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Patrimoines

Les ressources propres des musées

Par 2 décembre 2018juillet 13th, 2019Aucun commentaire

Dans le cadre de son rapport pour avis sur la mission Culture du PLF 2019, la députée Brigitte Kuster a effectué un tour d’horizon des divers moyens auxquels recourent les musées pour augmenter leurs recettes propres. L’étude traite essentiellement des musées nationaux, mais ses remarques et conseils valent pour l’ensemble des établissements labellisés “musées de France” et au-delà. Rappelons que, lors de l’examen du budget Patrimoines du PLF 2019 (28/11), la sénatrice Sonia de la Provôté a noté que « la diminution des dons pose la question du devenir du mécénat ».

L’accroissement de la fréquentation des musées, après un déclin lors de la période suivant les attentats de 2015, est sans doute l’une des tendances marquantes des comportements culturels des Français. Mais les musées coûtent chers et les collectivités territoriales comme l’Etat, pour ce qui est des musées nationaux, leur demandent de plus en plus d’augmenter leurs ressources propres. Et ce d’autant plus qu’on note « une baisse tendancielle des subventions de l’Etat aux musées nationaux ». L’exigence de recettes propres est-elle corrélée volontairement à un désengagement public ? La députée Brigitte Kuster ne tranche pas. Mais elle souligne que « la recherche des ressources propres ne doit pas supplanter la première mission des musées, qui est de mettre en valeur et rendre accessible les collections nationales au plus grand nombre, ni justifier un désengagement de l’Etat ».

Les ressources propres des musées nationaux représentent en moyenne environ 50% de leurs budgets, avec de fortes disparités. En 2017, si 84% du budget du Domaine et Château de Versailles relevaient de recettes propres, l’étiage est de 3% pour les musées des châteaux de Compiègne et Blérancourt, le musée d’archéologie de Saint-Germain-en-Laye ou encore le musée de la Renaissance/Château d’Ecouen.

Six types d’initiatives contribuent aux recettes propres des musées. La principale est la billetterie, qui en apporte les deux tiers. L’autre ressource principale provient du mécénat, soit 15% à 20% des recettes propres. Pour le reste, il s’agira de la valorisation des lieux – en forte progression ces dernières années – sous forme de concessions (restaurants, librairies-boutiques, parkings) ou de locations d’espaces (réceptions, séminaires). Enfin, la vente d’expositions itinérantes, les activités de conseil, l’édition et la publication de catalogue complètent ces moyens.

Mais ces apports financiers ne sont pas sans coûts. La recherche et la gestion de « certaines activités annexes des musées ne sont généralement pas rentables et parfois même déficitaires. Il s’agit notamment de la gestion d’un auditorium, de la gestion d’une boutique en direct [et non par concession], des conférences et des ateliers. » S’appuyant sur un rapport conjoint de l’Inspection des finances et de l’Inspection générale des affaires culturelles de juin 2015, la rapporteure conseille dès lors de privilégier trois activités qui « contribuent toujours positivement à l’équilibre financier des musées » – la location d’espaces, les redevances de concessions, le mécénat – et de limiter le recours aux autres.

Par ailleurs, l’accroissement des horaires d’ouverture, souvent envisagé pour augmenter les recettes de billetterie, a des effets contrastés selon le prestige des établissements. Sachant qu’il a là un coût important (plafond d’emploi des opérateurs, planning des agents, statut…), il ne convient que pour les musées à forte affluence.


Théâtre impérial de Fontainebleau

Mécénat et contreparties

Très grands mécènes : une relation personnelle. L’émir d’Abu Dhabi a financé la restauration du Théâtre impérial du Château de Fontainebleau pour 10M€. En contrepartie, il a été rebaptisé Théâtre Cheikh Khalifa bin Zayed.

Club d’entreprises. Pour 10 000€ par an, une entreprise peut intégrer le Club d’entreprises du MuCEM. En “échange”, des événements spécifiques ainsi que des “visites de prestige” avec un conservateur leur sont proposés. « Ce système permet aussi “d’incuber” de futurs donateurs », explique Brigitte Kuster.

Au Louvre Lens

Cercle pour les PME et TPE : le mécénat de territoire. Dès son ouverture, le Louvre-Lens a créé le Cercle Louvre-Lens Entreprises, à la fois pour ancrer le musée sur son territoire et pour faire profiter les TPE et PME du dynamisme territorial apporté par un musée portant le prestigieux nom du Louvre. « Il s’agit d’un mécénat de proximité, collectif, très accessible (à partir de 1 200€) et convivial. »

Le fonds de dotation de Beaubourg utilise ses moyens – un « patrimoine affecté de manière irrévocable en vue de sa capitalisation » – pour financer un programme de résidences d’artistes en entreprise, de plusieurs mois, qui permet la création d’une œuvre en lien avec les salariés.

Micro-don. Comme à Central Park ou à Londres, il est possible d’adopter un banc du parc du château de Versailles, un arbre (1 000€ pour un tilleul) ou une statue. Ces micro-dons ouvrent droit à réduction d’impôt. Pour le Château de Fontainebleau, qui a restauré son escalier en fer-à-cheval, le micro-don offre la possibilité de “parrainer” une marche de l’escalier.


Mécénat. Qu’il se fasse par mécénat d’entreprises, par fondations, par crowfunding ou mécénat dit “de particulier”, le recours aux mécènes progresse fortement. Ce qui ne va pas sans un accroissement de la concurrence.

Dans ce contexte, Brigitte Kuster donne quelques conseils. Les mécènes sont sensibles aux projets de long terme. Il importe également de « faire de la publicité pour le musée en général et pour les projets pour lesquels on est en recherche de financement » en particulier. Il est aussi nécessaire d’embaucher un salarié spécialisé. Précision : « Il peut être utile que les musées emploient des personnes issues des entreprises et non de l’administration. »

Enfin, le baromètre 2017 de l’Admical indique que l’objectif social est le premier choix des mécènes. De fait, même en matière culturelle, ils demandent de plus en plus souvent des contreparties à caractère social : entrées pour leurs salariés ou pour des enfants de milieux défavorisés, organisation d’ateliers ou d’expositions itinérantes à destination des publics empêchés dans des hôpitaux ou des prisons, etc.
Mais la contribution au dynamisme territoriale est également un motif auquel les entreprises sont sensibles.

Dynamiser le mécénat des TPE. Dans ce cadre de l’intérêt des entreprises pour les projets de territoires, la députée souligne l’accroissement possible du recours au mécénat des très petites entreprises. De ce point de vue, elle souhaiterait que le plafonnement actuel à 0,5% du chiffre d’affaires soit adossé sur une franchise de 10 000€, ce qui favoriserait fortement le mécénat des TPE au bénéfice tant des entreprises que des structures et projets culturels objets de leurs financements.

En conclusion, Brigitte Kuster rappelle l’orientation politique de l’objectif de l’autonomie financière des musées : « L’accroissement de leurs ressources propres doit permettre aux musées nationaux d’amplifier leur mission de service public. »