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ActualitésPolitiques Culturelles

Séminaire FNCC sur la gouvernance intercommunale

Par 6 avril 2023Aucun commentaire

A la suite de la réunion de son Bureau du 22 mars, la FNCC organisait à l’attention de ses adhérents un séminaire sur le thème “Politiques culturelles : élus communaux, élus intercommunaux, trouver sa bonne place !” Comment concilier et articuler le travail entre élus communautaires et élus communaux ? Comment optimiser les politiques culturelles locales via une gouvernance partagée sans empiéter sur l’autonomie des communes ? Et comment construire le dialogue entre élus au sein du bloc communal ?

Ces questionnements concernent tant le quotidien de l’action des élus que la teneur même de leur projet politique. Ils sont largement partagés, ce dont a témoigné l’intérêt suscité par le séminaire animé par Jean-Philippe Lefèvre, élu du Grand Dole et vice-président de la FNCC, où sont notamment intervenus Christophe Degruelle, président d’Agglopolys, Communauté d’agglomération de Blois et vice-président culture d’Intercommunalités de France, et Yannick Guillo, président de la Communauté de communes de la Brie Nangissienne et membre de la commission culture de l’Association des maires ruraux de France. Echos.

L’objet du séminaire est proprement politique. En amont des questions de transferts de compétences ou de gestions d’équipement, l’interrogation porte sur la gouvernance des politiques culturelles entre EPCI et communes. Est-elle satisfaisante et partagée – comment ne pas entendre cette “petite musique” répétant que l’élu municipal se sent un peu éloigné, un peu à l’écart, note Jean-Philippe Lefèvre ? Et à quelles conditions peut-elle l’être ? La réflexion collective a permis d’identifier quelques “bonnes pratiques”.

Des principes. Christophe Degruelle a ouvert la séance en posant six principes permettant d’aborder avec clarté cette donne politique et d’écarter quelques idées préconçues :

  • Le terme de “transfert” masque la réalité des mouvements entre communes et intercommunalités. Ce sont en réalité des “prises de compétences”, c’est-à-dire non la perte de contrôle d’un équipement (par exemple une bibliothèque, un conservatoire) mais le partage d’une responsabilité.
  • La montée en puissance de l’engagement culturel des intercommunalités ne relève pas d’un appétit particulier pour cette dimension des politiques publiques : elle est la conséquence naturelle de la place croissante que tient la culture dans les politiques publiques considérées en leur ensemble.
  • Il importe d’opérer une distinction claire entre la prise de compétence culturelle des intercommunalités de nature urbaine, avec une ville-centre hébergeant les principaux équipements, et celle des communautés de communes, plus rurales, où la ressource est plus diffuse, moins centralisée.
  • Surtout dans le domaine culturel, le terme adéquat pour considérer le partage de la gouvernance entre communes et intercommunalités est celui de “bloc communal”, et non de “bloc local”. L’EPCI n’est pas un échelon supplémentaire de collectivité territoriale ; il reste fondamentalement un regroupement de communes.
  • Le travail à l’échelle des communes s’impose d’autant plus que, plus particulièrement dans les intercommunalités urbaines, tous les élus communaux ne sont pas également élus intercommunaux.
  • Enfin, l’engagement culturel des intercommunalités ne se limite pas à la prise une compétence ad hoc : il s’immisce bien dans d’autres champs de compétence, sur les festivals dans le cadre de la compétence sur l’attractivité et le tourisme, en faveur des publics dit “empêchés” au titre des politiques de la ville ou des politiques de solidarité, etc.

A ces six principes, dont Christophe Degruelle note qu’ils constituent les principales leçons d’une récente étude d’Intercommunalités de France, s’ajoutent deux chiffres éloquents, bien qu’ils recouvrent des réalités très diverses : 85% des intercommunalités ont identifié un élu en charge de la culture et autant ont institué une commission culture.

Sensibiliser les élus aux enjeux culturels. Yannick Guillo confirme la pertinence de ces éléments de base en évoquant sa propre intercommunalité, laquelle réunit trois bourgs-centres. Dans ce contexte d’absence de concentration des équipements culturels, l’EPCI travaille essentiellement à l’itinérance et à la décentralisation au travers notamment d’une programmation déployée sur l’ensemble du territoire.

