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Impacts négatifs et positifs de la crise sanitaire sur la culture

Par 23 juin 2020juin 25th, 2020Aucun commentaire

Les collectivités territoriales et l’Etat se sont très largement mobilisés pour soutenir les différents secteurs d’activité des arts et de la culture qui ont pâti en leur ensemble, plus que tous les autres, du confinement puis de l’obligation de respecter les conditions sanitaires pendant les phases successives du déconfinement. Pour autant, les pertes objectives sont là, leur ampleur montrant toute la pertinence du soutien dans la durée des acteurs publics aux milieux artistiques et culturels.

Mais la crise sanitaire a également eu des effets positifs. Elle a par exemple révélé l’extrême fragilité des artistes-auteurs et plus généralement des acteurs de la culture au statut social insuffisamment protecteur et dont les professions sont peu structurées. Conséquence : une prise de conscience de la nécessité de mieux s’organiser collectivement.

Enfin, le lien largement établi entre la pandémie et l’exploitation irraisonnée des ressources naturelles a significativement contribué à faire entrer l’attention aux enjeux écologiques dans les pratiques artistiques et culturelles. Quelques premiers éléments de bilan.

Impacts négatifs

Cinéma. La Fédération nationale des cinémas français (FNCF), qui regroupe la quasi-intégralité des salles de cinéma, soit 2 000 établissements, 6 000 salles employant quelques 15 000 salariés, estime que les 60 millions d’entrées manquantes ont entraîné une perte de chiffre d’affaires de 400M€.

Spectacle vivant.  Selon un bilan transmis au ministère de la Culture par le sénateur (UC) de Moselle Jean-Marie Mizzon (question, 18/06), plus de 50% des entreprises de spectacle vivant et 76% des emplois intermittents (auxquels il faut ajouter 46% des emplois permanents) sont menacés à court terme par le coût financier et social de l’arrêt brutal de toute activité. Il estime le coût de l’arrêt complet des recettes de billetterie à 1,8Mds€.

Musique enregistrée. Le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) et l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI) notent que l’épidémie a mis un coup de frein brutal sur une croissance tout juste retrouvée, avec une baisse du chiffre d’affaires global du secteur de 21% (235M€) et de 40% pour les ventes de disques et la perception des droits voisins par rapport aux prévisions. Le streaming ne compense pas ces pertes puisque ses revenus baissent de 7% par rapport au chiffre anticipé pour 2020. Enquête du SNEP : La musique enregistrée fortement affectée par la crise sanitaire.

Ensemble de la filière musicale.  Tous pour la musique (TPLM), qui fédère les professions de la musique essentiellement dans le domaine des musiques actuels et de l’industrie musicale (auteurs, compositeurs, artistes interprètes et musiciens, éditeurs, producteurs, managers, entrepreneurs de spectacles et diffuseurs), estime à 4,5Mds€ les pertes de la filière en raison de la crise sanitaire. Soit près de la moitié du chiffre d’affaires escompté (10,2Mds€). Principal secteur impacté, celui du spectacle de musiques actuelles et de variétés, avec une baisse de 83% de son chiffre d’affaires prévisionnel pour 2020. « Quelle que soit notre pugnacité collective pour affronter la situation, elle ne suffira pas pour encaisser la violence du choc généré par cette crise. Il faut que nous soyons accompagnés », déclare Jean-Christophe Bourgeois, président de TPLM (source : News Tank).
Le collectif avance 10 priorités pour aider le secteur à surmonter la crise.

Ensembles de musique savante. Pour sa part, la Fédération des ensembles vocaux et instrumentaux spécialisés (Fevis) recense 1 282 représentations annulées sur 3 000 envisagées pour 2020, soit une perte de 45,6% (11M€) du chiffre d’affaires anticipé. Si le chômage partiel et d’autres dispositifs d’aide ont contribué à compenser ce manque à gagner, la Fevis chiffre à 2M€ les pertes sèches et souligne que le modèle économique des ensembles musicaux qu’elle regroupent s’appuie à 70% sur l’autofinancement. Plus d’informations.

