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Pour une meilleure prise en compte de la danse en amateur

Par 29 novembre 2021mars 16th, 2022Aucun commentaire

En tant que sport, les pratiques de la danse restent dans un angle mort du ministère de la Culture, et en tant qu’art de celui des Sports. Or ces pratiques concernent un grand nombre de personnes et sont indispensables pour la vie des territoires : selon une estimation donnée par un député, chaque commune héberge en moyenne deux clubs de danse. L’Assemblée nationale a lancé une “mission flash” pour réfléchir à comment mieux accompagner et encadrer un tissu d’activité fortement mis à mal par la crise sanitaire.

L’une des grandes vertus de la crise sanitaire aura été de porter la lumière sur de très larges pans de la vie artistique et culturelle jusqu’alors insuffisamment pris en compte par la puissance publique. Ce sont souvent des secteurs peu structurés, donc peu audibles, peu visibles : plasticiens et plus largement auteurs – professions au statut fragile et aux revenus très incertains –, monde des discothèques, ou encore guides-conférenciers, artisans d’art, etc. Parmi les secteurs les plus impactés, il y a également ceux des pratiques en amateur – plastiques, musicales, chorales ou chorégraphiques – et leurs écoles associatives ou privées.

Cette invisibilité est tout particulièrement vécue dans le domaine de la danse. Car si l’histoire a consacré trois disciplines “officielles” – la danse classique, la danse moderne et la danse jazz –, dûment quoiqu’insuffisamment enseignées dans les conservatoires, elle a laissées orphelines de quasi toute attention publique la riche nébuleuse des danses dite “de salon” et des danses traditionnelles mais aussi, même si elles sont aujourd’hui en voie de reconnaissance, des danses dites “urbaines”.

Les acteurs des milieux de la danse non institutionnelle ont d’ailleurs tiré eux-mêmes les conséquences de leur peu de prise en compte par les dispositifs d’aide pour faire face à la situation pandémique en s’organisant collectivement. Ainsi, l’Union Danse Syndicat, qui rassemble l’ensemble des danses (jazz, hip-hop, classique, contemporain,  afro, claquettes…) a été créé en septembre 2020 « suite aux mesures édictées en conséquence de l’épidémie du Covid-19 et du manque d’initiative et de considération » dont ont souffert ses représentants.

Le relai des parlementaires. En relayant les revendications des mondes de la danse, les parlementaires auront joué un rôle significatif, notamment au travers des “questions écrites au Gouvernement”. Au printemps 2021, le député (PS) de la Mayenne Guillaume Garot alertait la ministre de la Culture sur l’impact de la crise sanitaire sur la danse et plus particulièrement sur la pratique de la danse en amateur. Soulignant que ces pratiques représentent plus de 700 000 emplois pour un chiffre d’affaires de 2,7Mds€, il réclamait notamment une défiscalisation des cours enseignés à distance, ou encore la mise en place d’un pass culturel à destination des pratiquants pour la rentrée 2021.

Pour sa part, le sénateur (SER) de la Gironde Hervé Gillé décompte six millions de pratiquants de danse en amateur avec, en moyenne, deux clubs par commune. Quel accompagnement de l’Etat pour faire face au reflux des adhésions (-30%) ? Et quelle indemnisation pour les pertes d’exploitation consécutives à la crise sanitaire ?

En réponse à ces deux questions parlementaires, ainsi qu’à bien d’autres, le ministère se félicite qu’un dialogue nouveau lui permet de « préciser son positionnement » vis-à-vis des écoles de danse privées ne relevant pas d’une habilitation par le ministère de la Culture. La reconnaissance de l’importance de ces pratiques est donc en chemin…

La mission flash. Elevant d’un cran la prise de conscience par les parlementaires de l’importance du rôle artistique, économique et social de la danse “non habilitée” par l’Etat, la commission culture de l’Assemblée nationale a confié à Valérie Bazin-Malgras (LR, Aube) et Fabienne Colboc (LREM, Indre-et-Loire), une mission flash relative à la répartition des compétences ministérielles pour la politique de la danse. Avec un constat sévère – un manque d’accompagnement et d’encadrement des pratiques chorégraphiques en amateur – et une explication de fond : à la fois art et sport, la danse oscille entre deux ministères peu coordonnés : celui de la Culture et celui des Sports.

Le ministère de la Culture, qui peut s’appuyer sur le Centre national de la danse (CND), les Centres chorégraphiques nationaux (CCN), les Centres de développement chorégraphique nationaux (CDCN) et encadre l’enseignement par un diplôme d’Etat de professeur de danse, prend bien en charge la danse en tant qu’art (classique, contemporain ou jazz) mais « laisse de côté le secteur amateur ». Quant à elles, les écoles de danse privées, qui « sont bien souvent les lieux où les grands danseurs ont fait leurs premiers pas », « ressentent avec une certaine amertume ce manque d’attention, sinon de reconnaissance, de la part du ministère de la Culture », car elles ne reçoivent pas de subvention, sont peu ou pas contrôlées et non « qu’un lien très distant, voire inexistant, avec les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ».

Pour les députées, il importerait que le ministère de la Culture se tourne davantage vers la pratique amateur et, pour cela, renforce ses liens avec le ministère des Sports. Le moment s’avère à leurs yeux propice : la création de la Délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle (DG2TDC), en janvier 2021, « va dans le bon sens ». Il serait d’une part nécessaire que les professeurs de danse et les écoles privées puissent avoir un interlocuteur identifié au sein de cette nouvelle délégation générale et, d’autre part, que les projets communs entre les structures labellisées et les écoles de danse soient encouragés.

Par ailleurs, les députées soulignent que « la danse met en jeu l’intégrité physique de ses pratiquants, qui pour la plupart sont des enfants et adolescents ; il est donc important que son enseignement soit dispensé par des personnes formées ». D’où cette autre proposition : la création d’un diplôme de « danseur intervenant » (sur le modèle des intervenants musique en milieu scolaire, les Dumistes) intégrant les exigences, notamment de prévention sanitaire, du code du sport.

Quel rôle pour les collectivités ? Centré sur l’action de l’Etat, le rapport de la mission flash ne cite à aucun moment les collectivités, pourtant très actives dans le soutien au tissu associatif culturel. Pour autant, plusieurs de ses préconisations ne sauraient devenir effectives sans leur engagement : encourager la pratique amateur en lui donnant une meilleure visibilité et l’inclure davantage dans l’éducation artistique et culturelle à l’école. Enfin, l’idée que la danse devienne éligible au Pass’Sport national (allocation de rentrée sportive de 50€ par enfant pour financer tout ou partie de son inscription dans une association sportive) peut également concerner les nombreux pass territoriaux, d’autant plus qu’ils associent bien souvent les aides aux activités culturelles et celles aux activités sportives. Par exemple, le “Pass Relance Culture Sport” du département des Deux-Sèvres aide les jeunes de 3 à 17 ans à s’engager dans deux activités, l’une culturelle, l’autre sportive. La même approche est développée par le « e.pass culture sport » de la région Pays-de-la-Loire, etc.

Au-delà ce ces quelques préconisations qui visent à accroître la prise en compte des pratiques en amateur de la danse par l’Etat mais sans aucunement remettre en question la double tutelle de la danse au sport et à son ministère, d’une part, et à l’art et au ministère de la Culture de l’autre, une réflexion plus innovante s’avèrerait sans doute nécessaire. Telle est peut-être la perspective dans laquelle se place la toute première préconisation des députées : organiser des Assises de la danse réunissant les acteurs publics et privés.

A télécharger
Mission flash sur la répartition des compétences ministérielles pour la politique de la danse