Le maire de Saint-Ouen-en-Brie note cependant une difficulté : il n’est pas aisé de parler de culture en terres d’agriculture. Pour autant, une fois que les élus a priori réticents constatent la vive adhésion des habitants aux événements culturels, la barrière cède. L’intercommunalité culturelle s’impose à la condition de se déployer dans un esprit d’appui et d’accompagnement, non d’hégémonie, notamment via l’apport en professionnalisation et en ingénierie à des communes qui, seules, ne peuvent y avoir accès. Il ajoute qu’une telle approche doit s’adosser à une précise identification de “l’intérêt communautaire”.

L’esprit culturel intercommunautaire ? A la suite de cette introduction, Jean-Philippe Lefèvre pose trois questions aux participants :

  • L’intercommunalité vous apporte-t-elle une offre complémentaire, ou non ?
  • Quel est la meilleure modalité d’action culturelle pour une intercommunalité : fusionner (par exemple avec un réseau de bibliothèques) ? coopérer ? créer ?
  • Quel terme faut-il préférer pour caractériser l’esprit d’une politique culturelle intercommunale : accompagner ? susciter ? porter ? maintenir (d’une part ce qui fonctionne et, de l’autre, ce qui contribue à l’équité des territoires) ?

Témoignages d’expérience. A noter, parmi l’ensemble des exemples d’action culturelle intercommunale ayant favorisé le partage politique entre les communes et leur intercommunalité, les cinq suivantes :

  • proposer une coopération pour une programmation culturelle estivale qui fédère l’ensemble des communes ;
  • irriguer l’ensemble d’un territoire communautaire par des actions de dumistes (intervenants en milieu scolaire) dans les écoles, ce qui permet de dépasser les réticences initiales de certaines communes ;
  • conduire des politiques de résidences artistiques sur l’ensemble d’un périmètre intercommunal ;
  • engager une politique mémorielle autour du patrimoine : si le patrimoine peut aisément relever de la compétence touristique des intercommunalités, il s’agit d’une approche du patrimoine pour les autres, non pour les habitants ; or le patrimoine, c’est aussi l’identité, l’histoire de chacune et de chacun et, par un travail sur les mémoires, les politiques patrimoniales communautaires peuvent être un outil fédérateur ;
  • de manière plus générale, distinguer entre les actions d’un équipement intercommunautaire et ses orientations : si le secondes relèvent de l’EPCI, les premières peuvent être conduites en propre par les communes, tant dans l’initiative que dans le pilotage et/ou le financement, ce qui est par exemple le cas quand un conservatoire intercommunal propose un catalogue de concerts dans lequel puisent les communes ;
  • en l’absence de commission culture dédiée – qui peut par exemple résulter de divergences de sensibilités politiques fortes – organiser des concertations informelles et régulières entres élus à la culture des différentes communes (que peuvent redoubler et prolonger celles des directeurs des affaires culturelles).

Quelques bonnes pratiques de gouvernance

  • Dans le cadre de la gouvernance des EPCI, mettre en place une commission ouverte à tous les élus, communautaires et communaux, intéressés par les enjeux culturels
  • et, en complément ou indépendamment, instaurer, à l’instar des conférences (obligatoires) des maires, des concertations entre adjoints à la culture, formalisées ou non.
  • Prendre en compte la spécificité des territoires. Il n’y a pas de modèle général. Des configurations mêmes “tordues” – par exemple un réseau de conservatoires dont certains sont communautaires et non d’autres – peuvent très bien fonctionner.

NB. D’un point de vue stratégique, quelles que soient les actions et orientations envisagées, il importe de veiller à préserver les capacités d’intervention des municipalités – surtout en période électorale.

Au terme d’un débat marqué par des témoignages de situations très diverses, ce n’est pas en tant qu’entité politico-administrative que l’intercommunalité a été caractérisée mais comme un état d’esprit que peuvent illustrer des pratiques et des réalités fortement diversifiées, selon les spécificités géographiques, politiques, démographiques, budgétaires des territoires. Comment synthétiser cet “esprit communautaire” politique, subtile et ductile ? Fusionner, coopérer, créer, maintenir ? Un unique verbe semble en mesure de réunir l’ensemble de ces modalités d’action : exhausser. L’intercommunalité peut être un “exhausseur” de culture.