Pratiques musicales en amateur et écoles. Cadence, pôle musical régional du Grand Est, a réalisé une enquête sur les impacts de la crise. Si 93% des écoles publiques ont maintenu le lien à distance avec leurs élèves, 52% d’entre elles ont fortement baissé leur activité, 28% sont à l’arrêt et 98% des ensembles amateurs ont totalement interrompu leur pratique musicale. Enfin, pour les écoles associatives, les pertes de trésorerie menacent le règlement des salaires, l’étude notant cependant que les subventions publiques amortiront certaines difficultés.

Salles de spectacle. L’Union syndicale des employeurs publics du spectacle vivant (USEP-SV), qui regroupe le SNSP, Les Forces Musicales, le Profedim et le Syndeac, est en train de dresser un bilan de la période de la crise sanitaire. Les premiers résultats indiquent 19 000 représentations annulées, 180 000 heures de travail perdues et 90M€ de pertes de recettes dues pour une moitié à l’effondrement de la billetterie et pour l’autre au retrait du mécénat, à l’arrêt de la location des salles et à la suspension de la vente de productions (source : Culture Link).

Cirque. Les résultats d’une enquête-flash sur l’impact de la covid 19, relayée par Artcena (centre national de ressources pour le cirque, mes arts de la rue et le théâtre) ne sont pas encore disponibles. Mais l’on sait déjà l’impact majeur sur le cirque, art du partage et du contact. Selon un article du Monde, le gel général de l’activité « a entrouvert un gouffre économique dans lequel les compagnies, actuellement au nombre de 800, risquent de glisser rapidement ». Selon Philippe Le Gal, président de Territoires de cirque, « l’effet domino des annulations en série va entraîner des conséquences terribles sur la survie de nombre d’équipes artistiques, en particulier les jeunes compagnie ». Pour sa part, la directrice du Festival Spring (en Normandie), Yveline Rapeau, « l’impact se mesure déjà jusqu’en 2022. Sur les 60 spectacles que j’avais programmés, 40 ont été annulés. Seulement 4 ou 5 pourront être reportés. »

Art contemporain. La Fédération des professionnels de l’art contemporain (Cipac), qui regroupe les professionnels engagés dans la production, la diffusion et la médiation de l’art contemporain, a conduit en mars et avril une enquête titrée “Les répercussions du covid-19 sur le secteur des arts visuels”. Elle conclue à « des conséquences économiques directes et parfois très lourdes pour les artistes-auteurs et les autres indépendants ». Plus d’un tiers des projets ont été annulés ou reportés, 72% des structures ont dû recourir au chômage partiel et la pérennité des structures associatives est interrogée.

Festivals. Selon une analyse de l’enquête SoFEST ! initiée par France Festivals, 2 640 festivals auraient été annulées d’avril à août 2020, avec des “retombées négatives directes” (absence des dépenses d’un festival pour son activité) estimées entre 535M€ et 1,9Mds€, les subventions versées restent acquises.

Tiers-lieux. France tiers-lieux a réalisé une enquête titrée “Les tiers-lieux face à la crise”. Si 9 tiers-lieux sur 10 se sont mobilisés dans des actions de solidarités (notamment pour fabriquer du matériel médical d’urgence), ces lieux ont fortement souffert de la crise : 80% d’entre eux font état d’un risque réel de fermeture à court ou moyen terme.  La perte globale de chiffre d’affaires 2020 pour les 2 000 tiers-lieux répondant à l’enquête est estimée à 111,5M€.
Mais leurs activités sont considérées comme décisives pour une reprise de l’activité économique. Dans un entretien à Localtis, la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, annonce que « plusieurs pistes sont à l’étude pour positionner les tiers-lieux comme « point de relais » des activités qui seront spécifiquement mises en œuvre pour la sortie de crise du Covid-19, et notamment l’inclusion numérique, le réemploi ou encore le recyclage de matériel informatique ».

