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Théâtre des amateurs et projet politique

Par 3 février 2020mars 11th, 2022Aucun commentaire

Le Centre de ressources pour le théâtre des amateurs en Morbihan (ADEC56) a piloté la rédaction d’un Guide sur le théâtre en amateur 2019. Il est local (Bretagne) et technique (cadre légal, statuts juridiques, droits d’auteur, formation de troupes de jeunes, choix du répertoire, de la salle…). Mais également esthétique – qu’est-ce qu’une pratique en amateur ? – et philosophique : en quoi relève-t-elle des droits culturels ? Mais encore politique, comme l’indique son sous-titre : “pour un dialogue entre les troupes, structures et collectivités accueillantes”. Présentation.

Le monde des pratiques artistiques en amateur est, selon les points de vue, déconsidéré au regard des exigences de l’art des professionnels, loué pour ses vertus d’animations des territoires, plébiscité pour son apport d’épanouissement individuel et sa contribution à la rencontre et au vivre-ensemble… Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une réalité encore mal connue, voire méconnue, souvent minimisée et objet d’a priori innombrables que ce guide contribue à corriger.

Pratique en amateur du théâtre, non d’un théâtre amateur. Tout d’abord les termes. Pourquoi “théâtre des amateurs” et non “théâtre amateur” ? La dernière locution est binaire et nettement condescendante en ce qu’elle oppose le théâtre professionnel et un théâtre qui ne le serait pas.

Pour les auteurs du guide, qui s’appuient à la fois sur les travaux de la directrice de recherche au CNRS Marie-Madeleine Mervant-Roux (cf. la Lettre d’Echanges n°70, voir également les dossiers sur les Rencontres nationales de Bussang de 2010, les Lettres d’Echanges nos46 et 86) et sur le référentiel des droits culturels, la formulation la plus pertinente est : le théâtre « des amateurs » (ou « en amateur »), c’est-à-dire un théâtre que pratiquent celles et ceux dont ce n’est pas la profession. Ici, le terme “amateur” désigne ceux qui font le théâtre ; il ne qualifie pas l’objet, le spectacle en lui-même : c’est une situation de jeu, non un jeu de nature particulière. Ce qu’explicite plus avant cette citation d’une étude menée dans le Finistère : « Il conviendrait de redessiner la sphère artistique non plus selon deux modèles opposés mais selon un continuum où cohabiteraient les multiples facettes des pratiques amateures et professionnelles. »

Le théâtre des amateurs et le territoire. Le guide part d’une réalité régionale précise et particulièrement riche, la Bretagne, avec 750 troupes en amateur (7 500 pratiquants), “contre” 450 compagnies professionnelles. Mais ses analyses et ses conseils valent partout ailleurs, ce dont témoigne une mention de la FNCC, une fédération nationale présentée comme revendiquant « un droit à l’expérimentation culturelle, aux expressions citoyennes et à la pratique en amateur ». Ce qui « nécessite notamment un accompagnement partagé des collectivités, l’ouverture des lieux à toutes formes artistiques et la participation des citoyens à l’élaboration des politiques publiques ».

Le sous-titre de l’ouvrage porte en effet une focale sur le rôle majeur des collectivités pour accompagner, favoriser et tirer partie des troupes de théâtre en amateur de leur territoire au bénéfice de leurs propres enjeux de politique culturelle. C’est un guide “pour un dialogue entre les troupes, structures et collectivités”. Un dialogue qui veut promouvoir une meilleure connaissance mutuelle mais aussi convaincre les élus d’inscrire les pratiques en amateur à leur juste place dans leurs politiques culturelles : « La culture est une compétence partagée sur les territoires. Il est intéressant de réfléchir à chaque échelle à une politique en faveur de la pratique artistique en amateur, à sa place dans la politique culturelle et à son articulation avec le soutien et la diffusion artistique professionnelle. »

Des questions… Dans l’esprit de l’éducation populaire, le guide porte avec force la conviction que la culture est un facteur de cohésion sociale, qu’elle « participe à l’appropriation du territoire par ses habitants et contribue à son développement économique et touristique grâce à la mise en valeur de ses atouts ». Ainsi, les auteurs suggèrent plusieurs questions dont pourrait s’emparer une collectivité pour « intégrer le soutien et l’accueil de troupes d’amateurs dans sa politique culturelle ».

Tout d’abord, quel est le projet de la collectivité territoriale (implicitement : quelle place le théâtre en amateur peut-il y trouver) ? Ou encore : quelle est la dynamique culturelle existante (implicitement : les pratiques en amateur n’y ont-elles pas leur part) ? Quelle est la place des habitants dans le projet culturel ? Autres questionnements, d’ordre plus pragmatique : quels sont les lieux dédiés pour les amateurs et lesquels seraient-ils mutualisables ?

Appel au dialogue. La disponibilité des lieux est au cœur de ces pratiques. Il y a bien sûr les scènes (réservées aux professionnels ou peut-être partageables ?). Mais de nombreuses compagnies souhaiteraient également investir d’autres espaces comme les médiathèques, les cafés, les théâtres de verdure, l’espace public… De là un appel : « Un dialogue, chaque année, entre les responsables théâtre (chefs de troupes ou responsables de structures associatives) et les responsables d’équipements ou de services culturels municipaux, est nécessaire pour une compréhension mutuelle, une prise en compte des besoins et des contraintes de chacun. »
La lecture préalable du “Guide du théâtre en amateur, pour un dialogue entre les troupes, structures et collectivités accueillantes de Bretagne” ne pourrait que favoriser de tels échanges.

A noter que le choix de la date de parution de ce guide n’est en rien anodin : à la veille des élections municipales de mars 2020 et donc à l’orée d’un renouvellement des relations entre les responsables politiques locaux et les acteurs culturels de leur territoire.


Les réalités économiques du théâtre en amateur

Si les comédiens des troupes sont bénévoles, leur pratique relève d’une réalité économique, et « c’est pourquoi, elles ont besoin de partenaires, de structures, de collectivités accueillantes ». Parmi les frais :

  • achats de livres, de textes, de décors, de costumes, de fournitures, d’équipements scéniques et techniques,
  • financement d’interventions de professionnels (stages, regards extérieurs sur la création du spectacle, aide à la mise en scène…),
  • frais de déplacements, d’hébergement, de repas,
  • règlement des droits d’auteur et droits voisins,
  • locations de salle, de matériel lumière et son,
  • rémunération de l’intervention d’un technicien, service de sécurité incendie,
  • impression et diffusion de supports de communication,
  • frais d’assurance, frais bancaires et administratifs,
  • formation des adhérents responsables associatifs…