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ActualitésQuestions territoriales

Les “Tiers-lieux”, des fabriques de territoires

Par 28 octobre 2019septembre 12th, 2023Aucun commentaire

En janvier 2018, le secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Cohésion des territoires a lancé une mission “Coworking : territoires, travail, numérique”. Le 19 septembre 2018 le rapport “Tiers-lieux : un défi pour les territoires”, réalisé par le président de la fondation Travailler Autrement, Patrick Levy-Waitz, est remis à Julien Denormandie. Avec cette conviction : « Je souhaite témoigner de la vitalité et du rôle déterminant joué par ces tiers-lieux pour (re)dynamiser nos territoires, villes moyennes et rurales. » Le 11 juillet 2019, le Gouvernement a lancé un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour soutenir la création de 300 Fabriques de territoires, dont 150 situées en quartiers prioritaires de la politique de la ville. Dotation : 45M€. Mais qu’est-ce qu’exactement un “tiers-lieux” ?

On peine à définir les tiers-lieux car ce terme signifie davantage un mode de fonctionnement, un esprit, qu’un espace physique porteur d’une vocation précise, fut-elle multiple. Pour cette même raison, ils sont aussi nombreux que difficiles à identifier. Selon le rapport de Patrick Levy-Waitz, on en dénombre près de 1 800 en France alors que le Commissariat général pour l’égalité des territoires (CGET) en compte un peu moins de 1 500 (cf. carte ci-dessous). On les appelle “espace de coworking”, “fablab”, “atelier partagé”, “living lab”, “garage solidaire”, “social place”, “makerspace”, ou encore “friche culturelle”… Mais, quel que soit le terme retenu, ce sont tous des « espaces d’hybridation, permettant de faire émerger des coopérations inédites ».

Eléments de définition. Le collectif Movilab, rédacteur d’un Manifeste des Tiers-lieux, en donne la définition suivante : « Des espaces physiques ou virtuels de rencontres entre personnes et compétences variées qui n’ont pas forcément vocation à se croiser. Ni privés, ni publics, ils composent une solution hybride entre espace personnel et espace ouvert, domicile et travail, convivialité et concentration. » A ce titre, « le “café du coin”, le bar connecté, le squat d’artiste ou le centre culturel en tant qu’espaces publics servant de point informel de rencontre peuvent devenir des tiers-lieux ». A noter que les bibliothèques – dont beaucoup se réclament du qualificatif de « 3e lieux » –, sont très proches de cette philosophie du partage.

Caractérisés par le “faire-ensemble”, les tiers-lieux correspondent à trois grandes mutations sociétales : l’essor du statut de travailleur indépendant et du télétravail, l’émergence de la “société apprenante” (« par le faire-ensemble, les tiers-lieux se révèlent être des terrains privilégiés de l’apprentissage tout au long de la vie ») et l’impératif de la transition écologique : pratique du partage, du prêt, de la sobriété et de la « frugalité énergétique ».

Nécessaire soutien de la puissance publique. Si les tiers-lieux sont en phase avec la société contemporaine, ils restent souvent précaires, peinant à trouver un modèle économique viable. D’où ce paradoxe : bien que par nature portés par des individus, associations ou collectifs, les tiers-lieux ont grandement besoin de l’accompagnement de la puissance publique, Etat comme collectivités. Un appui qu’ils obtiennent parfois et que justifie pleinement leur capacité à revitaliser les territoires. D’où, parmi les six propositions principales du rapport :

  • la création d’une structure nationale des tiers-lieux, porteuse des actions de soutien,
  • le soutien à l’émergence de 300 fabriques des territoires,
  • le lancement d’un “fonds d’amorçage” qui pourra être abondé par des fonds privés pour lancer le dispositif d’accélération,
  • la promotion de la coordination public-privé en encourageant la mise à disposition de locaux par les collectivités et en formant les agents publics aux tiers-lieux.

Tiers-lieux et ruralité. Les tiers-lieux sont des digital natives. Bien souvent, un petit nombre d’ordinateurs, une imprimante 3D, quelques bons logiciels et la pratique du télétravail peuvent leur suffire. Avec peu, ils sont à même de jouer un rôle d’animation de proximité et de maintien de l’emploi qui justifie amplement leur soutien par les collectivités, notamment en milieu rural. Pour Patrick Levy-Waitz , ils ont un rôle « absolument déterminant » pour le maintien de l’activité dans les territoires ou la préparation à son retour. Leur soutien relève aussi d’une stratégie à moyen terme de dynamisation territoriale, car les tiers-lieux sont « un substrat tout à fait favorable à l’accueil de projet plus ambitieux. » De ce point de vue, les tiers-lieux ruraux, « à n’en point douter, constituent un élément clef du dispositif national de soutien » qu’appelle de ses vœux le rapport.

Pour son auteur, l’échelon le plus approprié et le plus concerné par les tiers-lieux en territoire rural est l’intercommunalité. « Dépassant l’échelle de la seule commune et envisageant naturellement, de par leur structure, les coopérations territoriales, les intercommunalités ont une échelle et une gouvernance adaptées à des projets ayant pour objectif d’animer le territoire. »

L’appel à manifestation du Gouvernement. Le CGET s‘est pleinement saisi de l’esprit du rapport sur les tiers-lieux au point de les appeler des “Fabriques de territoires”. « Afin d’accompagner les territoires dans les grandes transformations actuelles – les manières de travailler et de se déplacer, l’omniprésence du numérique, le “faire-ensemble”… –, le Gouvernement souhaite accélérer la création de tiers-lieux dans les territoires qui n’en sont pas dotés, aujourd’hui. »

Le CGET suit également au chiffre près le principe de la création de 300 nouveaux lieux : 150 en quartier prioritaire, dont 30 proposant un accès aux services et un accompagnement spécifique pour les populations éloignées du numérique. A cette fin, l’Etat s’engage sur un financement à hauteur de 75 000€ à 150 000€ sur trois ans afin de soutenir à la fois leur lancement et leur consolidation.

A noter que les candidatures pour les 30 Fabriques de territoires œuvrant contre la fracture numérique doivent déposer leur dossiers avant le 15 octobre 2019, les 270 autres ayant jusqu’au 30 décembre 2019.