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Salon des maires 2022 : patrimoine et transition énergétique

Par 24 novembre 2022mars 16th, 2023Aucun commentaire

La thématique de cette table-ronde s’inscrit dans la tension entre trois temporalités, celle – longue – du patrimoine, et celles à court terme du changement climatique et de l’urgence de la crise énergétique. La première temporalité s’incarne dans le corpus même des règles de la préservation et de l’entretien du patrimoine, les deux autres dans les préoccupations quotidiennes des citoyens confrontés aux exigences de la rénovation thermique de leurs logements et dans les difficultés budgétaires des collectivités face à la hausse de l’énergie et de l’inflation.

Intervenants de la table-ronde animée par la journaliste Mylène Sultan : Anne Mistler, maire-adjointe de Strasbourg en charge des arts et des cultures, vice-présidente de la FNCC, Jean-Philippe Lefèvre, vice-président chargé de la culture du Grand Dole, vice-président de la FNCC, et Marc Louail, architecte des bâtiments de France de la Nièvre

Jean-Philippe Lefèvre tient d’abord à une clarification. « Nous ne cherchons à remettre en cause personne – ni les architectes de bâtiments de France ni les conservateurs du patrimoine. Notre questionnement porte sur les règlements. » Puis vient le constat budgétaire : les collectivités n’ont plus de moyens d’investissement. Comment alors financer la transition énergétique du bâti patrimonial ? « On ne sait plus comment faire, corsetés par un ensemble règlementaire que, de surcroît, nous avons voulu en tant qu’élus. A Dole, on a réhabilité le foyer d’un théâtre à l’italienne ; il faudra le fermer au public. Il en va de même d’un théâtre équestre. »

Cette pression est d’autant vive à Strasbourg que dans l’Allemagne toute proche les pratiques sont autres, sans pour autant donner le sentiment d’une quelconque dégradation. La réflexion doit aller au-delà des seuls sites patrimoniaux et des institutions culturelles. Elle concerne aussi le « patrimoine du quotidien » (écoles, mairies …) et notamment les périmètres protégés et leurs habitants. Là, les propriétaires ne sont pas opposés à des travaux d’isolation mais, à respecter la règlementation patrimoniale, leurs coûts sont trop élevés. « Quelle souplesse pourrions-nous apporter pour que nos concitoyens puissent continuer à vivre dans ces quartiers protégés ? », s’interroge Anne Mistler.

Pour le l’architecte des bâtiment de France Marc Louail, la situation est aussi une opportunité pour bousculer l’uniformité, aujourd’hui prévalente, de normes de l’isolation inadaptées au bâti patrimonial. « Le discours porté par les ABF ainsi que par l’Ordre des architectes est d’essayer de sortir des solutions systématisées. »

La situation impacte l’habitabilité même des centres-villes, qu’on travaille par ailleurs à revitaliser. Face aux coûts et compte tenu que la loi interdit désormais la location de « passoires thermiques » (en soi un principe vertueux), les bailleurs ont tendance à retirer leurs biens de l’offre de location. « On ne perçoit pas encore toutes les conséquences de la transition énergétique sur le marché de l’immobilier », prévient Jean-Philippe Lefèvre. Parmi elles, le rachat par des promoteurs, suivi d’une « découpe » des biens pour les adapter à la location en Airbnb. Alors, les habitants, et avec eux les commerces de proximité, déserteront ces quartiers.

Des solutions ?

Réversibilité. Une voie peut-être : « Pour l’urgence, on peut imaginer des dispositifs temporaires et réversibles », explique l’ABF de la Nièvre. D’ailleurs, en cas de bâtiment en péril et dangereux, il arrive déjà de « tôler » une toiture ou de recourir à des tuiles de production locale – avec de plus un effet vertueux pour l’économie du territoire – même si la stricte règle patrimoniale s’y serait opposée. « Il faut sortir de l’alternative du tout ou rien et trouver des solutions au cas par cas, sans massifier. » Mais, prévient Marc Louail, on ne trouvera pas les compétences suffisantes d’ici demain.

Jean-Philippe Lefèvre donne un exemple : des propriétaires enlèvent les volets pour refaire une façade et, au moment de les remettre, l’ABF prévient qu’ils doivent être en bois. Or là, il n’existe pas d’aide… Donc les volets ne sont pas remplacés ; alors on renonce à leur apport de chaleur en hiver et d’ombrage en été. Et on ne peut pas attendre une refonte en profondeur, nécessaire à terme, du corpus règlementaire…

Réexamen des documents d’urbanisme. Cela étant, la responsabilité de telles situations n’incombe aucunement aux seuls professionnels. « C’est notre rôle d’élus. » Sachant que la révision d’un Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) peut prendre dix ans, il faudrait pouvoir travailler avec le ministère de la Culture à la possibilité d’une réouverture rapide des documents d’urbanisme applicables en secteur protégé.

Un enjeu proprement culturel. Anne Mistler conclut par un appel à une meilleure formation à la réhabilitation des bâtis anciens pour les architectes et Jean-Philippe Lefèvre par cet engagement : « D’habitude, ces questions sont traitées par les délégations à l’urbanisme des collectivités. Cette table-ronde démontre qu’elles relèvent bien des enjeux culturels. Nous sommes décidés à ne pas lâcher l’affaire… »


A télécharger
Tribune de la FNCC : « Adapter le patrimoine à la transition énergétique et au changement climatique : il y a urgence ! » (01/11/2022)