Associations culturelles employeuses. Opale, qui soutient le développement et la professionnalisation des initiatives culturelles, a mené une enquête du 17 avril au 6 mai auprès de 800 associations culturelles employeuses pour mesurer l’impact de la crise sanitaire et en anticiper les conséquences. Leur avenir s’annonce périlleux sachant qu’une baisse de 50% de leur activité en 2020 équivaudrait à une perte d’1,5Mds€. Ici encore les aides publiques, notamment celles des Départements, ont limité l’ampleur de l’impact de la crise.
Le 22 juin, l’Union fédérale d’intervention des structures culturelles (UFISC) a mis en ligne les résultats de son enquête Flash Culture vs Covid-19 sur l’impact de la crise sanitaire sur les mêmes associations culturelles employeuses. Avec ces chiffres alarmants : 27 400 associations en situation de grande fragilité, 98 300 CDI et 69 900 ETP (équivalents temps plein) menacés de disparition, 681 500 contrats annulés…

Effets positifs

Les compositrices et compositeurs se fédèrent. Alors que la crise sanitaire a souligné le manque d’organisation des artistes-auteurs, les compositeurs et compositrices ont inauguré leur première fédération professionnelle. Sa création a été annoncée via une tribune dans la Lettre du Musicien signée par 168 musiciens.

Mobilisation des acteurs associatifs et de l’économie sociale et solidaire. L’UFISC s’est saisie de la suspension d’activités induite par la crise sanitaire pour engager une large mobilisation de ses structures membres mais aussi d’autres organisations, réseaux et fédérations pour envisager des mutualisations, partager les conseils et réflexions et tenter de s’adapter à la situation. La généralisation du principe de la visio-conférence a aussi permis de donner à ce réseau de réseaux – baptisé “Mobilisation et coopération Arts et culture contre le covid 19” – un outil souple de rencontre, à un rythme hebdomadaire. Plus d’informations.

Regroupements des métiers intermittents. En dehors du cadre des artistes et techniciens intermittents du spectacle, fortement structurés en fédérations et syndicats, il est d’autre métiers intermittents moins organisés et plus “invisibles” mais non moins impactés par la pandémie, notamment par ses effets négatifs sur le tourisme. Conscient de la nécessité de faire entendre leur voix, les accompagnateurs de voyages, guides-conférenciers, régisseurs, coordinateurs d’événements, chargés de projets logistiques, agents d’accueil, guides-interprètes diplômés, conférenciers, etc. ont fondé, le 5 mai 2020, la Fédération des métiers intermittents/tourisme-événementiel-culture (Fmitec) pour partager les informations et défendre leurs intérêts au niveau national.

Arviva, art et environnement. Partant du constat que le spectacle vivant a un rôle majeur à jouer pour faire face aux enjeux environnementaux, neuf professionnels du spectacle vivant, musiciens ou producteurs, fondent l’association “Arviva, arts vivants, arts durables”. Son ambition est de rassembler tous les acteurs du spectacle vivant pour « interroger les pratiques quotidiennes des métiers du spectacle vivant afin d’identifier des alternatives durables pour réduire l’impact environnemental de ce secteur ».

Appel pour une écologie de la musique vivante. Trois cents musiciens et producteurs lancent un appel pour remettre en question « le modèle de l’artiste “star”, dont la valeur est calculée au nombre de tournées dans l’année ». Contre l’impact écologique de cette course aux voyages incessants, ils plaident pour un « artiste qui agit localement, tissant des réseaux de partage sur son territoire, faisant germer des foyers de créativité dans toutes les strates de la population et construisant des projets au long cours avec les lieux et les habitant·e·s d’un même territoire ».

Confinement, Internet et découverte de la diversité culturelle. A l’occasion d’une question orale (18/06/2020) au Gouvernement, le sénateur (UC) de Moselle a dressé un bilan très positif de l’évolution de l’usage culturel d’Internet par les Français. S’appuyant sur un sondage de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), le sénateur note que 88% des internautes ont développé leur consommation de contenus culturels pendant la période de confinement et que 55% des personnes interrogées déclarent avoir découvert des œuvres grâce à cette période si singulière. C’est en particulier le cas des jeunes (15-24 ans) : 70% d’entre eux font une déclaration allant en ce même sens.