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Actualitéséducation artistique et culturelle

Statut des enseignants des écoles supérieures d’art : la solution ?

Par 28 octobre 2019Aucun commentaire

Les enseignants des 44 écoles d’art nationales (10) et territoriales (34) dispensent un enseignement similaire et délivrent les mêmes diplômes : leurs missions sont égales mais leur temps de travail et leurs rémunérations inégaux. Cela fait près de 20 ans que cette situation perdure. Des solutions sont envisagées mais le blocage persiste, notamment à cause de la crainte d’un surcoût pour les collectivités finançant les écoles d’art. Pour sortir de l’impasse, les députées Fabienne Colboc (LREM) et Michèle Victory (PS) ont été investies, à l’initiative du groupe PS de l’Assemblée nationale, d’une “mission flash” (17 juillet). Avec trois éléments : un éloge des écoles d’art, l’affirmation de l’urgence de régler cette problématique lancinante et une solution.

Parmi la centaine d’établissements d’enseignement artistique supérieur en France, près de la moitié sont des écoles d’arts plastiques. Même si elle ne concerne que peu de personnes, la problématique de la différence de statut entre enseignants des écoles nationales et territoriales – soit 1 100 professeurs (pour 11 000 étudiants) – est importante en ce qu’ils sont des maillons essentiels de la vitalité de la création, du rayonnement national mais aussi territorial pour ce qui est des Villes qui en financent.

Eloge des écoles d’art. Les députées confirment le rôle positif des écoles d’art en en soulignant l’excellence : variété des pédagogies, satisfaction des élèves (qui d’ailleurs ne savent souvent pas si leur établissement est national ou territorial), fort taux d’insertion professionnelle (80% des étudiants trouvent un emploi dans les trois ans suivant l’obtention de leur diplôme)… Les députées expliquent d’ailleurs l’importance de l’engagement financier des Villes par la qualité du travail des écoles d’art : « Ce financement local se comprend mieux lorsque l’on sait qu’à côté de leurs missions d’enseignement supérieur, ces écoles se sont progressivement imposées comme des acteurs majeurs de la vie culturelle dans les territoires », avec des cours grand public, des événements culturels, des coopérations avec l’Education nationale…

L’inégalité de statut. Il importe donc de conforter ces établissements remarquables et de donner à leurs enseignants des conditions de travail et de rémunération satisfaisantes. Or ce n’est pas le cas pour ceux des écoles territoriales.

Le principal problème, et ce depuis plusieurs années, n’est pas l’absence de solution mais notre incapacité à rendre un arbitrage politique.

Les enseignants des écoles nationales sont des « professeurs d’école nationale supérieure d’art » (PEN) et ceux des écoles territoriales des « professeurs d’enseignement artistique » (PEA), un statut qui, selon les députées, n’est pas adapté à leurs missions et ne reflète par leur véritable niveau de qualification. Les premiers ont droit à des “congés de recherche”, non les seconds. Et surtout, le salaire des PEA est inférieur de 20% à 30% à celui des PEN – une disproportion qui atteindra 40% après l’application prochaine du protocole “Parcours professionnel, carrières et rémunérations” que le ministère de la Culture veut appliquer dans les écoles sous sa tutelle. Enfin, les temps de travail ne sont pas non plus équivalents.

Il en va ainsi depuis vingt ans. Dès le début de leur rapport, les députées dénoncent l’immobilisme : « Le principal problème, et ce depuis plusieurs années, n’est pas l’absence de solution mais notre incapacité à rendre un arbitrage politique. »

Pourquoi ce blocage ? Il tient à la fois de l’aspect « confidentiel » du sujet, à la disparité des soutiens entre écoles d’art territoriales, à la complexité de la situation d’établissement relevant de plusieurs ministères (Culture, Enseignement supérieur, Finances et direction générale des Collectivités locales du ministère de l’Intérieur). Enfin, et surtout, il tient aux 4 à 5M€ (selon France urbaine) que représenterait l’alignement du statut des enseignants des écoles territoriales sur celui des enseignants des écoles nationales.

Les solutions insatisfaisantes. Cette situation doit être dépassée d’urgence : « En mars 2020, de nouveaux conseils municipaux seront élus et il est crucial qu’une solution pérenne soit trouvée avant cette date. Il n’est pas possible de décevoir une nouvelle fois les attentes des enseignants des écoles territoriales. » Quelques pistes :

  1. la création d’un “corps inter-fonctions publiques” réunissant à la fois les PEA des écoles territoriales et les PEN des écoles nationales. Une perspective qui ne répond pas à l’urgence car elle exigerait une action législative pour distinguer les enseignants PEA des écoles d’art de ceux des autres enseignements, comme la musique.
  2. créer un “3e grade au sein du cadre d’emplois des PEA”. La difficulté est ici financière car cette solution concernerait tous les PEA (soit 6 000 agents), avec pour conséquence « de considérablement renchérir le coût de la réforme, qui dépasserait de loin le seul alignement du statut des PEA des écoles d’art sur celui des PEN ».
  3. l’intégration des PEA des seules écoles supérieures d’art territoriales dans le corps des PEN, solution dite du “corps unique”. Avec un effet de basculement d’agents territoriaux dans la fonction publique étatique, au rebours de l’esprit de la décentralisation et de l’autonomie des collectivités. De plus, un décret serait nécessaire pour décider du partage du financement de ce “corps unique” entre les collectivités et l’Etat.

La solution la moins mauvaise, qui a de plus les préférences de l’ANdEA (Association nationale des écoles supérieures d’art et de design publiques), consisterait à créer un « cadre d’emplois spécifique pour les enseignants des écoles supérieures d’art territoriales ». Avantages :

  • Cela « permettrait de créer un statut adapté aux missions réellement exercées par les enseignants des écoles d’art territoriales au sein de la fonction publique territoriale » et leur ménagerait une place pour la recherche,
  • Cela opérerait une distinction claire entre les activités d’enseignement artistique initial, qui continueraient d’être exercées par les PEA, des activités d’enseignement artistique supérieur,
  • Enfin cette solution respecterait l’autonomie des collectivités tout en évitant l’effet boomerang pour leurs finances d’une requalification statutaire qui s’appliquerait aux PEA des autres enseignements artistiques, plus particulièrement en musique. Mais le coût ne sera cependant pas nul et « l’Etat aurait nécessairement vocation à apporter une contribution pérenne à ce financement ». Sera-ce le cas ?

Extension aux AEA/PEA. Les écoles d’enseignement artistique supérieur n’emploient pas seulement des “professeurs” (PEA), en catégorie A, mais également des “assistants” (AEA), eux en catégorie B, les deux effectuant des missions « proches, voire identiques ». « Pour preuve, lorsque nous avons demandé aux directeurs de nous indiquer combien d’enseignants travaillaient dans leur établissement, beaucoup n’ont pas jugé utile de distinguer les enseignants des assistants »… Une situation que la mission flash juge « intolérable ». Si la solution du cadre d’emplois spécifique pour les enseignants des écoles supérieures d’art territoriales était adoptée, il faudrait donc créer une « passerelle » des « assistants » vers les “professeurs”. Rappelons que le Conseil supérieur de la Fonction publique territoriale (cf. la Lettre d’Echanges n°166) s’indignait de l’existence d’un tel “sous professorat” dans les conservatoires. Là encore le risque d’immobilisme pour raison financière n’est pas négligeable.