion de spectacles. Un théâtre vivant qui n’est pas une « bulle » mais un espace grand ouvert aux questionnements d’aujourd’hui.

Je pense aussi à notre soutien à un réseau de 36 salles de cinéma, le réseau “Scala” très impliqué dans les dispositifs d’éducation à l’image. Ici, le Conseil départemental apporte des aides et conseils notamment pour l’isolation et l’accessibilité. Nous sommes par ailleurs particulièrement attentifs au dispositif « Collège au cinéma », essentiel pour la formation des jeunes : c’est pour beaucoup la première occasion d’aller au cinéma et de s’apercevoir qu’il existe autre chose que les blockbusters.

Nous portons aussi un fort soutien au spectacle vivant, en particulier par l’accompagnement des festivals mais aussi par l’aide à la diffusion hors des structures culturelles conventionnelles dont nous avons confié la mission au collectif Culture Bars-Bar. La culture bretonne est bien sûr également mise à l’honneur.

Et pour la lecture publique, compétence obligatoire des Départements ?

Par son action de professionnalisation, de formation des bénévoles et d’animation de réseau, la Bibliothèque départementale est en effet un outil essentiel de notre politique car, bien souvent, les projets culturels de territoire commencent par la structuration des bibliothèques. Une porte d’entrée. Nous nous inspirons d’ailleurs des réseaux de lecture publique pour élaborer un plan pour les pratiques musicales en amateur, en insistant toujours sur le lien avec des professionnels, mais aussi, depuis 2018, pour le cirque, la danse et le théâtre et les arts plastiques. Fondamentalement, le rôle d’un Département est de contribuer à ce que les gens se parlent, se rencontrent. On ne fait à la place de, mais on sert de courroie de transmission.

Soutenez-vous aussi les arts plastiques ?

Ils sont au cœur de nos préoccupations, notamment via le “1% artistique” dans les constructions et rénovations de collèges. Avec une innovation : l’implication des collégiens. L’expérience a commencé à Saint-Herblain, dans un collège qui développe beaucoup la dimension des arts plastiques.

Nous mettons également à disposition des plasticiens un site à Saint-Nazaire, confié à une association. Cet accompagnement – avec une enveloppe de 50 000€ que j’ai réussie à prolonger – est d’autant plus important qu’à la sortie de la crise sanitaire, les plasticiens sont apparus comme les acteurs culturels en ayant le plus souffert. Beaucoup passaient au travers des dispositifs d’aide.

Quelle est la part du budget culturel dans le budget global du Département ?

Sur le budget global, de 1,4Mds€, celui pour la culture s’élève à environ 30M€ en investissement et de 20M€ en fonctionnement. De ce point de vue budgétaire et pour soutenir l’animation culturelle dans une volonté de décentraliser la politique départementale, nous avons instauré des délégations dotées, chacune, d’un budget propre pour les résidences culturelles, les actions de proximité, les festivals…

Est-ce difficile de défendre la culture ? Et sentez-vous une attente des habitants ?

Les enjeux culturels sont profondément intégrés par le Conseil départemental. Et si je n’ai pas de conseiller délégué qui partage cette délégation avec moi, j’ai l’immense avantage d’avoir une équipe culture et patrimoine formidable ainsi que des collègues élus que j’arrive à motiver et avec lesquels je travaille en transversalité.

Quant à un faible intérêt des habitants pour l’action du département, peut-être faut-il retourner la problématique : je suis persuadée que la culture peut être un levier pour intéresser à la chose publique, pour lutter contre l’abstention.

Site patrimonial des Jardins des Folies Siffait, au Cellier, sur le bord de la Loire ©Paul Pascal/Département de Loire-Atlantique

Comment décririez-vous, d’un point de vue géographique et démographique, le territoire du Département de Loire-Atlantique ?

Grâce à la forte activité de ses structures culturelles, le Département attire beaucoup d’artistes, en parallèle d’une augmentation générale assez considérable de la population. Cette croissance démographique a conduit à un manque de logements disponibles et les nouvelles populations s’installent dès lors de plus en plus loin des villes – un phénomène qu’a accru la crise sanitaire et la montée en puissance du télétravail –, ce qui exige de notre part de savoir répondre à la demande culturelle de ces territoires moins urbanisés.
Tout l’enjeu a été de ne pas déséquilibrer certains territoires au profit des grandes villes que sont Nantes et Saint Nazaire ou encore du littoral. Le principe des projets culturels de territoire prend ici son plein sens.

Quels liens entretenez-vous avec la DRAC ?

Le dialogue avec la DRAC est de très bonne qualité. Nous organisons chaque année des rencontres pour faire un point sur l’ensemble des sujets culturels. Ce travail main dans la main, particulièrement intense dans le soutien aux artistes émergents, s’est beaucoup développé grâce aux projets culturels de territoires. La DRAC est toujours présente dans les comités techniques d’attribution des subventions départementales.

La concertation entre collectivités vous semble-t-elle suffisante ?

Pendant la crise du Covid, la Ville de Nantes, Nantes Métropole, la Région, l’Etat et les Départements se sont associés pour mettre en place un plan d’urgence partagé. Aujourd’hui, cet esprit de concertation entre collectivités et avec l’Etat, ancien et dopé la pandémie, s’amplifie, notamment avec Nantes et sa Métropole et, bien sûr, avec les intercommunalités, dans l’idée que la culture est un réel levier de développement et d’insertion sociale.

Qu’attendez-vous de la FNCC ?

Je n’ai encore assisté qu’à deux réunions, à Avignon et dans le cadre des BIS de Nantes. Mais j’ai d’ores et déjà perçu l’intérêt de croiser différents regards pour s’échapper de ses préoccupations locales et porter des projets communs. Parmi les thèmes que j’ai particulièrement retenus, celui d’ancrer les enjeux culturels à l’origine même des projets urbanistiques – l’enjeu concerne directement des Départements. Plus généralement, en tant qu’élus, on a toujours besoin de se retrouver pour discuter de politique. Ce que permet la Fédération.

Propos recueillis par Vincent Rouillon


Télécharger le pdf